[Atelier préparatoire de congrès] Gagner un plein exercice de la responsabilité professionnelle

  17 mars 2021

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Temps de lecture : 4 minutes

Pour préparer son 19e congrès, la direction de l’Ugict-CGT a décidé d’organiser des ateliers préparatoires autour de trois thèmes clés : la responsabilité professionnelle, l’impact du numérique sur le travail et la protection sociale et enfin la question de la ré-industrialisation et des enjeux environnementaux. Ces ateliers préparatoires viendront nourrir le document d’orientation et seront organisés avec des méthodes d’éducation populaire. Ils ont pour objectifs de nous permettre d’approfondir les débats clés, de remonter les aspirations des ICTAM et les besoins des organisations, d’identifier et de valoriser les points d’appuis dont nous disposons. [En savoir plus : Kit d’organisation et de communication d’un atelier préparatoire au congrès]

 

Responsabilité professionnelle : les enjeux

L’aspiration à l’exercice de responsabilités professionnelles caractérise fondamentalement les personnels d’encadrement. L’ANI du 28 février 2020 sur l’encadrement en fait l’un des trois piliers permettant de définir l’encadrement aux côtés du niveau de qualification et du degré d’autonomie. Pour autant, l’exercice des responsabilités est loin de sceller un consensus qui permettrait de transcender l’antagonisme entre capital et travail. Au contraire, c’est sur ce terrain, et la crise que nous traversons l’a encore mis en lumière, que surgissent les conflits, le patronat refusant l’irruption des personnels d’encadrement sur le terrain de choix stratégiques qu’implique pourtant nécessairement l’exercice de la responsabilité professionnelle. Au quotidien, cela se traduit par trois aspects :

Dévoiement de la responsabilité professionnelle, sous l’impact de la financiarisation des entreprises et du « Wall street management ». Dans la conception libérale prévalente, la responsabilité n’est appréhendée par les entreprises que restrictivement sous un angle juridique et assurantiel : dès lors, elle se limiterait à une obligation de moyens consistant en la production de règles procédurales et managériales, toujours plus nombreuses, pointilleuses et loin de l’exercice des métiers. Il s’agit pour l’employeur de déployer un grand parapluie l’exonérant de ses responsabilités juridiques et sociétales et de transférer tous les risques sur les personnels de l’encadrement. Coincés entre le risque de sanction disciplinaire, pour ne pas voir mis en œuvre une profusion de directives inapplicables, et le risque juridique, pénal ou civil, pour ne pas avoir diligenté des mesures efficaces, les salarié·es de l’encadrement deviennent des fusibles. Cette déresponsabilisation de l’entreprise est renforcée par la standardisation du travail et du management. Les cadres et experts « planneurs », qui élaborent les méthodes de management et de « transformation » ignorent tout du travail des salarié·es auxquels elles s’appliquent. Les cadres et professions intermédiaires qui doivent les mettre en œuvre auprès de leurs collègues n’ont aucune marge de manœuvre pour faire respecter les règles de l’art : ainsi privés de toute autonomie de décision, ils ne peuvent exercer leur responsabilité professionnelle. La question de la responsabilité, de son exercice et de sa sécurisation devient ainsi un terrain de confrontation entre l’employeur et ses salarié·es.

D’où la tentation de certaines branches professionnelles, notamment à l’occasion de la renégociation des classifications (cf. UIMM), de remplacer la notion de responsabilité par celle d’impact de l’activité ou par celle de « contribution ». Ce glissement de la « responsabilité » à la « contribution » est très dangereux.

La « contribution » ne réfère plus à l’activité du/de la salarié·e inhérente à son emploi, mais au seul résultat de son travail, qui dépend en fait de multiples facteurs (cadre collectif du travail, moyens mis à disposition, choix stratégiques et de gestion, etc.). Dans une acception encore plus étriquée, la « contribution » prise en compte peut être réduite à la contribution aux bénéfices. Son appréciation va alors souvent privilégier les secteurs ou types d’emploi considérés comme « centres de profit », au détriment des « sources de coût ».

Quant aux critères d’appréciation du résultat, le plus souvent induits par des objectifs de rentabilité financière à court terme, ils peuvent entrer en conflit avec l’éthique professionnelle des salarié·es : réduction drastique des coûts de fabrication demandée à un ingénieur aux dépens de la sécurité et des normes de qualité, intensification du travail et accroissement des durées de travail pour accroître la productivité au mépris de la santé.

  •   L’impunité des dirigeants et des entreprises est organisée à travers le développement de l’actionnariat de court terme, l’internationalisation de leur périmètre, et le morcellement de la chaîne de valeur (sous-traitance, filialisation…). L’entreprise n’a pas d’autre statut que société de capitaux, le PDG est uniquement mandataire d’actionnaires toujours plus volatils. Les véritables lieux de pouvoir sont donc évanescents et insaisissables et le risque (et donc les responsabilités) est supporté exclusivement par les salarié·es alors que les décisions stratégiques sont prises sans eux. La médiatisation des problématiques de la responsabilité a contraint les entreprises à admettre une responsabilité sociétale (RSE). Loin d’intégrer ces nouvelles conceptions, les organisations patronales se sont empressées de réduire cette ambition à diverses recettes managériales relatives à la responsabilité sociale, et non pas sociétale, des entreprises : autant de déclarations de principe contraintes par un certain nombre de scandales sans effet réel sur la gouvernance des entreprises.
  •   Les ICTAM comme fusibles : privés d’autonomie sur le contenu de leur travail, de capacité d’initiative, et de moyens de faire autrement, ils sont pour autant responsables au pénal et systématiquement utilisés comme boucs émissaires par les directions, alors que les vrais responsables des orientations stratégiques ou des méthodes managériales sont de plus en plus insaisissables. Nombre de dirigeants tentent d’organiser leur impunité juridique et singulièrement pénale en dévoyant l’aspiration des cadres à l’exercice de leurs responsabilités professionnelles au travers de délégations de pouvoir dont les délégataires sous-estiment trop souvent la portée juridique, piégés dans le dilemme « se soumettre » ou « se démettre », dont l’employeur abuse amplement.

Responsabilité professionnelle : les questions que nous voulons approfondir

  • Comment développer des pratiques et stratégies syndicales pour gagner un plein exercice de la responsabilité professionnelle ?
  • Dans le prolongement de l’ANI encadrement, quels droits et garanties gagner à tous les niveaux pour sécuriser la responsabilité professionnelle ?

 

 

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