Les apports du droit européen et international au droit du travail

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Les apports du droit européen et international au droit du travail
Le droit international et le droit européen influencent de plus en plus fortement le droit français. Il en est ainsi en matière de droits individuels (contrat nouvelles embauches, licenciement injustifié, libertés sur les lieux de travail, etc.), de garanties collectives (contenu des accords collectifs en matière de temps de travail, de congés payés, etc.) et de relations professionnelles (droit syndical et négociation collective, comité d’entreprise européen, grève transnationale, etc.). Les apports de ce droit sont donc à connaître et à utiliser dans les entreprises et, le cas échéant, en justice.

Les négociations européennes sur le temps de travail viennent de se terminer sans qu’un accord ait pu être conclu. Les points de vue des organisations d’employeurs (Business Europe, Ceep, Ueapme) étaient trop éloignés des positions syndicales (Ces). C’est donc le droit actuel de l’Union européenne qui va continuer à s’appliquer, c’est-à-dire la directive du 4 novembre 2008, telle qu’elle est interprétée par le juge européen de Luxembourg (la Cour de justice de l’Union européenne).

Ce droit européen a permis ici des améliorations de la situations des salariés, notamment en matière de mesure du temps de travail (défini- tion du temps de travail), de respect des repos quotidiens et hebdomadaires ou de congés payés (acquisition, droits en cas de maladie). Ce sont justement ces avancées que les organisations d’employeurs voulaient remettre en cause, mais l’organisation syndicale européenne ne l’a pas permis. Précédemment, des Etats avaient voulu remettre en cause ces progrès sociaux, mais le Parlement européen ne l’avait pas permis.

Ces acquis du droit européen sont à mieux connaître et à faire appliquer au bénéfice des salariés dans les entreprises et les administra- tions (le droit européen ne faisant pas de diffé- rence suivant les lieux de travail). Désormais, le juge interne s’appuie sur les textes européens et internationaux pour fonder ses décisions. En voici quelques illustrations.

Licenciement

Le juge interne s’est fondé directe- ment sur la Convention n° 156 de l’Organisation internationale du travail pour dire que le contrat nouvelles embauches (Cne), qui prévoyait le licenciement possible du salarié sans justification par l’employeur au cours d’une période de deux ans, ne pouvait pas être appliqué (1). A la suite de cette jurisprudence, la loi a abrogé le Cne (loi du 25 juin 2008). Depuis, des employeurs ayant été condamnés par des conseils de prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu’ils appliquaient le droit interne, font condamner l’Etat à leur rembourser les indemnités versées : ainsi, les contribuables paient l’insécurité juridique liée à des textes internes contraires à des engagements internationaux de la France.

Congés payés

• Le juge interne (2) :

• En se fondant sur le droit interne interprété à la lumière du droit européen : «Vu l’article L.223-4 du Code du travail, phrases 2 et 3, recodifié sous le n° L.3141-5 du Code du travail, et l’article XIV du règlement type annexé à la convention collective des organismes de Sécurité sociale, interprétés à la lumière de la directive 93/104/CE du Conseil de l’Union européenne, du 23 novembre 1993, telle que remplacée par la directive 2003/88/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 »

• Et sur la jurisprudence européenne : « la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (3) : » 1° L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale de dix jours ou d’un mois pendant la période de référence.
» 2° Il incombe à la juridiction de renvoi de véri- fier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne, notamment l’article L.223- 4 du Code du travail, et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de l’article 7 de la directive 2003/88 et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant d’assimiler l’absence du travailleur pour cause d’accident de trajet à l’un des cas de figure mentionnés dans ledit article du Code du travail. Si une telle interprétation n’était pas possible, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si, eu égard à la nature juridique des parties défenderesses au principal, l’effet direct de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 peut être invoqué à leur encontre. A défaut pour la juridiction nationale d’atteindre le résultat pres- crit par l’article 7 de la directive 2003/88, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union pourrait néanmoins se prévaloir de l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90), pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi.»

Les périodes limitées à une durée ininterrompue d’un an pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle entrent en ligne de compte pour l’ouverture du droit à congé régi par l’article L.3141-3 du Code du travail ; pour l’ouverture du droit au congé annuel payé, l’absence du travailleur pour cause d’accident de trajet doit être assimilée à l’absence pour cause d’accident du travail.»

• décide qu’un salarié a droit au maintien de ses droits à congés payés en cas d’arrêt maladie causé par un accident de trajet et que cette règle s’impose, quelles que soient les dispositions internes applicables, directement, dans toute entreprise relevant de l’Etat (ici une caisse de Sécurité sociale, un organisme parapublic, une entreprise publique comme la Ratp et, bien entendu, une administration publique).

Temps de travail

A la suite des décisions du Comité européen des droits sociaux (Conseil de l’Europe), obtenues par la CGT et par la CGC, le juge interne (4), en se fondant sur des dispo- sitions internes interprétées à la lumière de sources internationales et européennes : « Vu l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L.3121-45 du Code du travail […] interprété à la lumière de l’article 17 […] de la directive 2003/88 CE […] et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […] » pose un principe général et de nouvelles conditions pour que le système de forfait en jours soit valide : « le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles », et « il résulte des articles susvisés des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur » ; par conséquent, « toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ». Le juge, grâce au droit européen, peut ainsi renforcer les garanties pour les salariés concernés.

Rémunération.

Le droit international est à l’ori- gine des règles d’égalité entre femmes et hommes. La convention n° 100 de l’Oit de 1951 sur « L’égalité de rémunération » prescrit « l’application à tous les travailleurs du principe de l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale ». Il y a quarante ans, la loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 « relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes » transpose dans le Code du travail les principales dispositions de cette convention. Elle en reprend le principe essentiel : « Tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes », ainsi que la définition de la rémunération : « Par rémunération, au sens de la présente loi, il faut entendre le salaire ou trai- tement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. » Ces dispositions figurent dans le Code du travail actuel (5), et également dans le traité de Lisbonne (6).

Le juge interne fait respecter ces dispositions. Voir, en dernier lieu, Cassation sociale, 4 juillet 2012, Sté Snecma c/ Mme Sylvie X. : « la sala- riée avait été recrutée au même âge et à la même date qu’un autre salarié sur des postes de niveau identique, la cour d’appel, qui a constaté que les deux salariés étaient placés dans une situation comparable et que l’autre salarié avait connu une évolution de carrière beaucoup plus rapide que Mme X., sans que la société justifie cette différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, a légalement justifié sa décision » (la salariée avait été recrutée sur un poste administratif et le salarié sur un poste de « gestion production »). La salariée obtient, en appel, une augmentation de coefficient et un rappel de salaire depuis son recrutement en 1981 (l’entreprise, qui avait formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel, est déboutée).

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