Les nouvelles règles d’extinction d’une dette d’un agent public

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Les nouvelles règles d’extinction d’une dette d’un agent public
Erreur de paie de l’administration
L’article 2219 du Code civil définit la prescription extinctive comme “un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps”. Elle a donc pour effet d’éteindre la dette du débiteur, le créancier ne pouvant plus lui en réclamer le versement.Edoardo MARQUÈS

La loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 (article 94.I), en créant un article 37-1 dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, est venue définir un nouveau délai de prescription extinctive en ce qui concerne les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents.

Cet article dispose en effet que ces créances
« peuvent être répétées dans un délai de deux  années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du  versement erroné, y compris lorsque ces créances  ont pour origine une décision créatrice de droits  irrégulière devenue définitive. »
Toutefois, la répétition [le remboursement – Ndlr] des sommes versées n’est pas soumise à ce  délai dans le cas de paiements indus résultant soit  de l’absence d’information de l’administration  par un agent de modifications de sa situation  personnelle ou familiale susceptibles d’avoir une  incidence sur le montant de sa rémunération,  soit de la transmission par un agent d’informations inexactes sur sa situation personnelle ou  familiale.  
« Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas  aux paiements ayant pour fondement une décision  créatrice de droits prise en application d’une disposition réglementaire ayant fait l’objet d’une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits  irrégulière relative à une nomination dans un grade  lorsque ces paiements font pour cette raison l’objet  d’une procédure de recouvrement. »

Champ d’application

Les versements indus peuvent résulter de dysfonctionnements lors de la prise en charge, par les services de gestion, des changements de situation personnelle ou professionnelle ou bien encore d’erreurs des services ressources humaines lors des travaux de paie.
Tous les éléments de rémunérations principales ou accessoires versées par une personne publique sont concernés par cette prescription extinctive. Sans établir une liste exhaustive, il est possible de relever les cas les plus fréquents donnant lieu à répétition d’un indu. Ceux-ci concernent :
le traitement : l’agent a été rémunéré sur la base d’un indice supérieur à celui auquel il avait droit, a perçu un traitement correspondant à un temps plein alors qu’il travaillait à temps partiel, a bénéficié d’une rémunération en l’absence de service fait, a continué à être rémunéré alors qu’il était radié des cadres ;
les compléments de rémunération énumérés à l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires que sont l’indemnité de résidence et le supplément familial de traitement (Sft) : l’agent peut avoir perçu un Sft alors que son conjoint agent public le percevait ou que l’âge de ses enfants n’ouvrait plus ce droit ; il a pu bénéficier d’une indemnité de résidence au taux de Paris alors qu’il était affecté dans une commune n’y ouvrant pas droit ;
les primes et indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire : l’agent percevait une nouvelle bonification indiciaire (Nbi) alors que les fonctions qu’il occupait ne le rendaient pas éligible ;
le remboursement des dépenses engagées par l’agent dans l’exercice de ses fonctions : prise en charge partielle du prix des titres d’abonnement correspondant aux déplacements effectués entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, frais de mission, etc. ;
la rémunération accessoire comme lorsque l’agent participe à des activités de formation et de recrutement. Ces indus peuvent être recouvrés par l’administration, soit par prélèvement direct, soit par l’émission d’un titre exécutoire, sur la paie des agents, mais cette possibilité doit s’inscrire dans un délai précis. Or la prescription extinctive en ce qui concerne les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents a connu, ces cinq dernières années, de nombreuses évolutions. Pour simplifier, elle était de trente ans jusqu’à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, puis est passée à cinq ans après la publication de ladite loi. En outre, la jurisprudence sur le retrait des actes créateurs de droits est venue compléter ces règles de prescription. En matière d’indus de rémunération, la jurisprudence du Conseil d’Etat opérait une distinction entre :
• les simples erreurs de liquidation qui peuvent être répétées dans le délai de droit commun de cinq ans prévu à l’article 2224 du Code civil ; • et les décisions créatrices de droit accordant un avantage financier, qui ne peuvent être retirées que pendant un délai de quatre mois (1).

Délai de prescription

La loi du 28 décembre 2011 a réduit à deux ans, à compter du 30 décembre 2011, le délai de prescription des créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents

Un nouveau délai de deux ans

Le nouvel article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 précitée clarifie les règles de répétition (de remboursement) de l’indu en ce qui concerne les créances résultant de paiements effectués à tort par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents.
Ainsi, les nouveaux principes applicables sont les suivants :
• les créances de l’Etat et des autres administrations publiques sur les agents publics sont répétées (remboursables) dans un délai de deux ans, que les paiements indus résultent d’une erreur de liquidation ou d’une décision créatrice de droits ;
• ce délai part à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné ;
• les indus de rémunération se caractérisant, le plus souvent, par le fait qu’ils se répètent pendant plusieurs mois, chaque paiement erroné constitue un nouveau point de départ de la prescription d’assiette (délai glissant).
En outre, à ces principes généraux s’ajoutent quelques exceptions prévues aux deuxième et troisième alinéas du nouvel article 37-1.

Les exceptions et exclusions du nouveau délai de prescription de deux ans

La responsabilité de l’agent

Lorsqu’un agent omet de prévenir l’administration d’un changement dans sa situation personnelle ou familiale, c’est le délai de droit commun qui s’impose, en l’occurrence cinq ans.
De plus, si l’agent transmet de fausses informations lui permettant d’obtenir un avantage financier indu, il n’y a pas de délai de prescription, puisque les décisions obtenues par fraude établie dans le respect de la procédure contradictoire peuvent être retirées à tout moment et qu’il incombe à l’administration d’en tirer toutes les conséquences légales (2).

Les exclusions prévues par la loi

Afin de préserver la situation des agents, le troisième alinéa du nouvel article 37-1 exclut des nouvelles règles de prescription de l’indu certaines décisions créatrices de droits :
• le II de l’article 94 de la loi du 28 décembre 2011 précise que le nouveau délai de prescription ne s’applique pas aux paiements faisant l’objet d’instances contentieuses en cours à la date de publication de ladite loi. Dans cette hypothèse, les délais applicables à la date d’introduction de l’instance restent en vigueur ;
• par ailleurs, tous les paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d’une disposition réglementaire ayant fait l’objet d’un recours en annulation contentieuse sont exclus du champ d’application de la loi. Il s’agit ici de préserver les versements découlant de l’application de textes, notamment les statuts particuliers ou les textes indemnitaires, dont l’annulation par le juge serait susceptible de remettre en cause significativement la situation de l’agent. Les délais de jugement feraient en effet porter une charge financière trop lourde à l’agent sans que, à aucun moment, son administration ait commis d’erreur en procédant à l’attribution d’un avantage financier ;
• une autre exclusion concerne les décisions de nomination dans un grade. Sont ici concernés les agents ayant été promus ou titularisés dans un grade sans remplir les conditions et dont la nomination serait devenue définitive, l’acte n’ayant pas été retiré dans un délai de quatre mois. Une demande de reversement à l’encontre de ces agents conduirait, en effet, à leur demander de reverser un trop-perçu alors même qu’ils exercent effectivement les fonctions pour lesquelles ils ont été nommés irrégulièrement et satisfont à la règle du service fait.

(1) Conseil d’Etat, Assemblée, 26 octobre 2001, requête n° 197018, Ternon.
(2) Conseil d’Etat, 29 novembre 2002, requête n° 223027.

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