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On se souvient que parmi les premiers actes d’Emmanuel Macron Ă son arrivĂ©e Ă l’ĂlysĂ©e, la diminution des APL et la suppression de l’ISF ont contribuĂ© Ă lui forger l’image indĂ©lĂ©bile de « PrĂ©sident des riches ». Cinq ans plus tard, la publication du rapport de la commission d’enquĂȘte du SĂ©nat sur le recours par l’Ătat aux cabinets de conseil vient nous apprendre que ce sont prĂ©cisĂ©ment ces cabinets de conseil qui lui ont soufflĂ© le scĂ©nario qui a conduit Ă la baisse de 5 euros par mois (60 euros Ă l’annĂ©e) des aides personnelles au logement. Emmanuel Macron a donc aussi Ă©tĂ© le prĂ©sident des cabinets de conseil comme le pointe le rapport sĂ©natorial.
Celui-ci rĂ©vĂšle un « phĂ©nomĂšne tentaculaire », au coĂ»t croissant pour les finances publiques. Il montre que le volume des contrats passĂ©s avec ces cabinets a Ă©tĂ© multipliĂ© par presque 2,4 entre 2018 et 2021. Les dĂ©penses liĂ©es aux prestations de conseil au sein de lâĂtat passant de 397,1 millions dâeuros en 2018, Ă prĂšs de 893,9 millions en 2021. Aujourdâhui, l’Ătat dĂ©lĂšgue la rĂ©daction de lâexposeÌ des motifs de lois Ă ces consultants privĂ©s, payĂ©s 1 500 euros par jour.
Mais la macronie ne s’est pas contentĂ©e d’abandonner la souverainetĂ© du pilotage de l’action publique, elle a aussi largement accru lâexternalisation de pans entiers du service public dans les domaines cruciaux de la santĂ©, de la protection sociale, de la sĂ©curitĂ©.
Ainsi, selon le collectif, nos services publics qui rassemblent notamment des cadres supĂ©rieurs des trois versants de la fonction publique, le recours Ă l’externalisation de missions publiques au privĂ© va au-delĂ de ces Ă©tudes et conseils. Il s’est mĂȘme « accĂ©lĂ©rĂ©Ì depuis le milieu des annĂ©es 1990, il prend des formes juridiques de plus en plus variĂ©es et reprĂ©sente aujourdâhui un total dâau moins 160 milliards, soit lâĂ©quivalent du quart du budget de lâĂtat », dĂ©nonçait le collectif dans une note en avril 2021.
Au-delĂ des questions dĂ©mocratiques que pose ce recours Ă des cabinets privĂ©s, dont les scĂ©narios prĂ©fĂ©rĂ©s sont en gĂ©nĂ©ral suivis par les dĂ©cideurs politiques, se posent aussi des questions d’efficacitĂ© Ă©conomique. Et au sujet de ces multiples Ă©tudes commandĂ©es, la note du collectif dĂ©mentait l’idĂ©e selon laquelle ces prestations intellectuelles du privĂ© permettraient de bĂ©nĂ©ficier de regards neufs, dâexpertises et compĂ©tences alternatives aÌ celles quâon trouve au sein de la fonction publique. Car les profils des consultants se distinguent trĂšs peu de ceux des dĂ©cideurs publics quâils conseillent : mĂȘmes Ă©coles, voire parfois mĂȘmes concours de la fonction publique. Mais plus grave est l’assĂšchement et la fragilisation de « tout un patrimoine immatĂ©riel des services publics, de compĂ©tences mĂ©tier, de savoir-faire dâorganisation, voire parfois de rĂ©flexion stratĂ©gique », pointe la note. Ce recours massif Ă lâexternalisation « aboutit donc aÌ un recul de la souverainetĂ©Ì et de la capaciteÌ de pilotage du service public sur ses propres missions lorsquâil sâagit de fonctions de conception des politiques publiques ou de fonctions rĂ©galiennes comme la santeÌ, le contrĂŽle ou la sĂ©curitĂ©Ì ».
L’Ă©tendue de l’externalisation pointĂ©e par le rapport sĂ©natorial arrive Ă point nommĂ© Ă la fin d’un quinquennat totalement paradoxal pour le service public. Ces cinq ans ont rĂ©vĂ©lĂ© comme jamais le besoin de service public et en mĂȘme temps la crise profonde de l’action publique. Les discours sur le dĂ©graissage de la fonction publique ne font plus recette. Ces cinq annĂ©es ont aussi fait Ă©merger le besoin de reconnaissance des qualifications des agents publics, l’exigence d’un renforcement de leurs effectifs. Elles ont aussi vu monter parmi les fonctionnaires une exigence de sens de leurs missions comme l’ont rĂ©vĂ©lĂ© les diffĂ©rents baromĂštres de l’encadrement rĂ©alisĂ©s par la CGT des ingĂ©nieurs, cadres et techniciens. Les cadres de la fonction publique ont un terrain Ă reconquĂ©rir, celui du conseil, de l’aide Ă la dĂ©cision afin de piloter le service public vers la rĂ©ponse aux besoins et pas vers la privatisation. C’est une exigence dĂ©mocratique.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
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