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Sur quel fondement juridique les membres d’une section syndicale peuvent-ils demander à bénéficier d’autorisations d’absence pour participer à une réunion du comité directeur de ladite section ? C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’État, saisi en référé, dans une ordonnance du 4 septembre 2020 1.
Edoardo MARQUÈS
Dans les faits, sept agents de la Communauté intercommunale Réunion est (Cirest), avaient demandé à bénéficier, pour le 7 septembre 2020, d’une autorisation spéciale d’absence (Asa), sur le fondement de l’article 16 du décret n° 85-397 du 3 août 1985, relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale, pour participer à une réunion du comité directeur de la section syndicale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale de la Réunion (Safptr) au sein de la Cirest. Par une décision du 20 août 2020, le président de la Cirest avait refusé de faire droit à ces demandes au motif que la section syndicale du Safptr de la Cirest, n’ayant pas été constituée et déclarée conformément à l’article L. 2131-3 du Code du travail, elle ne disposait pas de la personnalité juridique lui permettant de prétendre à bénéficier des Asa prévues par les articles 15 et 16 du décret du 3 avril 1985. Par une ordonnance du 27 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion avait enjoint à la Cirest d’octroyer ces autorisations d’absence pour la réunion du 7 septembre 2020, dans un délai d’une semaine à compter de la notification de l’ordonnance.
Mais, sur appel de la structure intercommunale, le juge des référés du Conseil d’État a, dans une ordonnance du 4 septembre 2020, annulé la décision du 27 août 2020.
Le régime juridique des autorisations spéciales d’absence dans la fonction publique territoriale
Aux termes des dispositions de l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent libre- ment créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats […]. »
Par ailleurs, l’article 59 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose : « Des autorisations spéciales d’absence [Asa] qui n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels sont accordées : 1° aux représentants dûment mandatés des syndicats pour assister aux congrès professionnels syndicaux fédéraux, confédéraux et internationaux et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations dont ils sont membres élus. Les organisations syndicales qui sont affiliées à ces unions, fédérations ou confédérations disposent des mêmes droits pour leurs représentants […]. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article et notamment, pour les autorisations spéciales d’absence prévues au 1°, le niveau auquel doit se situer l’organisme directeur dans la structure du syndicat considéré et le nombre de jours d’absence maximal autorisé chaque année […].»
Or, aux termes des dispositions de l’article 12 du décret n° 85-397 du 3 avril 1985, relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : « À la suite de chaque renouvellement général des comités techniques, la collectivité territoriale, l’établissement public ou le centre de gestion attribue un crédit de temps syndical aux organisations syndicales, compte tenu de leur représentativité […]. Le crédit de temps syndical comprend deux contingents » dont « 1° Un contingent d’autorisation d’absence […] » En outre, l’article 14 du même décret précise que : « Le contingent d’autorisations d’absence mentionné au 1° de l’article 12 est calculé au niveau de chaque comité technique, à l’exclusion des comités techniques facultatifs, proportionnellement au nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale du comité technique, à raison d’une heure d’autorisation d’absence pour 1 000 heures de travail accomplies par ceux- ci […] Les agents bénéficiaires sont désignés par les organisations syndicales parmi leurs représentants en activité dans la collectivité ou l’établissement concerné […]. »
En outre, aux termes de l’article 15 du même décret, il est indiqué que : « Les autorisations d’absence mentionnées aux articles 16 et 17 sont accordées, sous réserve des nécessités du service, aux représentants des organisations syndicales mandatés pour assister aux congrès syndicaux ainsi qu’aux réunions de leurs organismes directeurs, dont ils sont membres élus ou pour lesquels ils sont nommément désignés conformément aux dispositions des statuts de leur organisation. Les demandes d’autorisation doivent être formulées trois jours au moins avant la date de la réunion. Les refus d’autorisation d’absence font l’objet d’une motivation de l’autorité territoriale. »
Et l’article 16 du même décret dispose que : « Dans le cas de participations aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations de syndicats non représentées au Conseil commun de la fonction publique [Ccfp] la durée des autorisations spéciales d’absence accordées à un même agent, au cours d’une année, ne peut excéder dix jours. Les syndicats nationaux et locaux ainsi que les unions régionales, interdépartementales et départementales de syndicats qui leur sont affiliés disposent des mêmes droits.
Cette limite est portée à vingt jours par an dans le cas de participation aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales internationales, ou aux congrès et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations représentées au [Ccfp]. Les syndicats nationaux et locaux ainsi que les unions régionales, interdépartementales et départementales de syndicats qui leur sont affiliés disposent des mêmes droits. »
Enfin, l’article 17 du même décret indique que : « Les représentants syndicaux mandatés pour participer aux congrès ou aux réunions statutaires des organismes directeurs d’organisations syndicales d’un autre niveau que ceux mentionnés à l’article 16 peuvent bénéficier d’autorisations d’absence imputées sur les crédits d’heure définis en application de l’article 14 [précité]. »
L’argumentation du Conseil d’État : différencier les Asa « hors contingent » des Asa de droit commun
Pour le juge des référés du Conseil d’État, les dispositions relatives au droit syndical, précitées, ne font pas obstacle à ce que les organisations syndicales des agents de la fonction publique territoriale constituent au sein de chaque collectivité ou établissement public au sein des- quels elles sont représentées, des sections locales dotées d’organismes directeurs. Elles ne font pas non plus obstacle à ce que les mêmes organisations syndicales désignent comme bénéficiaires des autorisations d’absence des membres de ces sections pour participer aux réunions des organismes directeurs déterminés par leurs statuts, dans la limite du contingent d’autorisations d’absence mentionné au 1° de l’article 12 du décret du 3 avril 1985, précité.
Par suite, la circonstance que la section syndicale constituée au sein de la Cirest par le Safptr soit dépourvue de la personnalité morale ne saurait faire obstacle à ce que les représentants de ce syndicat au sein de cet établissement public intercommunal puissent prétendre au bénéfice d’autorisations d’absence pour participer à une réunion du comité directeur du Safptr.
Toutefois, précise le juge des référés du Conseil d’État, ces dispositions ne per- mettent l’octroi d’une Asa prévue par l’article 16 du décret du 3 avril 1985 – c’est-à-dire hors du contingent fixé par l’article 14 – que pour participer aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales visées par l’article 16.
En l’occurrence, il s’agit des activités institutionnelles syndicales d’un niveau déterminé. Le bénéfice d’autorisations d’absence sur le fondement de l’article 16 du décret de 1985 ne peut également être reconnu pour participer aux congrès ou réunions des comités directeurs d’organisations syndicales d’un autre niveau. Ainsi, les agents souhaitant participer à de telles réunions doivent solliciter des autorisations d’absence qui s’imputent sur le contingent d’autorisations d’absence prévu par l’article 14 du décret de 1985. Si, en vertu de l’article 16 du décret, les syndicats locaux disposent des mêmes droits pour leurs congrès et réunions de leurs organismes directeurs, seuls les congrès et réunions des comités directeurs de ces syndicats (et non ceux des sections syndicales qui ont pu être créées au sein des collectivités ou établissements au sein desquels ces organisations syndicales sont représentées) peuvent donner lieu à des Asa hors contingent, prévues par l’article 16, précitées.
Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État estime que le Safptr n’est pas fondé à soutenir que la Cirest a porté une atteinte manifestement illégale à la liberté syndicale en refusant de faire droit à ses demandes d’Asa présentées sur le fondement de l’article 16 du décret de 1985 pour permettre à sept agents de participer à la réunion du comité directeur de la section syndicale du Safptr au sein de ladite communauté. En conséquence, il annule l’ordonnance attaquée et rejette la demande présentée par le syndicat devant le juge des référés.
1. Conseil d’État, ordonnance n° 443570, 4 septembre 2020.