Temps de travail : nouvelles précisions et confirmations

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Temps de travail : nouvelles précisions et confirmations
Dans le prolongement des décisions du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe sur les forfaits-jours, la Cour de cassation construit une importante jurisprudence pour encadrer ce régime dérogatoire. Dans une récente décision, elle confirme plusieurs points et donne des précisions complémentaires concernant le temps de travail et des questions connexes.
Michel CHAPUIS

Faits et procédures

M. X… a été engagé le 20 décembre 2006 en qualité de chef d’application statut cadre par la société Semikron ; le contrat de travail contenait une convention de forfait en jours ; à la suite de son licenciement pour faute grave le 18 juin 2010, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes l’affaire a ensuite été portée en appel. A la suite des pourvois du salarié et de l’employeur contre l’arrêt de la cour d’appel, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée en faveur des demandes du salarié, en confirmant la décision de la cour d’appel sur les demandes où le salarié avait obtenu gain de cause (défaut d’entretien annuel) et en cassant l’arrêt de la cour d’appel sur les autres points (indication du nombre de jours travaillés et nullité de la convention de forfait, paiement d’heures supplémentaires, preuve des heures, prime d’objectif, etc.) (1).

 

1) Forfaits en jours
Obligation d’un entretien annuel

L’employeur n’avait pas respecté l’exigence d’un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel « a exactement décidé qu’il avait méconnu les dispositions de l’article L.3121-46 du Code du travail ».

La Cour de cassation considère que
« l’article 19–III de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 n’a pour objet que de sécuriser les accords collectifs conclus sous l’empire des dispositions régissant antérieurement le recours aux conventions de forfait et que les dispositions de l’article L.3121-46 du Code du travail, issues de la même loi, sont applicables aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d’exécution lors de son entrée en vigueur » Ainsi, l’obligation d’entretien s’applique aux contrats conclus avant la loi de 2008 et en cours d’exécution après la promulgation de cette loi. L’employeur fait l’objet d’une condamnation « au paiement d’une indemnité pour exécution déloyale de la convention de for- fait en jours » (versement de dommages et intérêts au salarié).

Fixation du nombre de jours travaillés
Une convention de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés

Pour l’employeur, « la fourchette de 215 à 218 jours de travail indiquée dans la lettre d’embauchage et sur les bulletins de salaire ne fait que traduire l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre maximum de jours travaillés chaque année du fait des variables liées au calendrier ; cette marge d’incertitude infime et commune à tous les forfaits annuels ne remet pas en cause leur validité ».
Pour la Cour de cassation, le contrat doit prévoir le nombre exact de jours à travailler. Il n’est pas possible de prévoir une fourchette pour tenir compte du calendrier (exemple : jours fériés qui tombent un dimanche). La Cour de cassation, du fait de cette carence dans la détermination précise du nombre de jours à travailler, prononce la nullité de la convention de forfait en jours. Par conséquent, le salarié peut obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées, selon les règles de droit commun (et l’indemnité au titre du travail dissimulé).

Preuve des heures

Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, la cour d’appel retient que le décompte produit par le salarié a été établi par lui-même et sans contrôle du fait de l’autonomie dont il bénéficie ; que les heures indiquées  sur les courriels qu’il verse au dossier pour conforter son décompte n’ont pas de valeur probante; que, par application de l’accord national du 28 juillet 2008 relatif à l’organisation du travail dans la métallurgie, les salaires des cadres rémunérés selon le système du forfait-jour annuel sont majorés de 30 % et que, dans la mesure où le salarié soutient que ce forfait ne lui est pas opposable, il ne peut prétendre à cette majoration qui lui est attachée et que la somme réclamée par le salarié au titre des heures supplémentaires est inférieure à cette majoration.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui a fait peser la charge de la preuve des heures effectuées sur le seul salarié (en matière d’heures travaillées, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur, elle ne repose pas sur le seul salarié).

2) Objectifs

La cour d’appel, pour débouter le salarié de sa demande au titre de la prime 2010, retient qu’aucune pièce n’indique les objectifs assignés au salarié pour 2010 ni le pourcentage d’atteinte de ceux-ci au moment de son départ.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel. En effet, en l’absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes. De plus, la prime litigieuse constituait la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, de sorte qu’elle s’acquérait au fur et à mesure ; le salarié devait donc bénéficier de son versement au prorata de son temps de présence au cours de l’année concernée.

Par conséquent, au regard notamment de la nullité de la convention de forfait, l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris pour qu’elle détermine le montant des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, des repos compensateurs, de la prime 2010 et en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé. Le juge condamne la société à payer à M. X… la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure.

(1) Soc., 12 mars 2014, n° 12-29141.

Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, Le Droit du travail en pratique, Eyrolles, Paris, 26e éd., 2014, spéc. p. 413-419 sur les forfaits.

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