[Podcast Ép. 53] Billet 🔊 : L’uberisation à l’agenda européen

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Il y a des jours où les actualités se télescopent. Ainsi jeudi dernier, tandis qu’Emmanuel Macron tenait une conférence de presse sur la présidence française de l’Union européenne à partir de janvier prochain, la Commission européenne présentait un projet de résolution visant à accorder aux travailleurs des plateformes numériques, les livreurs et chauffeurs notamment, mais pas seulement, une présomption de salariat.

 

 

C’est un événement puisque ce projet arrive après que le Parlement européen se soit prononcé en septembre dernier pour faire reconnaître à ces travailleurs le statut de salariés, et ce à la suite d’une cascade de décisions politiques ou de jugements qui en Europe et ailleurs dans le monde mettent à mal le modèle sur lequel se fonde l’économie des plateformes, c’est-à-dire l’illusion de l’indépendance. Elle considère que les livreurs ou les chauffeurs et d’autres catégories de travailleurs de plateformes de mise en relation devront bénéficier d’une présomption de salariat et donc d’un contrat de travail dès lors que leur rémunération est imposée par la plateforme, qu’ils sont astreints à respecter des règles spécifiques et contraignantes dans leur travail ou à dans leur apparence. Dès lors que l’exécution du travail est supervisée et que la qualité est vérifiée par la plateforme. Que le travailleur puisse être restreint dans son pouvoir d’organiser son travail notamment par des sanctions et qu’il ne peut se constituer une clientèle ou travailler pour un tiers. Cinq critères ont été retenus et la Commission estime que deux seulement de ces conditions seraient suffisantes pour déterminer qu’un travailleur n’est pas indépendant, mais bel et bien salarié.

La coïncidence avec la présidence prochaine de l’Union par Emmanuel Macron est d’autant plus singulière que lui et son gouvernement freinent des quatre fers pour reconnaître cette présomption de salariat afin de ne pas fragiliser le modèle économique des Uber, Deliveroo et autre Frichti.

Ce qui est intéressant dans cette affaire qui n’en est qu’à ces premières péripéties, c’est que la plateformisation du travail, l’extension de l’auto-entreprenariat vont toucher un nombre croissant de métiers ou de secteurs comme la santé ou les avocats et juristes, les experts et auditeurs auprès des entreprises. Une bataille menée par Eurocadres, pour garantir que les avancées arrachées pour les travailleurs et travailleuses des plateformes s’appliquent à tous et toutes, quel que soit leur niveau de qualification, et pas seulement aux livreurs [https://www.eurocadres.eu/news/progress-as-european-commission-delivers-protections-for-platform-workers/].

La distorsion du lien de subordination est déjà à l’œuvre. Elle est une tendance lourde qui pourrait se renforcer avec la montée en puissance du télétravail. L’éclatement des collectifs de travail, la réduction des parcs de bureau, le flex-office sont des tendances qui pourraient tout à fait accompagner et même favoriser l’externalisation de salariés qualifiés et plus seulement des livreurs à vélo. Le travail à la tâche, l’indépendance fantasmée sont des marqueurs des transformations du travail. Si ces transformations sont aujourd’hui – et depuis dix ans – incarnées par Uber qui a donné son nom à l’uberisation, elles sont en passe de toucher bien d’autres catégories de travailleurs et travailleuses au seul bénéfice des entreprises.

 

Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT

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