[Décryptage de rentrée] Le CadreBashing, ou comment mystifier la finalité des réformes

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Les ingénieurs et les cadres ont toujours été considérés comme un « laboratoire » des transformations du travail avant de les généraliser à l’ensemble des salariés. Les réformes en cours n’échappent pas à cette logique. Cette fois, il s’agit pour le gouvernement et le patronat d’étudier le comportement des ingénieurs et des cadres face à « l’appel des sirènes » des produits d’épargne retraite par capitalisation et de certaines assurances privées contre les impacts néfastes du chômage et de la maladie avec la remise en cause du système de protection sociale reposant sur la solidarité.

 

Plafonnement et dégressivité des indemnités chômage, dissimulation des effets du projet de réforme des retraites pour les ingénieurs, cadres et assimilés, blocage de la négociation sur l’actualisation du statut de l’encadrement :

les cadres deviennent la tête de turc des politiques publiques et du Medef.

Pour financer la protection sociale des plus précaires, ils devraient renoncer à la leur, pour augmenter les salaires des plus modestes, ils devraient accepter la stagnation, voire la baisse, de leur propre rémunération.

Tout est bon pour opposer les salariés les uns aux autres, les retraités aux actifs, les plus jeunes à leurs aînés… et pour culpabiliser les ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise.

 

Réforme des retraites

La règle d’or du nouveau système de retraite ne serait pas de garantir la continuité du niveau de vie entre les périodes d’activité et de retraite mais de bloquer définitivement, comme en Suède, la part des richesses nationales affectées au financement des retraites à … 14 % du produit intérieur brut. Or aujourd’hui, celle-ci s’établit à 13,8 % ! Compte-tenu de l’augmentation du nombre de retraités, d’environ 6 millions d’ici 2045, les pensions aujourd’hui liquidées et celles qui le seront à l’avenir seraient donc condamner à baisser pour toute la population. Le niveau de la pension de retraite ne serait connu qu’au moment de la liquidation et son montant pourrait ensuite diminuer en cas de chute du PIB (récession), ce qui est aujourd’hui impossible.

Cette baisse serait plus importante pour les ingénieurs et cadres que pour les autres salariés.

L’allocation de retraite serait en effet calculée sur la base du salaire moyen de la totalité de la carrière au lieu d’un calcul sur les salaires des 25 meilleures années. Les ingénieurs et cadres ayant des carrières plus ascendantes que les autres, leur salaire moyen de carrière est très en deçà de leur salaire de fin de carrière. Ils seraient donc très pénalisés : d’ailleurs le gouvernement refuse de divulguer les impacts pour cette population.

Contrairement à aujourd’hui, ils ne seraient plus couverts par le système de retraite sur la totalité de leur salaire. Ils ne pourraient acquérir de droits à retraite que dans la limite de 3 plafonds de la Sécurité sociale : 10 % des cadres seraient de ce fait « invités » à épargner en plus de cotiser. Sauf qu’épargner coûte plus cher que de cotiser : les banquiers et les assureurs prélèvent chaque année la rémunération de leurs actionnaires et de surcroît ils ne s’engagent même pas à restituer le capital épargné : l’épargnant assume seul le risque de perdre tout ou partie de son épargne sur les marchés financiers à l’occasion des divers krachs.

Les ingénieurs, cadres et assimilés seraient enfin exclus des dispositifs de solidarité visant à neutraliser l’impact d’une période de chômage ou d’incapacité de travail sur le calcul des pensions. Ces dispositifs seraient en effet transformés en aides sociales financées par l’impôt, donc soumises à conditions de ressources et récupérables sur succession.

 

Réforme de l’assurance chômage :

Les cadres âgés de moins de 57 ans qui gagnaient plus de 4 500 € bruts verront dorénavant leur allocation diminuer de 30 % à compter du 7e mois d’indemnisation. Ils se verront également appliquer l’augmentation de la durée minimale de travail nécessaire pour percevoir l’indemnité chômage (130 jours – ou 910 heures – au cours des 24 derniers mois ou 36 mois pour les plus de 53 ans). Il fallait jusqu’alors comptabiliser 88 jours d’activité -ou 610 heures- au cours des 28 derniers mois.

Une telle stigmatisation des ingénieurs et cadres est d’autant plus incompréhensible que leurs cotisations apportent au régime d’assurance chômage 42 % de ses ressources tandis que leur indemnisation ne représente que 15 % des dépenses !

 

Rien ne justifie ces arbitrages entre les salariés, actifs ou retraités !

Les politiques à l’œuvre organisent le partage de la pénurie entre les différentes composantes du salariat. Sauf qu’il n’y a pas pénurie.

Dans un rapport de mai 2009 (Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France), Jean-Philippe Cotis, alors Directeur général de l’INSEE, constatait que dans les années 1980, 75 % de la valeur ajoutée nationale (la somme des richesses créées par le travail) étaient affectés aux salaires et 25 % à la rémunération du capital. Aujourd’hui, la part des salaires a reculé de 10 points et celle des profits a corrélativement augmenté d’autant.

Les marges de manœuvre existent donc pour augmenter tous les salaires sans opérer des arbitrages au détriment des cadres et in fine des autres salariés … Car la baisse des salaires d’embauche et la stagnation des salaires de base des ingénieurs et cadres est un argument des employeurs pour justifier le blocage des salaires de tous ceux qui ont une qualification inférieure à la leur.

Il y a urgence à ce que les cadres sortent de leur réserve et de leur isolement : pour eux-mêmes, en obtenant le relèvement de des salaires de base, pour la collectivité nationale en créant une dynamique salariale en berne qui fait défaut depuis les années 1980, pour le financement de la protection sociale.

 

 

À cet effet, l’Ugict-CGT offre un espace de discussions et de construction de propositions spécifiques aux ingés, cadres et techs

 

Sur la négociation encadrement :

  • L’égalité salariale. Outre le fait que l’égalité salariale est légitime, cela permettra (d’après une étude de France stratégie de 2016), une augmentation de 6,9 % du PIB (soit +140 milliards par an). Elle rapportera 5 milliards de cotisations supplémentaires pour l’Assurance chômage.
  • La taxation des ruptures conventionnelles. Ces ruptures, qui sont pour la plupart des licenciements déguisés ne cessent de croître (80 % sont à l’initiative de l’employeur), pèsent fortement sur les finances du régime. Taxer les ruptures conventionnelles à la hauteur de la charge qu’elles pèsent sur le régime serait une mesure juste vis-à-vis de la responsabilité des employeurs. Cette contribution ne devra en aucun cas être retenue sur le montant de la transaction qui bénéficie au salarié.
  • Le déplafonnement des cotisations. Aujourd’hui, la part de salaire au-delà de 4 plafonds de Sécurité sociale, n’est pas soumise à cotisation. Nous proposons de supprimer cette limite aussi bien en cotisation qu’en prestation. D’après les calculs de l’Unedic, le passage, d’une limite de 4 plafonds à 8 plafonds apporterait 434 millions d’euros de cotisations pour 11 millions d’indemnisations supplémentaires, soit une recette supplémentaire de 423 millions par an. Avec un déplafonnement au-delà des 8 plafonds, le gain net serait de 761 millions par an.

 

Sur la réforme des retraites :

Rétablissement à 60 ans de l’âge d’ouverture du droit à retraite, avec une pension d’au minimum 75 % net du salaire net de fin de carrière, pour toute carrière complète.

Redéfinition de la notion de carrière complète : serait complète toute carrière ne comportant entre le sortir du secondaire et l’âge de 60 ans que des périodes de formation (initiale ou continue), d’activité ou d’inactivité subie (chômage, maternité, maladie, incapacité de travail), ce qui revient à valider les années d’étude pour le calcul de la retraite

Augmentation des ressources affectées au financement des retraites :

En supprimant les aides à l’emploi et les exonérations de cotisations des entreprises, inefficaces contre le chômage (soit 200 Mds d’euros selon la Cour des Comptes).

En assujettissant à cotisations sociales l’intéressement et la participation, en mettant à contribution les revenus financiers des entreprises qui, au contraire des revenus financiers des particuliers, sont totalement exonérés.

Et enfin en augmentant modérément les cotisations retraites : une augmentation annuelle menée pendant 25 ans de 0,16 % de la part salariale des cotisations et de 0,24 % de la part patronale suffirait à dégager le financement nécessaire pour rétablir la retraite à 60 ans tout en assurant la continuité du meilleur niveau de vie de carrière : soit pour un salarié gagnant 2500 euros brut par mois, 10 euros de cotisation mensuelle supplémentaire dont 6 euros payés par l’employeur…

 

Nous refusons d’être instrumentalisés par le patronat et le gouvernement qui souhaitent diviser les salariés afin de mener à bien leur politique de paupérisation. Portons nos revendications lors des initiatives organisées durant la journée d’actions du 24 septembre.

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