Pour en savoir plus
Les licenciements pour motif économique ont souvent des conséquences en matière de santé et de sécurité.
Les contentieux judiciaires sont fréquents. Se posent alors des questions sur la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif. Pour la première fois en matière de Pse, un arrêt du Tribunal des conflits apporte des précisions importantes.
Michel CHAPUIS
Faits
La société Grid Solutions (groupe General Electric) a initié en juin 2019 un projet de réorganisation de ses établissements du Rhône et de Savoie. Dans ce cadre, un plan de sauvegarde de l’emploi (Pse) a été adopté par un accord collectif majoritaire signé le 19 novembre 2019 et validé le 31 décembre 2019 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).
Procédures
Entre-temps, le 13 novembre 2019, le syndicat Cgt Alstom Grid Villeurbanne a saisi le juge des référés du Tgi de Nanterre aux fins de demander la suspension du projet de réorganisation jusqu’à ce qu’il soit mis fin au trouble manifestement illicite résultant, selon lui, de l’absence de mesures d’identification et de prévention des risques psychosociaux et de la souffrance au travail des salariés.
Le préfet des Hauts-de-Seine a déposé un déclinatoire de compétence le 20 novembre 2019. Le 11 décembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné à la société Grid Solutions de suspendre le projet de réorganisation jusqu’à ce qu’il ait été procédé à une évaluation précise des risques psychosociaux liés aux tâches et à la charge de travail supplémentaires supportées par les salariés qui n’auront pas fait l’objet d’un licenciement et qu’ait été présenté un plan de prévention des risques permettant de garantir aux personnels demeurant dans l’entreprise après la restructuration des conditions normales de sécurité et de santé au travail. Par un arrêté du 27 décembre 2019, le Préfet a élevé le conflit.
Réponse du Tribunal des conflits (Tc) Sur le Code du travail et sa mise en œuvre
La loi du 14 juin 2013 a prévu que le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi qui doit être établi en cas de licenciement d’au moins dix salariés sur une période de trente jours est fixé par un accord collectif majoritaire ou, à défaut, par un document élaboré par l’employeur.
En vertu de l’article L. 1233-57-1 du Code du travail, cet accord ou ce document est transmis à l’autorité administrative pour validation ou homologation. Selon l’article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d’homologation relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l’accord collectif, le document élaboré par l’employeur, le contenu du plan de sauve- garde de l’employeur, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l’objet d’un litige distinct. En vertu des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du Code du travail, le contrôle de la régularité de la procédure d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi incombe à l’autorité administrative, lors de sa décision de validation ou d’homologation. Dans le cadre d’une réorganisation qui donne lieu à élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à l’autorité administrative (Dreets, ex-Direccte) de vérifier le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. La Dreets doit contrôler :
– la régularité de l’information et de la consultation des institutions représentatives du personnel ;
– les mesures auxquelles l’employeur est tenu en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail au titre des modalités d’application de l’opération projetée, ce contrôle n’étant pas séparable de ceux qui sont mentionnés au paragraphe précédent (en vertu des articles L.1233-57-2 et L. 1233-57-3 du Code du travail).
Il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître de la contestation de la décision prise par l’autorité administrative.
Le juge judiciaire est pour sa part compétent pour assurer le respect par l’employeur de son obligation de sécurité lorsque la situation à l’origine du litige,
– soit est sans rapport avec le projet de licenciement collectif et l’opération de réorganisation et de réduction des effectifs en cours,
– soit est liée à la mise en œuvre de l’accord ou du document ou de l’opération de réorganisation.
Sur l’affaire
En l’espèce, le litige porté devant le juge des référés du tribunal de grande ins- tance de Nanterre avait pour objet l’insuffisance des mesures d’évaluation et de prévention des risques dans le cadre d’un projet de réorganisation qui donnait lieu à élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Il résulte de ce qui précède qu’un tel litige relève de la compétence administrative. C’est dès lors à bon droit que le préfet des Hauts-de-Seine a élevé le conflit (Tribunal des conflits, 8 juin 2020).
À retenir
Pour la détermination du juge compétent au regard des questions de santé et de sécurité dans le cadre d’un licenciement économique avec Pse :
– avant la décision de validation ou d’homologation, c’est la Dreets et le juge administratif qui sont compétents dans le cadre du « bloc de compétences » (article L.1235-7-1 du Code du travail) ;
– après la décision de validation ou d’homologation, le juge judiciaire ( Tj, ex-Tgi) retrouve toute sa compétence en ce qui concerne le respect par l’employeur de son obligation de sécurité.