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Dans le contexte sanitaire extraordinaire actuel, les obligations de sécurité de l’employeur et des salariés se complètent pour assurer la santé de tous (salariés, clients, usagers, etc.) sur les lieux de travail. Toutes les entreprises sont concernées, quels que soient leurs statuts juridiques (sociétés commerciales, associations, syndicats, etc.), leurs activités et leurs effectifs.
par Michel CHAPUIS
Le Covid-19 (COronaVirus Infectious Disease 2019), maladie provoquée par l’infection au coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (Sars-CoV-2), apparue en 2019, exige la mobilisation de tous les acteurs de l’entreprise – employeurs, salariés – dans la prévention de la contamination pour assurer la sauvegarde de la santé de chacun.
L’obligation légale de sécurité de l’employeur
« L’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail » (art. 5 § 1, directive du 12 juin 1989). Au regard de ce principe, l’employeur prend les mesures nécessaires pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travail- leurs » (Code du travail, art. L. 4121-1). Ces mesures comprennent :
- des actions de prévention des risques professionnels ;
- des actions d’information et de formation ;
- la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’employeur met en œuvre ces mesures sur le fondement de principes généraux de prévention (Code du travail, art. L. 4121-2) :
- éviter les risques ;
- évaluer les risques qui ne peuvent être évités
- le Document unique d’évaluation doit être mis à jour au regard des risques liés à la Covid-19 ;
- combattre les risques à la source ;
- adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé, et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
- tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
- remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
- planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants ;
- prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
- donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’employeur est tenu de prendre et doit pouvoir justifier avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation de sécurité impose à l’employeur de revoir, au vu des risques et des modes de contamination induits par le virus du Covid-19, l’organisation du travail, la gestion des flux, les conditions de travail et les mesures de protection des salariés.«L’appréciation du respect de cette obligation par l’employeur s’effectue nécessairement, en vertu notamment du dernier alinéa de l’article L. 4121-1, en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques en la matière, lesquelles sont publiquement diffusées, notamment par le Haut conseil de la santé publique » (Conseil d’État, ordonnance du juge des référés, 19 octobre 2020, syndicat Alliance Plasturgie et Compagnie du Futur Plastalliance).
Pour accompagner les employeurs et les salariés dans la mise en œuvre des mesures de protection contre le Covid-19, le ministère du Travail a établi un protocole national (voir en bibliographie). Ce protocole relève du champ d’application des articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail, dont il constitue une « déclinaison opérationnelle ».
« Le protocole […] constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail. […] En l’état des connaissances scientifiques, le port du masque dans les espaces clos est justifié et constitue, en combinaison avec des mesures d’hygiène et de distanciation physique et une bonne aération/ventilation des locaux, la mesure pertinente pour assurer efficacement la sécurité des personnes »
(Conseil d’État 19 octobre 2020, préc.).
Au regard de ses obligations, en cas de non-respect, un employeur engage sa responsabilité :
- sur le plan pénal, pour violation des règles de sécurité du Code du travail, le cas échéant après mise en demeure de la Direccte sur rapport de l’inspecteur du travail, voire au regard du Code pénal, notamment pour mise en danger d’autrui, ou violation d’une obligation de prudence ;
- sur le plan civil, en matière de droit du travail pour les préjudices causés, ou de droit de la Sécurité sociale en cas de maladie professionnelle (décret n° 2020- 1131 du 14 septembre 2020), pour faute inexcusable. L’employeur est responsable des salariés qui causent des préjudices à d’autres salariés : il doit intervenir pour faire cesser les atteintes à la santé de sala- rié et, le cas échéant, il doit prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des salariés auteurs de préjudices (ne respectant pas les règles de santé et de sécurité, comme le port du masque.
L’obligation contractuelle de sécurité du salarié
« Il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail »
(Code du travail, art. L. 4122-1).
Prendre soin de la santé des autres personnes et « aider autrui » à sauvegarder sa santé est une manifestation de « fraternité » (principe à valeur constitutionnelle, décision n° 2018-717/718 du 6 juillet 2018).
Cependant, face à la pandémie, des comportements de quelques salariés portent atteinte, directement ou indirectement, à la santé de personnes (collègues, salariés d’autres entreprises, clients, usagers…) : refus par le salarié de porter correctement le masque, refus d’appliquer la distance physique, voir venue sur les lieux de travail en sachant être « cas contact » ou pire « positif » au Covid-19.
Souvent ces (rares) salariés récalcitrants prétendent s’exonérer des règles sanitaires communes au nom de leur liberté individuelle, alors que les textes (protocole, décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020) « en imposant le port systématique du masque » ne portent pas « une atteinte excessive à la liberté personnelle » (Conseil d’État, 19 octobre 2020, préc.).
Ainsi, comme le fait valoir Laurent Bibard, professeur à l’Essec, « se comporter “librement” en situation objectivement grave sur le plan sanitaire, peut avoir comme conséquence la contamination générale de populations à risque. La revendication de liberté individuelle est dans certaines circonstances inséparable d’une négligence absurde du sens des responsabilités ». Ces salariés, en oubliant que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), ignorent « le bien commun ».
Au regard de ses obligations, en cas de non-respect des règles de santé et de sécurité, le salarié engage sa responsabilité :
- sur le plan disciplinaire (contrat de travail) : l’employeur, après avoir mis en œuvre les actions d’information, peut prendre des sanctions disciplinaires, allant, suivant les cas, de l’avertissement jusqu’au licenciement (depuis Soc. 28 février 2002) ;
- sur le plan pénal, dans les cas les plus graves, le salarié peut faire l’objet d’une poursuite pénale (devant le tribunal correctionnel), notamment pour « mise en danger d’autrui » (au regard des risques de contamination par le coronavirus) ;
- sur le plan civil, la responsabilité personnelle du salarié à l’égard de tiers (salariés de l’entreprise ou d’autres entreprises…) peut également être engagée quand il a commis des actes (ou des omissions) dégradant leur santé (depuis Soc. 21 juin 2006 ; compétence du conseil de prud’hommes, condamnation du salarié à verser des dommages-intérêts aux salariés concernés).
Pour rappel, le salarié est titulaire de droits :
- le droit à la gratuité des équipements de protection individuelle, en bon état, en nombre suffisant pour chaque salarié, adaptés et pertinents au regard des risques et des conditions de travail (masques, etc.) ;
- le droit à la formation à la sécurité ;
- le droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation du travail ;
- le droit de retrait (voir Options n° 656, avril 2020).
Pour rappel, les attributions et moyens des élus du personnel et des organisations syndicales
Les élus du personnel, dans le cadre du comité social et économique (Cse), peuvent déclencher deux droits d’alerte sur le terrain de la santé :
- – le droit d’alerte « droits des personnes » (Code du travail, art. L. 2312-59) ;
- – le droit d’alerte pour « danger grave et Imminent » (Code du travail, art. L. 2312-60).
L’organisation syndicale et/ou le comité social et économique peut saisir le juge des référés au tribunal judiciaire (ex-Tgi) pour faire ordonner la suspension des activités d’une entreprise en cas de non- respect des règles de santé et de sécurité au regard du risque de contamination par le Covid-19 (tribunal judiciaire de Paris, Réf. 9 avril 2020, La Poste ; tribunal judiciaire de Lille, Réf. 24 avril 2020, Carrefour ; tribunal judiciaire du Havre, Réf. 7 mai 2020, Sas Renault).
Bibliographie
- Bernard Gauriau et Michel Miné, Droit du travail, 4e édition, 2020, Sirey-Dalloz.
- Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 (arrêté le 31 août 2020 et actualisé en dernier lieu le 29 octobre), à retrouver sur Travail-emploi.gouv.fr.
- Laurent Bibard, « Philosophie : pourquoi respecter le nouveau confinement est gage de notre liberté », Theconversation.com, 28 octobre 2020.