Introduction

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Ce 19e Congrès de l’Ugict-CGT intervient alors que la crise sanitaire apporte une nouvelle preuve des impasses du capitalisme. Le travail des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise (ICTAM) a été profondément chamboulé : télétravail en mode dégradé, isolement et fractionnement du collectif de travail, responsabilités accrues sans moyens, aussi bien pour assumer sa propre charge de travail, que pour garantir la santé morale et physique des équipes..

Alors qu’il bénéficie d’aides massives, le capital profite de la crise pour restructurer et taille de façon inédite dans la recherche, l’ingénierie et l’encadrement, une faute grave à l’heure des technologies de ruptures en matière numérique ou environnementale, qui risque d’hypothéquer notre capacité à anticiper, maîtriser et décider de l’avenir de notre pays.

À l’image de ce qui s’est passé après 2008, le capital instrumentalise la dette Covid pour imposer l’austérité. Alors que, par nos luttes, nous avons réussi à suspendre deux des réformes phares du quinquennat, celle des Retraites et de l’Assurance chômage, la mobilisation s’impose pour gagner une société plus juste, plus égalitaire, plus démocratique, plus solidaire..

 Vecteurs et victimes des transformations, les ingénieur.e.s, cadres, technicien.ne.s et agent.e.s de maîtrise (ICTAM) sont un enjeu stratégique. Pour le capital, nous sommes un vecteur pour transformer le travail du reste du salariat.

C’est tout l’enjeu par exemple de la loi de Transformation de la fonction publique, qui généralise le recours aux contractuels dans l’encadrement pour mieux importer le management par objectifs financiers et mettre ainsi fin à la différence de nature entre la fonction publique et le secteur privé.

Les employeurs tentent de nous utiliser pour expérimenter les déstructurations de garanties collectives sociales du travail et passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

La protection sociale des ICTAM est au centre des convoitises des assureurs et autres fonds de pension, qui rêvent de sortir les salarié.e.s solvables de la répartition pour faire de leur protection sociale un nouvel objet de spéculation : ce n’est pas pour faire des économies que la réforme des Retraites excluait les cadres supérieurs de la répartition, et que celle de l’Assurance chômage instaure la dégressivité pour les salaires supérieurs à 4500 euros, c’est pour ouvrir de nouveaux marchés.

Pour faire passer ces régressions, le capital utilise toujours la même méthode : diviser le monde du travail, présenter les cadres comme des privilégié.e.s pour les mettre en opposition avec l’exécution et organiser le partage de la pénurie au sein du salariat, pour mieux préserver la rente, les actionnaires et leurs dividendes.

La banalisation des idées d’extrême droite progresse sur ce populisme et se nourrit des divisions entre salarié.e.s. Le monde des affaires s’en accommode parfaitement et subventionne.

L’arrivée au pouvoir de dirigeants fascisants y compris parmi les plus grandes puissances a été portée par une partie du monde de la finance et des médias qu’elle détient, à l’image de la stratégie déployée en France par Bolloré avec la reprise en main d’ITélé et d’Europe 1.

L’ère du capitalisme financier autoritaire s’inscrit dans un mouvement de fragilisation démocratique mondial sans précédent depuis l’après-guerre, qui prospère sur des replis idenditaires : progressant dans les urnes, l’extrême droite n’a même pas besoin d’accéder au pouvoir pour mettre en place ses réformes.

Les lois sécuritaires s’accumulent et les propos racistes et discriminatoires se banalisent au plus haut sommet des États.

Les ingénieur.e.s, cadres, technicien.ne.s et agent.e.s de maîtrise (ICTAM) sont donc un enjeu stratégique central pour notre syndicalisme de lutte de classe. Isolé par des méthodes managériales répondant à des objectifs financiers, l’encadrement est enfermé dans l’alternative mortifère « se soumettre ou se démettre ».

À l’inverse, nous voulons organiser massivement ingénieur.e.s, cadres, technicien.ne.s et agent.e.s de maîtrise pour leur permettre de reprendre collectivement la main sur leur travail, faire primer leur éthique professionnelle et transformer le management et les rapports sociaux.

Renforcer notre syndicalisme spécifique est indispensable pour rassembler le salariat et mener des luttes majoritaires et gagnantes. Pour cela, nous bénéficions de nombreux points d’appui. La crise suscite une plus grande lucidité sur la nécessité de changer de voie pour répondre aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques.

Ingénieur.e.s, cadres, technicien.ne.s et agent.e.s de maîtrise aspirent à travailler et vivre autrement. Alors que le débat sur les métiers essentiels a permis de mettre sur le devant de la scène la finalité et l’utilité sociale du travail, elles et ils désirent, encore plus qu’avant, exercer un travail qui ait du sens.

La féminisation de l’encadrement et les aspirations des jeunes qui ne veulent plus tout sacrifier à leur carrière professionnelle sont un levier pour transformer la norme de l’encadrement, mettre fin au présentéisme, à l’individualisation et à la mise en concurrence.

Alors que la prise de conscience de l’urgence environnementale amplifie le décrochage avec les directions, il nous faut faire vivre un syndicalisme qui permette d’agir sur cette question et de réorienter la finalité du travail.

Nous voulons partir du travail pour ouvrir des alternatives sociales et environnementales, porter un syndicalisme qui permette le plein exercice du professionnalisme et des responsabilités, qui se batte pour la reconnaissance et le paiement des qualifications, et qui réponde aux problèmes concrets et immédiats, en commençant par gagner un encadrement du télétravail.

Confrontés à la progression de l’autoritarisme, dans les directions d’entreprise comme au niveau gouvernemental et à une stratégie de marginalisation du syndicalisme, nous avons besoin de renforcer l’adhésion à notre organisation en faisant en permanence la preuve de l’utilité et de l’efficacité du syndicalisme CGT.

L’ANI encadrement, gagné grâce à l’acharnement de l’Ugict-CGT en est un excellent exemple. Il bat en brèche l’inversion de la hiérarchie des normes, conforte les diplômes et qualifications contre la logique compétence et renforce une définition collective et objective, à rebours de l’individualisation induite par des méthodes managériales ne répondant qu’à des objectifs financiers.

Il s’agit d’un levier à utiliser dans les négociations de branche et d’entreprise pour gagner des droits concrets garantissant un plein exercice de la responsabilité professionnelle. L’accession inédite de l’Ugict-CGT à la présidence d’Eurocadres, notre organisation européenne, est un moyen pour renforcer notre visibilité auprès des ICTAM.

À l’issue du 3e cycle de calcul de l’audience des organisations syndicales dans le privé, la CGT perd 150 000 voix, une nouvelle chute de 1,8 %. Si la CFDT confirme sa première place bien que perdant 40 000 voix, ce recul profite surtout à la CFE-CGC et l’UNSA qui progressent de manière continue.

C’est donc le syndicalisme catégoriel qui se développe. Passé l’électrochoc, vient maintenant le temps de la lucidité et surtout de l’action : refuser partout un Yalta du syndicalisme entre une CGT rayonnant sur les ouvriers-employés, et une CFE-CGC sur ICTAM, mais aussi combattre la démarche de marginalisation de la CGT voulue par la CFDT..

Nous savons le poids que représentent les votes dans les grandes entreprises et les votes des ICTAM pour renverser d’urgence cette réalité. Nous ne regagnerons pas la première place sans proposer une syndicalisation massive et une possibilité pour chaque ICTAM de voter CGT dans les deuxième et troisième collèges ainsi que dans les Comités sociaux de la fonction publique.

Ceci nécessite de changer de braquet pour développer et organiser l’activité spécifique, dans le prolongement des décisions des 51e et 52e Congrès confédéraux.

 

L’activité spécifique n’est ni une niche catégorielle, réduite à quelques aspects déconnectés de toute activité générale et qui conduirait à un travail en silo ; ni un simple relais d’une activité généraliste CGT bis, qui ferait l’impasse sur le travail de proximité compromettant ainsi leur engagement de masse dans l’action, comme dans la CGT.

L’activité spécifique est intrinsèque à notre conception d’un syndicalisme de masse et de lutte de classe. Alors que toutes les confédérations se sont dotées d’organisations nationales de cadres, ce n’est pas un hasard si seule la CGT s’est dotée d’une activité spécifique structurée dans la proximité, dans l’entreprise comme au niveau des professions et territoires.

Prenant en compte leurs aspirations à changer la donne quotidienne de leur travail, la CGT est bien la seule organisation à œuvrer pour une nouvelle conception de leur place et rôle dans l’entreprise avec pour objectif une transformation des rapports sociaux.

Prétendre développer une activité spécifique sans l’organiser est un contresens . L’étude comparée de nos taux de syndicalisation démontre que les seuls endroits où nous gagnons une syndicalisation de masse des ICTAM sont les professions dans lesquelles ils et elles disposent d’un cadre d’organisation spécifique leur garantissant l’autonomie pour décider des revendications et modes d’actions qui leur conviennent, et permettant de travailler les convergences avec les autres catégories.

Refuser d’organiser l’activité spécifique serait limiter les ICTAM à pouvoir être, au mieux, sympathisants et reproduire dans le syndicat l’isolement organisé par les directions.

Le spécifique, ce n’est pas la loi du nombre, c’est le contenu de l’activité : ce n’est pas parce qu’une entreprise est majoritairement composée d’ICTAM qu’il n’y a plus besoin d’activité spécifique.

Ce serait avoir une activité généraliste qui d’un côté oublie l’exécution, qui même minoritaire, a besoin d’une activité qui lui corresponde, et de l’autre ne corresponde pas pleinement aux ICTAM, avec une activité déconnectée des productions des organisations spécifiques.

Le tous.tes ensemble exige une culture des débats et une démocratie syndicale ambitieuse et volontariste, au-delà de la loi des logiques de majorité/minorité ou de mise sous tutelle de l’activité spécifique.

Le problème, ce n’est pas qu’il y ait des vécus spécifiques ou des revendications spécifiques, c’est quand par recul de notre culture démocratique, nous ne sommes pas capables de les faire converger !

 

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