Qualification – Cadre, statut précaire ?

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Qualification - Cadre, statut précaire ?
Le statut de cadre trouve sa source, suivant les cas, dans plusieurs textes conventionnels. La jurisprudence apporte des précisions sur les conditions du maintien de ce statut 
au bénéfice d’un salarié. Michel CHAPUIS

Le Code du travail ne définit pas précisément le statut de cadre et ne donne pas d’indication générale sur les critères d’appartenance à cette catégorie de salariés, sauf sur des questions particulières (élections professionnelles, temps de travail, droit d’expression…). Ce sont les textes conventionnels qui permettent d’identifier si un salarié peut bénéficier du statut de cadre. Il s’agit en premier lieu de la convention collective de branche (nationale ou locale) applicable à l’entreprise où est employé le salarié, à travers la grille de classification et parfois une annexe.

Il peut s’agir également de l’arrêté inter- professionnel du 31 janvier 1946 « Parodi-Croizat » qui donne une définition des cadres : « agents possédant une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière et exerçant, par délégation de l’employeur, un commandement sur les collaborateurs de toute nature : ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs, collaborateurs administratifs ou commerciaux ».

La jurisprudence apporte des précisions sur le bénéfice de ce statut et sur son maintien. Dans un arrêt récent (Cour de cassation, chambre sociale, 20 avril 2017), était posée la question du maintien du statut après un transfert d’entreprise.

 

Les faits

Le salarié a été engagé le 3 novembre 1999 par la société Cegetel service au sein de laquelle s’appliquait la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000. Par avenant à son contrat de travail du 12 septembre 2005, le salarié a été nommé aux fonctions de responsable de groupe ; il relevait alors du statut cadre selon la convention collective.

Le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Aquitel, le 1er août 2007. Au sein de cette société, il a été classé au coefficient 220, dans la grille de classification issue de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, applicable à l’entreprise. Ce classement correspondait à un poste de superviseur, statut agent de maîtrise. Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale pour solliciter le paiement de rappel de salaires compte tenu de son statut de cadre.

 

L’arrêt de la cour d’appel

La cour d’appel condamne la société au paiement d’un rappel de salaire. Pour ce faire, la cour retient que pour la période postérieure au 31 octobre 2008, par l’effet du transfert du contrat de travail, la société Aquitel était tenue de poursuivre ce contrat dans les conditions mêmes où il était exécuté lors de la cession.

Par conséquent, le salarié conservait sa qualification, y compris son statut de cadre. Le salarié pouvait prétendre au coefficient 280 de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

 

L’arrêt de La cour de cassation (chambre socIale)

Pour la Cour de cassation, du fait de l’absence d’accord de substitution, le salarié pouvait conserver jusqu’au 31 octobre 2008 (soit 15 mois après le transfert de son contrat) son statut de cadre et la rémunération résultant de la convention collective nationale des télécommunications. En revanche, le salarié ne pouvait prétendre au maintien pour l’avenir de son statut de cadre. Son statut de cadre ne résultait pas du contrat de travail, mais des dispositions de cette convention collective qui ne s’appliquait plus.

Par conséquent, en le faisant bénéficier du coefficient 280 de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire correspondant au coefficient minimal du statut de cadre dans cette convention, la cour d’appel a violé les textes susvisés. L’arrêt de la cour d’appel est cassé et annulé en ce qu’il condamne la société Aquitel à payer au salarié un rappel de salaire et de congés payés pour la période du 1er novembre 2008 au 30 juin 2015 et à lui régler, à partir du 1er juillet 2015, une rémunération au moins égale à celle correspondant au coefficient 280 de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Ainsi, le salarié ne peut exiger le maintien de son statut de cadre quand ce statut découle d’une convention collective qui ne lui est plus applicable. Un salarié peut parfois perdre son statut de cadre du fait du changement de convention collective applicable (il en est ainsi notamment en cas de cession d’entreprise).

Tout dépendra de l’accord collectif d’entre- prise conclu dans le cadre de l’entreprise absorbante : accord d’adaptation pour adapter les dispositions conventionnelles antérieures aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables ou accord de substitution pour élaborer de nouvelles dispositions conventionnelles.

En effet, une négociation doit s’engager dans l’entreprise, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause de l’application de l’accord antérieur, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles stipulations. Depuis la loi du 8 août 2016 (« Loi Valls-El Khomri »), l’employeur n’a plus à attendre l’expiration de ce délai de trois mois.

Et depuis cette loi du 8 août 2016, à l’expiration du délai de quinze mois (trois mois de préavis + douze mois de maintien provisoire), en l’absence d’accord collectif (d’adaptation ou de substitution), les salariés ne bénéficient plus du maintien des « avantages individuels acquis ».

Ils bénéficient uniquement du maintien de leur rémunération antérieure (« une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois », Code du travail, article L. 2261-14).

Bibliographie
• Michel Miné et Daniel MarchanD, Droit Du travail en pratique, Eyrolles, 28E édition, 2016, 760 pages.

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