Loi du 5 mars 2014 : Des nouveautés sur la démocratie sociale dans l’entreprise

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Loi du 5 mars 2014 : Des nouveautés sur la démocratie sociale dans l’entreprise
La loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale apporte un certain nombre de modifications concernant le droit syndical et les institutions représentatives du personnel (article 17 de la loi). Michel CHAPUIS

Exercice du droit syndical

Affiliation confédérale pour le calcul de la représentativité. Lors du dépôt de la liste, le syndicat peut indiquer son affiliation à une organisation syndi- cale. A défaut d’indication, l’organisation syndicale ne recueille pas les suffrages exprimés en faveur du syndicat qui lui est affilié pour la mesure de l’audience (art. 2122-3-1) (1).

Désignation et mandat du délégué syndical (DS). Transposition dans le Code du travail de diverses décisions de la Cour de cassation :

• consécration de la jurisprudence de la Cour de cassation du 27 février 2013 selon laquelle tout syndicat représentatif peut désigner un DS même s’il ne dispose d’aucun candidat ayant obtenu personnellement 10 % des voix au premier tour des élections. Dans ce cas, le syndicat le choisit parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement (art. L2143-3) ;
• le mandat du DS prend fin au plus tard lors du premier tour des élections professionnelles (art. L2143-11) (2) ;
• le candidat doit avoir obtenu au moins 10 % des voix sur son nom, en tant que membre titulaire ou suppléant dans les collèges dans lesquels il se présente (art. L2143-3) ;
• possibilité, par accord collectif, de désigner un DS au sein d’un établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles d’engendrer des revendications communes et spécifiques (art. L2143-3) (3). Désignation du représentant syndical (RS) au CE.
Désormais, pour pouvoir désigner un RS au CE dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’organisation syndicale doit être représentative dans l’entreprise ou l’établissement (art. L2324-2).

Elections professionnelles

Un délai minimum de quinze jours est désormais requis entre l’invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral et la première réunion de négociation avec les organisations syndicales (art. L2314-3).

Dans le cas du renouvellement de l’institution, ce délai est porté à quarante-cinq jours avant l’expiration des mandats des délégués ou membres du CE en exercice (art. L2324-4).

En cas d’échec de la négociation du protocole d’accord préélectoral, de saisine de l’administration pour arbitrage, ou à propos de la reconnaissance de la qualité d’établissement distinct ou de la détermination du nombre d’établissements distincts, lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur, le processus électoral est suspendu jusqu’à la décision administrative, et les mandats des élus en cours sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin. Ces dispositions concernent les délégués de site (art. L2312-5), la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories (art. L2314-11 et L2324-3), le caractère d’établissement distinct (art. L2314-31 et L2322-5), le nombre d’établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements (art. L2327-7).

La double condition de majorité s’applique pour les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales (art. L2314-23 et L2324-21), la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés (art. L2314-12), la répartition des sièges de DP et des membre du CE dans les entreprises de travail temporaire (art. L2314-13 et L2324-7).

Le nombre des DP peut être augmenté par accord entre l’employeur et les organisations syndicales (art. L2314-1 modifié). La double condition de majorité s’applique également.

Transparence des comptes du ce

Tous les CE sont tenus d’établir des comptes annuels selon des modalités définies par un règlement de l’Autorité des normes comptables :

• comptabilité ultrasimplifiée pour le CE dont les ressources n’excèdent pas un seuil fixé par décret, a priori 153000 euros. Tenue d’un livre retraçant chronologiquement le montant et l’origine des dépenses et des recettes, assorti de l’établissement annuel d’un état de synthèse simplifié (application au 1er    janvier 2015) ;
• simplifiée pour le CE dont le nombre de salariés, les ressources annuelles et le total du bilan ne dépassent pas, à la date de clôture de l’exercice, pour au moins deux de ces trois critères, des seuils fixés par décret (art. L2325-45 et L2325-47 nouveaux – application au 1er janvier 2015) ;
• comptabilité de droit commun pour les autres CE. Ils devront faire certifier leurs comptes en nommant au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, distincts de ceux de l’entreprise. Le coût de la certification est pris en charge par le CE sur son budget de fonctionnement (application au 1er janvier 2016).

Le CE doit fournir une comptabilité consolidée lorsque l’ensemble constitué par lui et les entités qu’il contrôle (notamment dans le cadre de ses activités sociales et culturelles) dépasse deux des trois critères ci-dessus (application au 1er janvier 2016).

Les comptes sont arrêtés selon les modalités prévues par le règlement intérieur, par les membres du CE désignés par lui au sein de ses membres élus. Ils sont ensuite approuvés par les membres élus du CE réunis en séance plénière (réunion ad hoc portant sur ce seul sujet et faisant l’ob- jet d’un procès-verbal spécifique). Tous les documents nécessaires doivent être envoyés aux membres du CE au plus tard trois jours avant la réunion.
Obligation d’établir un rapport présentant des informations qualitatives sur les activités et la gestion financière de nature à éclairer l’analyse des comptes par les membres élus du CE et les salariés de l’entreprise. Il est présenté lors de la réunion ad hoc du CE sur les comptes du comité. Les modalités d’établissement de ce rapport sont prévues par le règlement intérieur du comité. Le contenu du rapport varie selon l’importance du CE et sera précisé par décret.

Quelles que soient ses ressources, le comité fournit des informations sur les transactions significatives qu’il a effectuées ; elles doivent figurer dans l’annexe des comptes ou dans le rapport qualitatif. Le commissaire aux comptes du CE dis- pose d’un droit d’alerte lorsqu’il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du comité. Un décret doit préciser les modalités de ce dispositif (application au 1er janvier 2016). Désignation obligatoire d’un trésorier. Conservation des documents et pièces comptables pendant dix ans.

Le CE porte le tout à la connaissance des salariés de l’entreprise par tout moyen. Création d’une commission des marchés pour les plus gros CE qui dépassent deux des trois critères cités plus haut : choix des fournisseurs et prestataires du CE. Le montant des marchés concernés est fixé par décret. Les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par le règlement intérieur du comité. Les membres de cette commission sont désignés parmi les membres titulaires du CE. Comité central d’entreprise. Les dispositions du Code du travail sur l’établissement et le contrôle des comptes du CE seront applicables au Cce dans des conditions fixées par décret.

Le Cce devra se doter d’un règlement intérieur pour fixer les modalités de son fonctionnement et de ses rapports avec les salariés de l’entreprise pour l’exercice des missions qui lui sont conférées.

Négociation collective

Droit d’opposition patronale. Les organisations d’employeurs ont un droit d’op- position à l’extension d’un accord conclu au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel (art. L2261-19 modifié). Un accord ne pourra pas être étendu s’il a fait l’objet d’une opposition de la part d’une ou plusieurs organisations d’employeurs représentatives dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l’ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations d’employeurs représentatives. Le nombre de salariés est attesté par un commissaire aux comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat.

Un accord de branche (ou interprofessionnel) qui aura fait l’objet d’une opposition patronale ne pourra donc pas être étendu à l’ensemble des employeurs et salariés de la branche mais restera applicable aux entreprises adhérentes en sa qualité d’accord collectif non étendu. Restructuration des branches. La loi attribue au ministre du Travail des pouvoirs en matière de restructuration des branches professionnelles (élargissement, fusion).
 
L’objectif est d’en réduire le nombre. Il peut aussi refuser d’étendre une convention collective et ses avenants pour les branches où moins de 5 % des entreprises adhèrent à une organisation professionnelle patronale représentative et dont les caractéristiques, eu égard notamment à leur taille limitée et à la faiblesse du nombre d’entreprises, des effectifs salariés et des ressources disponibles pour la conduite de la négociation ne permettent pas le développement d’une activité conventionnelle régulière et durable.

Représentativité patronale

Critères de représentativité : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans appréciée à compter de la date de dépôt légal des statuts dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, influence « prioritairement  caractérisée par l’activité, l’expérience  et l’audience ». L’audience repose sur le nombre d’entreprises adhérentes à jour de leur cotisation (au minimum 8 %). Première mesure de la représentativité patronale prévue pour 2017. Ensuite elle s’effectue tous les quatre ans.

Conditions de reconnaissance au niveau de la branche : disposer d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche, regrouper un nombre d’entreprises adhérentes à jour de leur cotisation représentant au moins 8 % de l’ensemble des entreprises qui adhérent à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche satisfaisant à certains critères de représentativité et ayant fait une déclaration de candidature. C’est au commissaire aux comptes d’attester ce nombre d’entreprises.

Conditions de reconnaissance au niveau national et interprofessionnel : outre les critères de représentativité précités, dis- poser d’organisations adhérentes représentatives à la fois dans des branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services, regrouper un nombre d’entreprises adhérentes à jour de leur cotisation représentant au moins 8 % de l’ensemble des entreprises qui adhèrent à des organisations professionnelles d’employeurs et ayant fait une déclaration de candidature. C’est au commissaire aux comptes d’attester ce nombre d’entreprises.

Conditions de reconnaissance au niveau national et multiprofessionnel : remplir les conditions listées par la loi, notamment disposer d’organisations adhérentes représentatives dans au moins dix branches professionnelles relevant soit des activités agricoles, soit des pro- fessions libérales, soit de l’ESS (économie sociale et solidaire), et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel.

(1) Application au 1er janvier 2015.
(2) Soc., 22 sept. 2010.
(3) Soc., 10 nov. 2010.

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