Evaluation: une copie patronale à revoir

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Evaluation: une copie patronale à revoir
Depuis 20 ans, les entretiens individuels d’appréciation du personnel se développent dans la plupart des entreprises privées. Ils entrent dans la fonction publique. Ce qui n’était au départ qu’une spécialité de quelques entreprises américaines, est devenu un exercice courant pour tous les cadres et s’étend à l’ensemble des salariés.

Les évaluations : un marché lucratif

Affiché au départ comme une «opportunité d’échange privilégié» entre le salarié et sa hiérarchie, l’entretien individuel devient un outil pivot du management. Un véritable marché est né pour quelques sociétés de conseil qui tendent à imposer un système d’évaluation des «performances» individuelles et collectives des salariés. Les mêmes cabinets conseillent une multitude d’entreprises à travers le monde. C’est ainsi que les mêmes méthodes et programmes de formation sont dispensés. La métaphore de  la bataille d’ Angleterre contre la Luftwaffe est prodiguée d’ Axa    à La Poste, pour rappeler aux salariés qu’ils doivent consentir des efforts importants pour faire face à la concurrence. Le langage paradoxal est fréquent dans les discours patronaux. Le marché devient ici l’ennemi n°1 contre lequel il faut se souder. Le deuil du métier fait partie des sacrifices.

Performances : des salariés contraints de prendre tous les risques

L’évaluation des «performances» mesure le degré de réussite des objectifs, sous forme de taux qui détermine le montant d’une prime variable en fonction des résultats. Depuis la suppression des augmentations annuelles, les cadres voient leurs revenus baisser. Ils jugent avec pessimisme leurs perspectives d’évolution et n’ont sou- vent d’autres choix que d’opter pour le système des primes afin de maintenir leur pouvoir d’achat. Les directions leur fixent des objectifs et se désengagent des moyens et des modes opératoires à mettre en œuvre pour les atteindre. Le contrôle exercé par l’employeur se déplace vers une appréciation des résultats relatifs à ces objectifs. Profitant des capacités d’autonomie des cadres et de leur aspiration à exercer leurs responsabilités, l’employeur tente de faire de la réalisation des objectifs une obligation dont le cadre serait comptable. Cela revient à transférer le risque de l’entreprise sur le salarié et à lui faire supporter les conséquences d’un mauvais résultat. C’est le principe même de la relation salariale qui en est modifié.

La montée en puissance des critères comportementaux

Ces nouvelles méthodes d’évaluation sont articulées à des référentiels des métiers, des compétences ainsi qu’à des outils informatiques qui assurent la traçabilité des résultats. Des critères comportementaux ont été introduits. «Agir avec courage, ce n’est pas seule- ment prendre des décisions, c’est aussi suivre les politiques de la société, mettre en œuvre les décisions prises, comprendre et partager la vision à long terme d’Airbus, tout en assurant que nos actions et méthodes de travail sont alignées avec cette vision», affirme Mon- sieur Bregier, le Pdg de la société. En croisant le niveau d’atteinte des objectifs avec la conformité aux valeurs et aux comportements requis, il est possible de relativiser la performance, et de sanctionner une personne ayant d’excellents résultats !

Des quotas fixés à l’avance

Parallèlement, une nouvelle méthode est apparue. Elle consiste a attribuer une note aux salariés en les comparant et en les classant les uns par rapport aux autres. Le jugement ne porte pas tant sur les résultats professionnels que sur le classement par comparaison des personnes ! Le salarié se voit attribuer un niveau. Le classement détermine une accélération de carrière, le niveau de la part salariale variable, les sanctions et l’exclusion… Le pire, c’est que certaines directions définissent à l’avance les quotas de salariés par niveaux de performance, et recommandent aux managers d’attribuer un certain nombre de mauvaises notations. Jack Wech, qui a été le patron de General Electric pendant 20 ans, a été l’un des premiers à formaliser la nécessité d’éliminer ceux qui sont classés parmi les moins « performants ». « Montez dans la hiérarchie ou partez ! ». La direction d’ Airbus a voulu mettre en place ce classement forcé des salariés répartis en 20 % de « top performants », 70 % de « conformes aux attentes » et 10 % de « faibles per- formants». Toutes les formes du totalitarisme sont ici présentes ! Pour ceux qui subissent de tels systèmes, le pire en matière d’évaluation est atteint, et le rejet est total.

L’Ugict combat ces formes d’évaluations

Toutes les formes d’évaluation basées sur des principes de discrimination, d’inégalité de traitement, ou comportant des critères comportementaux totalement subjectifs ont des effets hautement nocifs et doivent être combattus énergiquement. L’Ugict les condamne fermement et préconise pour cela d’utiliser toute la palette des moyens: rapports de force, batailles juridiques, recherches de convergences entre évaluateurs et évalués.

Le travail c’est la santé !

Chacun sait aujourd’hui que ces méthodes blessent, parfois tuent, démotivent et sont contre-productives. Toutes les enquêtes menées depuis quinze ans auprès des salariés cadres, ingénieurs et techniciens, démontrent qu’un véritable malaise se développe dans l’entre- prise. L’insatisfaction, la démotivation et l’indignation des salariés grandissent. Les salariés dénoncent le management par la performance, les classements qui induisent une mise en concurrence permanente des salariés, la hausse des pressions et de la charge de travail. Les systèmes de notation qui poussent à être le/la meilleur(e), reposent sur une apologie de l’élitisme qui prône le dépassement permanent de soi, avec les limites que nous constatons : burn-out, dépression, licenciements de ceux qui sont mal notés. De fait, les pratiques d’individualisation des rémunérations font pression sur le niveau des salaires et ont renforcé les écarts entre les revenus des cadres dirigeants et l’ensemble du salariat, cadres compris. Dans ce contexte de réduction des effectifs, de forte modération salariale, d’autonomie sous contrôle, de rythmes de travail et de délais imposés, ces méthodes individualisant la relation salariale, favorisent la dévalorisation de soi et l’épuisement du personnel. Elles détruisent la confiance entre les salariés et la convivialité dans le travail. Elles font parties des principaux facteurs de stress, lequel est jugé par les médecins à un niveau extrêmement élevé.

La critique des stratégie d’entreprise à court terme

Les méthodes d’évaluation individuelle fondées sur la mesure des performances à court terme débouchent sur la perte de sens du travail. Des décisions prises à court-terme, sans délibération ni concertation avec les différents services concernés, entraînent des changements d’orientations permanents. Faire-faire des choses en dépit du bon sens, entraîne une perte de sens et d’utilité du travail. «La moitié des cadres estiment que les nouvelles orientations et organisations du travail dictées par une gestion à court terme, entrent en contradiction avec leur éthique personnelle(1) dans l’exercice de leur métier. Ils sont nombreux à penser que les choix stratégiques de leur entreprise ou de leur administration ne vont pas dans le bon sens. Ce point est particulièrement soulevé par les femmes, les jeunes de moins de 35 ans et les salariés de la fonction publique». Le déni de «la dis- pute professionnelle» est à l’origine d’un véritable dilemme ressenti de manière assez générale aujourd’hui par l’ensemble du salariat, celui de « la qualité empêchée(2) ». Par exemple, dans les hôpitaux, les personnels de santé sont pris dans des injonctions contradictoires entre la qualité des soins et la réduction des effectifs.

La hausse de la charge de travail

L’absence de réflexion commune sur les objectifs et les moyens alloués permet ainsi d’alourdir la charge de travail de chacun. Les problèmes de sur-activité des cadres sont donc à relier à l’individualisation des objectifs. Les fondements théoriques sur lesquels s’appuient ces méthodes relèvent du scientisme et ne reposent sur aucune rationalité. Leurs effets, pourtant, sont bien réels. L’Ugict met en débat la nécessité de pro- mouvoir une autre évaluation. Il s’agit d’expliquer, d’argumenter sur le sens des évaluations et de proposer d’autres formes d’évaluation qui ne se confondent pas avec celles qui sont pratiquées actuellement par le patronat.

D’importantes bagarres juridiques à mener

Les    syndicats CGT d’ Airbus et l’Ugict-CGT ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Toulouse pour demander au Tribunal de :

– constater que les institutions représentatives du personnel n’ ont pas été informées ni consultées valablement sur les processus d’ évaluation des salariés cadres résultant de l’application de l’outil « Performance et Développement »;
– dire que les critères    comportementaux « The Airbus Way » intégrés dans l’outil P&D sont illicites ;
– dire que la fixation de quotas de salariés par niveaux de performance est illicite…

L’audience d’appel sur cette affaire a été fixée au 15 juin 2011. Nous y reviendrons dans un prochain numéro de « Cadres et Droit ». D’ ici là, n’ hésitez pas à nous remonter vos commentaires sur le sujet et vos initiatives sur le terrain. Vous trouverez dans l’article suivant, « L’évaluation face aux juges », l’analyse juridique et les actions déjà gagnées dans cette bataille face aux stratégies patronales.

Besoin d’une autre évaluation

Toute évaluation n’est pas perverse. Ce qui est en question ce n’ est pas le principe même de l’évaluation, mais le type d’évaluation. L’évaluation du travail ne se confond pas avec des questions de performance, de quotas, de bons et de mauvais promus aux futures charrettes.
Christophe Dejours(3) explique pourquoi chacun d’entre nous a besoin d’évaluation. « La plupart d’entre nous souhaitons être utiles. Il suffit, pour s’en convaincre, de se tourner vers les gens qui sont mis au placard… L’évaluation porte en elle, la possibilité de donner un retour à celui qui travaille sur l’utilité et la qualité de ce qu’il donne de lui-même; de ce qu’il offre de lui-même à l’entreprise, l’organisation, l’administration. En échange de la contribution qu’il apporte à l’organisation du travail, chacun attend une rétribution. La composante de la rétribution dans sa dimension symbolique, la plus importante, est la reconnaissance. Celle-ci porte sur le faire et non sur l’être, sur le travail et non sur la personne».

La nature réelle du travail

(4) Pour Yves Clot, la notion de qualité du travail est au cœur de l’évaluation des actes professionnels. Le chercheur du Cnam indique que « la notion de qualité du travail n’est pas univoque. Elle possède des significations différentes, qui peuvent entrer en conflit entre elles: qualité de vie au travail, qua- lité du produit final du travail, qualité du processus du travail comme adéquation optimale entre les objectifs de l’entreprise et l’organisation du travail ». Pour laisser place à une réelle évaluation du travail, il faut pouvoir délibérer sur les lieux de travail, de la nature réelle du travail et des critères de ce qui fait la qualité de l’activité menée.

Promouvoir une autre évaluation

Le travail est collectif. Nous avons besoin de débattre collectivement de ce que veut dire «le travail bien fait», de faire collectivement le bilan des orientations et des moyens. Si l’on veut viser la cohésion du collectif et l’épanouissement au travail, il faut accorder une place et du temps à la délibération. Or, «nous ne pouvons délibérer que sur ce qui dépend de nous et que nous pouvons réaliser par nous-mêmes »(5). Les directions doivent prendre en compte les opinions des intéressés. C’est autour de controverses, de débats, face à la discussion que l’on apprend des choses. La présence des gens de métiers, de ceux qui ont de l’expérience, des anciens capables de transmettre leurs savoirs aux jeunes générations, est précieuse. Sans la liberté d’objection, il n’est pas possible de parler du travail, d’analyser ses réussites, ses difficultés, les problèmes rencontrés, de dégager des marges de créativité nécessaires. Pour que la parole puisse exister, il faut garantir la liberté d’expression. La participation à une évaluation collective du travail doit être libre et non imposée. Les entretiens collectifs permettraient de mettre en lumière les carences des moyens avant toute discussion des objectifs individuels. Ils apporteraient une certaine transparence et vision homogène de l’objectif global d’un service. En effet, les objectifs de chaque salarié s’inscrivent dans un cadre collectif. Convoqué individuellement, chaque salarié a du mal à appréhender les moyens nécessaires qui devraient lui être alloués pour atteindre ses objectifs.

Le droit de bien travailler

Lorsque le travail demandé est contraire à l’éthique professionnelle, l’Ugict revendique « le droit de refus ». Dit positivement, c’est le droit de bien faire son travail ! En voici une illustration parmi tant d’autres. Dans le cadre d’une campagne publicitaire, le service de communication d’une entreprise demande des statistiques sur le nombre de visites de son site Internet. Or, l’outil n’est pas au point et il manque certains logiciels qui permettraient de fournir des statistiques exactes, ce qui nécessiterait des moyens supplémentaires refusés. La personne responsable du site doit pouvoir refuser de fournir des statistiques fausses et discuter avec sa hiérarchie d’ une solution plus respectueuse de la qualité de son travail, sans encourir de sanction. Pour l’Ugict, il s’agit de gagner des négociations pour que les managers et les managés aient le droit de conduire une autre évaluation centrée sur une discussion collective de l’organisation du travail, des objectifs, de leur contenu, des moyens, avec de nou- veaux critères qualitatifs dégagés de la performance financière, intégrant l’éthique professionnelle, la responsabilité sociale, l’impact et les incidences sur les autres salariés.

Le travail est un lieu de mise en oeuvre des qualifications

L’évaluation du travail des salariés touche au bilan d’activité, à la définition et au suivi des objectifs, mais également à la reconnaissance des qualifications, des compétences et au déroulement de carrière. Face aux tentatives d’ individualisation des contrats de travail voulues par le patronat, il faut sécuriser la qualification. Reconnaître le travail passe par une revalorisation de l’expertise et de la technicité. Les diplômes doivent être reconnus à l’embauche et les politiques de rémunération doivent assurer à tous le maintien du pouvoir d’achat. Chaque salarié a droit à la reconnaissance de sa qualification et à l’évolution de celle-ci par l’attribution d’un poste de travail, d’une classification, d’un salaire correspondant aux niveaux de responsabilité et d’autonomie confiés. Ce droit doit se traduire par des déroulements de carrière garantis à tous. Les conditions d’accès et d’exercice de chaque fonction doivent être claires et connues de tous. Il faut imposer l’égalité professionnelle, pour les salaires, l’accès aux fonctions et déroulement de carrière.

Le travail est un lieu de développement des êtres humains

L’Ugict a de très bonnes raisons de refuser les évaluations basées sur des critères opaques, subjectifs et discriminatoires, néfastes pour la santé, pivot à la non-reconnaissance des qualifications. L’aspiration des salariés à obtenir une reconnaissance de l’action menée, de ce qu’ils apportent dans le collectif de travail, est légitime et participe à la construction même de l’identité et de la santé mentale. L’Ugict propose un autre management qui défende et le travail et les qualifications des salariés contre les appétits des financiers. Loin de la dévalorisation des emplois et de la formation voulue par un management orienté vers les résultats financiers, les cadres veulent participer à une autre forme d’ évaluation qui transforme le travail en un lieu de socialisation, de solidarité et de développement des êtres humains.

 

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(1) Baromètre de l’Institut CSA « Réalités cadres » février 2010.
(2) Yves Clot : Le travail à cœur : pour en finir avec les risques psychosociaux, Editions La Découverte, 2010.
(3) Christophe Dejours : L’évaluation du travail à l’épreuve du réel-Critique des fondements de l’évaluation, INRA octobre 2003.
(4) Yves Clot, ouvrage cité.
(5) Aristote

Ce que dit le Code du travail


Article L.1222-2
Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes. Le salarié est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations.
Article L.1222-3
Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
Article L.1222-4
Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Article L.2323-27
Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. A cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l’employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis.
Article L.2323-32
Le comité d’entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles- ci. Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci. Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.
Article L.4612-1
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission :
1 – De contribuer à la protection de la santé physique et mentale
et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux
mis à sa disposition par une entreprise extérieure ;
2- De contribuer à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les
emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;
3- De veiller à l’observation des prescriptions légales prises en
ces matières.
Article L.4612-8
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.
Article L.4614-12
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1 – Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
2 – En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8.
Les conditions dans lesquelles l’expert est agréé par l’autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire.

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