Pour en savoir plus
Si la situation est totalement inédite, un certain nombre de règles sont déjà prévues par le Code du Travail. Voici un décryptage par un collectif de personnels des services de santé au travail Ugict et CGT.
Le cadre spécifique de la prévention liée aux agents biologiques
Les agents biologiques sont des micro-organismes (bactéries, virus, parasites, champignons) susceptibles de provoquer une infection, une allergie ou une intoxication (article R4421-2 du code du travail).
Les agents biologiques sont classés en 4 groupes (article R4421-3 du code du travail).
Le COVID-19 appartient au groupe 3 : il peut provoquer une maladie grave chez l’Homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs et les travailleuses ; sa propagation dans la collectivité est possible, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace.
Lorsque l’exposition des travailleurs ou des travailleuses à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle est réduite en prenant les mesures suivantes (article R4424-3 du code du travail) :
- 1. Limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travaill.eur.euse.s exposé.es ou susceptibles de l’être ;
- 2. Définition du processus de travail et des mesures de contrôle technique ou de confinement visant à éviter ou à minimiser le risque de dissémination d’agents biologiques sur le lieu de travail ;
- 3. Signalisation dont les caractéristiques et les modalités sont fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l’agriculture et de la santé ;
- 4. Mise en œuvre de mesures de protection collective, ou lorsque l’exposition ne peut être évitée par d’autres moyens, de mesures de protection individuelle ;
- 5. Mise en œuvre de mesures d’hygiène appropriées permettant de réduire ou, si possible, d’éviter le risque de dissémination d’un agent biologique hors du lieu de travail ;
- 6. Établissement de plans à mettre en œuvre en cas d’accidents impliquant des agents biologiques pathogènes ;
- 7. Détection, si elle est techniquement possible, de la présence, en dehors de l’enceinte de confinement, d’agents biologiques pathogènes utilisés au travail ou, à défaut, de toute rupture de confinement ;
- 8. Mise en œuvre de procédures et de moyens permettant en toute sécurité, le cas échéant, après un traitement approprié, d’effectuer le tri, la collecte, le stockage, le transport et l’élimination des déchets par les travailleurs. Ces moyens comprennent, notamment, l’utilisation de récipients sûrs et identifiables ;
- 9. Mise en œuvre de mesures permettant, au cours du travail, de manipuler et de transporter sans risque des agents biologiques pathogènes.
L’article R4424-3 du code du travail s’applique sans restriction.
Contraindre pour quelque motif que ce soit un travailleur ou une travailleuse sans avoir appliqué ces mesures a des conséquences :
- Les effets éventuels de l’exposition sur la santé sont considérés comme un accident du travail ou une maladie professionnelle
- L’employeur est responsable personnellement et pénalement (mise en danger d’autrui)
- S’il agit sur injonction des pouvoirs publics l’agent public ayant exercé la contrainte est pénalement coresponsable
- Le salarié ou la salariée peut légitimement exercer son droit de retrait
- Les membres du CSE sont en droit de déclarer un danger grave et imminent
Les mesures générales qui s’appliquent dans cette situation :
- 10. L’évaluation des risques biologiques doit être actualisée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), accessible à tout salarié depuis 2008. L’employeur doit déterminer la nature, la durée et les conditions de l’exposition des travaill.eur.euse.s. Il tient compte de toutes les informations disponibles, notamment de celles relatives aux infections susceptibles contractées par les travailleurs du fait de leur activité professionnelle et de celles concernant les effets allergisants et toxiques pouvant résulter de l’exposition aux agents biologiques.
- 11. L’employeur tient à la disposition de l’Inspection du Travail et des agents du service de prévention des organismes de Sécurité Sociale, les éléments ayant servi à l’évaluation des risques.
- 12. À la suite de cette évaluation des risques, l’employeur doit mettre en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travaill.eur.euse.s (article L4121-3 du code du travail). Il doit aménager les établissements et les locaux de travail de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travaill.eur.euse.s, et il doit tenir ces établissements et locaux dans un état constant de propreté et faire en sorte qu’ils présentent les conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressé.e.s (article L4121-1 du code du travail). Il doit organiser et dispenser une information des travaill.eur.euse.s sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier (article L4121-1 du code du travail) et il doit organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité.
- 13. L’employeur doit consulter le CSE, notamment sur (article L2312-8 du code du travail) :
– tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail;
– les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée de travail ;
– les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
– les programmes de formation à la sécurité ((article L4143-1 du code du travail)
Les conséquences psychologiques de la situation :
Dans une situation particulièrement anxiogène et des conditions de travail inhabituelles il est très probable que se développent des risques psychosociaux au travail, que l’on soit en télétravail ou au travail.
Il est, par conséquent, indispensable de les prendre en compte.
Rappelons la définition consensuelle et sa traduction possible dans les situations actuelles :
1. Exigences du travail
- quantité excessive de travail du fait de la diminution des effectifs ;
- interruption fréquente d’une tâche pour une autre : « explosion » des appels téléphoniques et courriels ;
- augmentation de la complexité des tâches sans formation préalable (remplacement au « pied levé » ) ;
- penser à trop de choses à la fois ;
- porosité entre le travail et le hors travail, en particulier lorsque les moyens n’ont pas été mis en place pour télétravailler « sereinement » pour les travaill.eur.euse.s avec des enfants ;
2. Exigences émotionnelles
- travail en contact avec le public : agressivité violence externe (cf travailleurs dans le secteur de l’alimentaire ou du transport de personnes)
- travail en contact avec la souffrance de l’autre (travailleurs dans le secteur médico-social et de soins)
- devoir cacher ses émotions au travail
- peur au travail
3. Autonomie, marge de manœuvre
- liberté de décider comment je travaille ; interrompre son travail quand on veut
- participation des salariés, représentation : fonctionnement actuel des CSE
- injonctions paradoxales : appliquer des moyens de prévention collective et individuelle avec dans le même temps l’obligation de travailler sous la pression des autorités gouvernementales et/ou des clients (BTP, Amazon et cie, secteur de la distribution, etc.)
4. Rapports sociaux et relations de travail
- situations de travail de conflits internes sans soutien entre collègues ou de la hiérarchie
5. Conflits de valeurs
- Qualité empêchée : ne plus avoir les moyens pour beaucoup de professionnels de faire un travail que l’on considère de qualité
- Conflits éthiques : injonctions de rester au travail sans moyens de prévention mis à la disposition dans son lieu de travail
6. Insécurité socio-économique :
- emploi, salaire, maintien des possibilités de licenciement,
Là encore il s’agit de mettre en place les préventions nécessaires et si elles ne sont pas effectives de sanctionner les entreprises ou les pouvoirs publics irresponsables