Discriminations – Un droit à mobiliser !

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Discriminations - Un droit à mobiliser !
Contre les discriminations, le droit est plus souvent mobilisé en justice. La jurisprudence est à connaître et à mobiliser 
à l’entreprise, dans les consultations des institutions représentatives du personnel et les négociations collectives. Michel CHAPUIS

Une salariée ne doit pas être discriminée du fait de sa maternité

Cassation sociale, 23 mars 2016


Attendu qu’aux termes des articles 2 et 15 de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 – « égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail » –, constitue une discrimination directe tout traitement moins favorable d’une femme liée à la grossesse ou au congé de maternité ; il en résulte que l’accord du 29 mars 1990, fixant les conditions d’une garantie d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, selon lequel la condition pour la salariée de ne pas être absente depuis quatre mois ou plus à la date d’expiration du contrat de nettoyage ne s’applique pas aux salariées en congé de maternité, qui seront reprises sans limitation de leur temps d’absence, doit être interprété en ce sens qu’aucune absence en raison de la maternité ne peut être prise en compte à ce titre, quand bien même le congé de maternité a pris fin avant la date de la perte du marché de nettoyage.

Attendu que Mme X. a été engagée le 26 août 2003 par la société La Performante en qualité d’agent de service et affectée au nettoyage d’un site dont le marché a été confié à la société Samsic II à compter du 23 février 2009 ; elle a été en congé maternité du 1er avril 2008 au 28 décembre 2008, puis en congés payés ou arrêt maladie jusqu’au 7 mars 2009 ; estimant que son contrat de travail avait été transféré à la société Samsic II, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient qu’au jour de la reprise du marché, le 23 février 2009, la salariée n’était plus en congé maternité puisque celui-ci avait pris fin le 28 décembre 2008, que la commission paritaire nationale d’interprétation en date du 10 février 1999 est venue préciser la commune intention des parties en disant que « pour apprécier si un salarié est transférable, il convient de se placer au jour de la rupture du contrat commercial. Si, à ce jour, la salariée est en congé maternité, elle est transférable au sein de l’entreprise entrante, peu importe qu’elle ait été absente pour maladie avant son congé, sous réserve qu’elle remplisse les autres conditions prévues par l’annexe VII » et qu’il peut en être déduit a contrario que, si la salariée n’est pas en congé de maternité à la date de la reprise du marché, la protection liée à la maternité n’a pas vocation à s’appliquer et que la période d’absence est appréciée quelle que soit la raison de celle-ci, sans prise en considération d’une éventuelle période de congé de maternité dans le délai de quatre mois considéré.
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : casse et annule (…).


Un-e salarié-e ne doit pas être discriminé-e en raison de son état de santé (licenciement nul)
Cassation sociale, 31 mars 2016


Attendu que M. X., engagé le 10 mars 1989 par la société Maj, occupant le poste de chef d’équipe, a été en arrêt de travail en raison d’une rechute consécutive à un accident de travail du 25 mai au 28 juin 2009 ; il a été licencié le 5 août 2009. Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement en raison d’une discrimination relative à son état de santé, l’arrêt, après avoir relevé que le licenciement est motivé par des insuffisances professionnelles, retient que le salarié ne peut à la fois soutenir que le licenciement, d’une part, est l’illustration d’une politique générale d’éviction des plus anciens salariés en produisant leurs lettres de licenciement, ce qui ne le rendait en rien discriminatoire, et, d’autre part, qu’il démontre la résistance de l’employeur à mettre en place les mesures d’aménagement de son poste prescrites par le médecin du travail, alors que, comme le lui a fait remarquer celui-ci dans sa réponse du 17 septembre 2009 à sa contestation, l’employeur avait pris dès le 13 octobre 2008, à la suite de sa reprise après accident du travail, les mesures conformes à ses préconisations.

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la procédure de licenciement, avait été engagée moins d’un mois après la reprise du travail du salarié qui s’était trouvé en arrêt de travail en suite d’une rechute consécutive à un accident de travail et qu’elle retenait que les motifs du licenciement étaient soit prescrits, soit non établis, soit d’une insuffisante gravité au regard de l’absence d’avertissement antérieur, ce dont il résultait que le salarié pré- sentait des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et qu’il incombait à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d’appel a violé les textes susvisés. et attendu que le licenciement ne pouvant être à la fois déclaré nul et sans cause réelle et sérieuse, (…) ;
Par ces motifs, casse et annule (…).


Un-e salarié-e ne doit pas être discriminé-e en raison de son âge (licenciement nul)
Cassation sociale, 9 mars 2016


Attendu que, selon l’article 6 § 1 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 – « cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail » –, les Etats peuvent pré- voir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnable- ment justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Attendu que M. X. a été engagé le 18 juin 1979 en qualité d’ouvrier électricien par l’entreprise Edf-Gdf ; par lettre du 17 janvier 2006, il lui a été notifié sa mise en inactivité d’office pour le 1er novembre 2006, le lendemain de la date anniversaire de ses 55 ans ; M. X. a saisi la juridiction prud’homale aux fins notamment d’obtenir des dommages- intérêts au titre de la nullité de la rupture. Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur à lui verser des sommes au titre de la nullité de la rupture et à titre de dommages-intérêts pour discrimination, l’arrêt retient que pour réaliser l’objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs occupant les fonctions physiquement les plus pénibles, le départ à la retraite anticipé du salarié était un moyen approprié et nécessaire dès lors qu’il avait été exposé pendant vingt-trois ans à des conditions de travail pénibles caractérisées par une nuisance « bruit » de 100 % et des astreintes, et que, compte tenu des revalorisations de taux rétroactives intervenues, ce salarié avait perçu dès 55 ans un taux de 74 %, lequel devait être comparé au taux maximal de 75 %.

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié occupait depuis cinq ans un poste administratif et que son médecin
traitant l’avait déclaré en mesure de poursuivre une activité professionnelle et sans rechercher si la mise en inactivité anticipée était un moyen approprié et nécessaire, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, casse et annule (…).


Un-e salarié-e ne doit pas être discriminé-e en raison de ses activités syndicales

Cassation sociale, 6 avril 2016


Attendu, que M. X. a été engagé par la Sncf en qualité d’apprenti à compter de 1989 ; il a été promu agent de maîtrise en 1999 ; au moment de la saisine de la juridiction prud’homale, il occupait le poste d’horairiste Aht, correspondant à la qualification E, niveau II, position 19 ; il a exercé différents mandats de représentant du personnel à compter de 1994 ; estimant être victime d’une discrimination syndicale, il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir son reclassement et des dommages-intérêts.

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le salarié doit être reclassé à la qualification F position 21 à compter du 1er septembre 2008 et à la position 22 à compter 1er juin 2011, d’ordonner en tant que de besoin ce reclassement et l’établissement de bulletins de salaire conformes sous astreinte, et de le condamner au paiement des arriérés de salaires correspondants, de dom- mages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :
1°/ l’existence d’une disparité de traitement ne peut laisser supposer l’existence d’une discrimination qu’à la condition que la situation de l’intéressé soit comparée à celle d’autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne, c’est-à-dire avec des salariés ayant une ancienneté, des diplômes, des fonctions, une qualification et une expérience professionnelle analogues ; en affirmant, pour faire droit à la demande de M. X. qu’il produisait des éléments sérieux de nature à caractériser une discrimination à raison de son activité syndicale sans même constater, ainsi qu’elle y était invitée par l’employeur, que les salariés avec lequel M. X. se comparait n’avaient pas une ancienneté, des diplômes, des fonctions, une qualification et une expérience professionnelle analogues, la cour d’appel a privé sa décision de base légale (…). mais attendu que la cour d’appel, qui a vérifié les conditions dans lesquelles la carrière du salarié s’était déroulée a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevé que l’évolution de cette carrière révélait des disparités laissant supposer l’existence d’une discrimination par rapport aux salariés de l’entreprise se trouvant dans une situation comparable, et estimé, sans se substituer à l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction, que celui-ci n’apportait pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant ses décisions ; que le moyen n’est pas fondé (…).

 

Bibliographie
• Michel Miné, Droit
Des Discriminations Dans l’emploi et le travail, juin 2016,
éditions Larcier, 850 pages.

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