Poste, posture, imposture : l’évaluation dans tous ses états

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Poste, posture, imposture : l'évaluation dans tous ses états
Le sujet de l’évaluation est très complexe. Pour les salariés, l’évaluation renvoie au besoin de reconnaissance du travail et des qualifications professionnelles. Pour les employeurs, l’évaluation consiste à déterminer des objectifs, contrôler les activités des salariés, et à verser une partie de la rémunération sous forme de prime sur résultat. Ils ont systématisé les outils d’évaluation, ont ajouté de nouveaux critères dans une logique normative pour mieux surveiller les attitudes des cadres avec des effets très négatifs.

Le contentieux qui est né à propos de la procédure d’évaluation mise en place dans l’entreprise Airbus Opérations est l’illustration de la différence fondamentale de points de vue entre les salariés et la direction. Le 21 septembre 2011, la Cour d’appel de Toulouse a ordonné à l’employeur Airbus Opérations de suspendre le processus d’évaluation professionnelle mis en œuvre dans l’entreprise auprès de tous les cadres en raison du caractère illicite de ses critères et de sa finalité disciplinaire. La lecture de cet arrêt nous ouvre des pistes pour revendiquer une évaluation conforme au cadre légal et aux attentes des salariés tout en étant conscients des détournements patronaux.

 

Les nouveaux critères de la performance devant le juge

Pour évaluer les cadres, la société Airbus a d’abord imposé aux responsables de fixer des objectifs de travail selon la méthode Smart1, puis elle a introduit, à l’occasion de la mise en place du système d’information « Personnel & Développement» de nouveaux critères d’évaluation de la performance. Outre l’ observation du résultat de l’activité professionnelle, l’évaluation devait passer par la vérification de la conformité des attitudes des cadres aux valeurs de l’entreprise.

Le    syndicat    CGT d’ Airbus a    immédiatement dénoncé le caractère subjectif des critères comportementaux à connotation morale et idéologique, et leur impact sur la santé, la rémunération et la carrière des salariés.2

La direction est passée outre. Le syndicat CGT Airbus Opérations et l’Ugict-Cgt ont donc porté la question de la licéité des critères devant les tribunaux. Il ne s’agissait pas de demander la condamnation a priori du principe de l’évaluation, ni des critères comportementaux en général. La question était plutôt de savoir si les critères issus des valeurs Airbusway étaient licites, c’est-à-dire, susceptibles de faire partie d’un dispositif d’évaluation.

La réponse de la Cour d’appel de Toulouse a été très claire. La finalité disciplinaire du système et le manque de pertinence de ses critères conduisent à suspendre le processus d’évaluation professionnelle dans Airbus. Nous proposons de suivre pas à pas le raisonnement qui a conduit à cette décision importante.

 

Les six valeurs d’Airbusway

Pour contrôler les processus de travail des cadres, souvent invisibles, l’employeur a introduit des valeurs servant d’indicateurs de la réussite des objectifs opérationnels, leur conférant au passage, l’apparence de l’éthique, et surtout un caractère normatif. Pour l’employeur, six valeurs et comportements « Airbusway », dictées par le comité directeur de la société, jouaient un rôle prépondérant dans l’ atteinte des objectifs opérationnels.

« L’évaluateur ne doit pas se contenter de vérifier que l’objectif a été atteint, il doit s’assurer que les moyens mis en œuvre pour l’atteindre sont conformes aux valeurs de la société déclinée dans le document intitulé : the Airbusway ».

Parmi ces critères, figurent des comportements abstraits, issus de la morale, que l’on appelle communément des vertus : « agir avec courage », « faire face  à la réalité et être transparent ». Il y a également des comportements professionnels, les uns orientés vers la dimension personnelle, « favoriser le travail d’équipe» les autres orientés vers l’action « promouvoir l’innovation et livrer des produits fiables». Enfin on trouve des démarches relevant du projet stratégique de l’équipe dirigeante, comme « générer de la valeur pour le client », « favoriser l’intégration au niveau mondial ».

Les juges remarquent que le degré d’engagement dans les valeurs de l’entreprise a un impact direct et réel sur le montant de la prime. Le salarié ne peut pas totalement obtenir sa prime de résultat sans adhérer aux valeurs. La vérification de son adhésion devient un objectif en soi et permet de hiérarchiser les salariés en catégories. Les valeurs deviennent ainsi plus structurantes que les aptitudes professionnelles.

« Attendu    que    l’ évaluation    du comportement constitue une part importante de l’ évaluation globale comme en atteste le document « management guidelines » qui contient une matrice résultats/comportement classant notamment comme : « low performer » (salarié peu performant) le cadre qui obtient d’ excellents résultats au regard de ses objectifs mais dont l’évaluation des comportements est mauvaise et nécessite des améliorations, « meeting expectations » (salarié qui répond aux attentes) le cadre dont les résultats sont partielle- ment atteints mais qui adhère fortement aux valeurs de la société ».

 

La finalité fait l’évaluation

Les juges replacent la question de la licéité des critères d‘appréciation des salariés dans le cadre prévu par la loi. S’il est du pouvoir de l’employeur d’évaluer les salariés, le code du travail en fixe les limites dans deux articles : L.1222-2 « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’ évaluation de ses aptitudes ».

L.1222-3 « Les méthodes et les techniques    d’ évaluation doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ». L’articulation de ces articles per- met de préciser la nature du lien direct et nécessaire entre trois choses, la finalité de l’évaluation, ses critères, et l’activité professionnelle.

Primo, l’évaluation se définit à partir de sa finalité. Elle n’a pas d’autre but que d’apprécier les aptitudes professionnelles des salariés. Secundo, les critères et les méthodes utilisés doivent être pertinents par rapport à cette finalité. Par conséquent, l’évaluation ne peut se faire que sur la base d’informations collectées ayant un rapport direct et nécessaire avec l’activité professionnelle.

Autrement dit, les méthodes et les techniques d’évaluation doivent nécessairement se référer aux activités professionnelles concrètes des salariés. Par conséquent, il est exclu de recueillir et d’analyser des données issues du champ personnel du salarié (croyances, opinions politiques, religieuses, philosophiques, etc..). Un dispositif d’évaluation qui s’éloignerait de ce but sera déclaré illicite. La Cour tirera, de ces principes, toutes ses conclusions.

Les juges observent, tout d’abord, que les critères comportementaux ne sont pas, a priori, illicites mais peuvent être pertinents, s’ils s’inscrivent clairement dans le système de représentation des qualités propres à la profession. «Attendu que si pour apprécier les aptitudes professionnelles d’ un cadre dont l’activité n’est pas toujours quantifiable (animation de projet, direction d’équipes, etc…) des critères reposant sur le comportement ne sont pas a priori illi- cites, encore faut-il qu’ ils soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour per- mettre au salarié de l’intégrer dans une activité concrète et à l’ évaluateur de l’apprécier avec la plus grande objectivité possible ».

Le principe qui permet de combattre une appréciation arbitraire des salariés est posé. Les comportements sont des critères d’évaluation, à condition d’être reliés à la spécificité de la profession. Il ne faut pas apprécier l’attitude mais l’aptitude professionnelle. Pour être licites, les critères comportementaux doivent figurer parmi les dimensions évidentes du savoir-faire de la profession.

 

Comment analyser le savoir-être ?

Les juges nous invitent à penser la question des critères comportementaux en fonction du contenu concret de l’activité professionnelle exercée. Deux métiers sont ici proposés à titre d’illustration. La qualification professionnelle pour un « animateur de projet » renvoie à des savoir-faire essentiels parmi lesquels on trouve la capacité à « favoriser le travail d’équipe» ou à «développer ses talents et ceux des autres ». Pour un « directeur d’ une équipe de recherche », il pourra s’agir de « promouvoir l’innovation ».

L’Ugict-CGT partage cette analyse. Quand les dimensions « comportementales » servent de référence au quotidien et font partie de l’exercice de certains métiers, ces « savoir-être » ne sont pas des valeurs abstraites ni des croyances idéologiques, mais des qualifications professionnelles. A ce titre, elles sont enseignées dans les formations spécifiques à ces métiers. Ainsi, certaines «valeurs», comme l’éthique professionnelle renvoient, dans la santé, à des savoir-faire, des gestes et à des règles    précises    qui    s’apprennent : secret professionnel, droit des patients, respect des familles, etc…

 

Du principe à son application

L’évaluation des comportements ne peut se faire sans critère précis et exclusivement professionnel. Les juges vont donc maintenant vérifier si les valeurs Airbusway renvoient bien à des activités professionnelles identifiables tant par les salariés que par les évaluateurs. Ils vont devoir analyser les notes de services de la direction décrivant le sens et la portée des comportements attendus.

« Agir avec courage, recouvre : bâtir, comprendre, partager la vision à long terme de manière sensée et vérifier la cohérence des actions par rapport à la vision, prendre des décisions justes et cou- rageuses dans    l’ intérêt d’ Airbus et assumer les pleines responsabilités de leurs conséquences. Déployer/appliquer la politique et les objectifs Smart. Promouvoir l’innovation et livrer de manière fiable recouvre : prendre des engagements réalistes et assurer les livraisons aux clients internes et externes dans le respect des délais, des coûts et de la qualité, promouvoir en permanence le changement, l’ innovation, l’ écoefficience et l’ amélioration, être orienté process et combattre en faveur de l’efficience Lean, de la normalisation et de l’excellence ».

D’emblée, les juges remarquent que la définition des comportements s’applique indifféremment à l’ensemble des cadres, sans distinction de poste ni de responsabilités, alors même que, dans la réalité, les situations de travail sont très variées.

«Attendu que cette déclinaison des différentes valeurs et comportements sous forme de propositions explicatives ne suffit pas à leur donner un contenu concret facile- ment transposable dans l’activité des cadres qui peut être très variable selon que le cadre est par exemple débutant membre d’une équipe ou expérimenté dirigeant une équipe, disposant d’une certaine autonomie ou fortement intégré dans une chaine hiérarchique, en relation avec la clientèle, affecté à un travail de recherche ou d’exécution, etc. ».

Les explications sont générales et les situations professionnelles non identifiables. Certains critères comportementaux ne sont pas expérimentables. Que peut-on voir, observer, évaluer de la décision juste et courageuse ?

De plus, que signifie l’absence de considération des facteurs de différenciation, comme l’ancienneté, les responsabilités, la position hiérarchique, l’autonomie dans le processus    de    travail ? Pour une évaluation dont le but est de mesurer les aptitudes professionnelles des salariés, cela parait suspect !

L’analyse juridique rejoint l’avis de l’Ugict-CGT. Si les critères d’appréciation d’ Airbus ne permettent pas d’évaluer les aptitudes professionnelles, à quoi servent- ils ? N’est-ce pas en demandant « toujours    plus »    aux    salariés qui ont, par ailleurs d’ excellents résultats, que les employeurs par- viennent à trouver des lacunes ou à imposer des exigences nouvelles ?    

Comme    par    exemple, former les collègues ou suivre les horaires collectifs quand on est cadre autonome! Un jugement de 2008 avait déjà souligné ce risque. «La multiplication de critères comportementaux détachés de toute effectivité du travail accompli implique la multiplication des performances à atteindre qui ne sont pas dénuées d’équivoques et peu- vent placer les salariés dans une insécurité préjudiciable. Insécurité renforcée par l’ absence de lisibilité pour l’avenir de l’introduction de nouveaux critères d’appréciation des salariés ce qui est préjudiciable à leur santé mentale ».3

Pour l’Ugict-CGT, toute évaluation déconnectée de l’expérience du travail est non seulement illégale mais aussi sans valeur, voire néfaste ! Les évaluations du travail doivent toujours s’inscrire dans les règles du métier et de la spécificité de la situation des salariés. « La connaissance spécifique du réel n’ est accessible que par l’expérience du travail. Sans cela, l’expertise et l’évaluation ne sont plus fondées scientifiquement et sans valeur »4.

Le supposé partage de la vision à long terme

Pour confirmer le caractère illicite des critères comportementaux d’ Airbusway, les juges vont parfaire leur démonstration. En effet, un objectif n’est atteignable que si le salarié dispose des moyens pour le réaliser. Les juges observent donc les mises en condition des critères comportementaux. Ils sont ici parfaitement dans leur rôle.

« Bâtir, comprendre, partager la vision à long terme de manière sensée et vérifier la cohérence des actions par rapport à la vision suppose que le cadre soit en mesure de connaitre la vision à long terme grâce à des informations complètes et facilement accessibles. Qu’en outre lui demander de partager une vision à long terme peut sembler particulièrement exigeant surtout s’il n’est pas en mesure de comprendre tous les enjeux qui peuvent découler de la vision à long terme des dirigeants de l’entreprise ».

Les juges remarquent que pour partager la vision à long terme de l’entreprise, il faut pouvoir accéder à des informations consistantes. Ces données sont stratégiques et, en réalité, réservées au cercle restreint des dirigeants de l’entreprise. Ils détectent le manque de réalisme des conditions de réalisation des comportements et relèvent, avec un certain humour, que la direction n’applique pas elle-même les critères de la méthode Smart qu’elle entend imposer.

 

La finalité détournée

Pour finir, la Cour va vérifier si l’évaluation est conforme à sa finalité. Pourquoi, faut-il invoquer à Airbus des attitudes morales pour mesurer les aptitudes professionnelles? La véritable intention pour- suivie par l’employeur est-elle conforme au but recherché? Pour les juges, l’intention de faire de l’évaluation un instrument de pouvoir disciplinaire apparait clairement.

«Agir avec courage, c’est prendre des décisions justes et courageuses dans l’intérêt d’Airbus et assumer les pleines responsabilités de leurs conséquences ». En droit, la notion de responsabilité rejoint celle d’obligation. La responsabilité individuelle du cadre est engagée, alors que les décisions prises au nom de l’intérêt de la société sont du ressort de la direction. L’évaluation se transforme alors en prescription. La Cour relève, très justement, que cette approche place le salarié sur le terrain disciplinaire. L’adhésion aux valeurs est « un devoir de loyauté » qui expose le cadre à la faute et à une sanction qui peut aller jusqu’au licenciement.

Elle note que ce point est établi, par la direction elle-même, dans un document destiné aux managers. Si les « low performer » refusent de s’améliorer malgré la mise en place des plans d’amélioration qui lui sont imposés, (coaching, relation renforcée avec le manager), la rupture du contrat de travail sera envisagée.

« Dans les cas extrêmes, par exemple le refus d’un(e) employé(e) de s’améliorer ou de graves problèmes comportementaux, il peut s’ avérer nécessaire pour l’employé(e)    de    quitter Airbus » Récapitulons : les critères d’appréciation n’ont pas de lien direct et nécessaire avec une activité professionnelle spécifique. Ils ne sont ni réalistes ni pertinents. Enfin, le but de l’évaluation est lui-même dévoyé !

Les juges en concluent que les critères comportementaux qu’ils ont étudiés de près ne respectent aucune des conditions fixées par la loi pour évaluer les salariés :

  •  connotation morale entrainant la confusion des sphères professionnelles et personnelles ;
  •  identification difficile avec une activité professionnelle précise rendant l’ appréciation trop subjective pour les évaluateurs et les évalués ;
  • manque de moyens, mesures trop exigeantes et irréalistes ;
  •  détournement de l’évaluation de sa finalité, glissement vers le terrain disciplinaire.
  • Dès lors, il convient, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail de chaque comportement issu des valeurs    de    l’entreprise de dire : « Que ces comportements ne peuvent constituer des critères pertinents de l’évaluation au sens de l’article L.1222-3 du Code du travail et qu’en conséquence la procédure d’ évaluation doit être suspendue ». Les patrons croyaient avoir gagné la bataille idéologique. Les juges les ramènent à la raison. Ils confortent nos positions critiques vis-à- vis des débordements patronaux comme nos propositions alternatives.

Le courage de dire non

Les visions à long terme des patrons du CAC 40 ne sont pas forcément justes. Derrière le système Airbusway, il y a une croyance, une exigence suprême ! La réussite financière représente la mesure de toute grandeur. Le salut passe par l’engagement de chaque salarié dans le combat en faveur du Lean Management. C’est le nerf de la « guerre économique », la clé essentielle de la compétitivité.

Le lean management doit s’imposer dans la sphère de l’intime. Le courage de « combattre en faveur de l’efficience Lean» ne se discute pas, il mérite respect ! S’y dérober est suspect…

Or, le Lean Management a pour but d’intensifier la productivité et de baisser les coûts. Il passe par la restructuration des services, le transfert d’activité à la sous-traitance, la diminution des effectifs, et la hausse des charges de travail. Prendre des décisions justes, serait-ce avoir le courage de virer son équipe, et de continuer à vivre comme si de rien n’ était, avec l’illusion d’avoir agi selon l’éthique professionnelle ? Les cadres sont pris à la gorge dans la logique de la performance financière : sous-traiter, délocaliser ou être viré ! Ils perdent leurs repères, le sens de leur travail, et la confiance dans leur entreprise.

Exiger des cadres qu’ils partagent ces décisions et en assument les conséquences revient à les museler. Nous recommandons à ce propos, d’ aller voir le film de Jean-Marc Moutout,5 « De bon matin » qui condense toute l’horreur humaine et le désastre économique de ce type de manage- ment. Le régime de l’entreprise se rapproche de la tyrannie 6. Quand l’entreprise en arrive là, à évaluer moins le travail que la part la plus subjective de l’activité professionnelle, quand on juge la compétence des cadres au regard de leur docilité, quand l’entreprise atteint ce sommet de l’autoritarisme, le système défaille : turnover, explosion des conflits, baisse de la qualité, disparition des droits fondamentaux (santé, expression, libertés).

Derrière les dédoublements du langage il y a une véritable imposture. Chaque année les salaires des patrons du CAC 40 progressent. La mise en place du Monopoly mondial, associée à des rémunérations extraordinaires se décline à l’échelle de l’entreprise par le jeu de la compétitivité interindividuelle. Les salariés sont pris au jeu de la compétition et des conflits, où chacun est auto-entrepreneur de sa réussite, où les plus « per- formants » captent à eux seuls plus de 85 % des bénéfices. Les employeurs leur décernent le prix de la vertu qui n’est que l’apprentissage à l’obéissance aux équipes dirigeantes. Derrière la vertu, il y a la réalité. Dans ce chantage infernal, le travail et les salariés sont toujours perdants.

 

« Le courage c’est quand je vois l’ennemi et que je cours vers lui pour combattre»7. Mais où est l’ennemi? Tout dépend du côté où l’on se place! Celui des salaires, de l’emploi, de la protection sociale ou bien de la spéculation financière à l’origine de la dépression mondiale de l’économie ? L’Ugict-CGT dénonce l’illusion de courage du soldat de la guerre économique qui ne vise la performance que par la destruction des acquis sociaux. Il est nécessaire de faire d’autres choix en formulant des objectifs en faveur de l’emploi, des salaires et des qualifications. Il est nécessaire de prendre en considération le savoir-faire professionnel des salariés, leur expérience du travail au lieu de les gâcher. L’évaluation concentre un grand nombre de ces enjeux.

D’ une manière générale, la mesure de l’évaluation du travail pose des problèmes considérables. Quel est le but de l’évaluation ? Sur quels critères repose t’elle ? Quelles sont les informations pertinentes qui vont servir pour l’évaluation ? Nous avons des appuis juridiques solides pour défendre nos positions. L’Ugict-CGT a aussi des revendications et des propositions pour une évaluation qui porte sur la reconnaissance du travail et des qualifications professionnelles8. Sachons en tirer profit !

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A télécharger : le texte complet de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse

1 La méthode Smart précise les conditions à remplir pour définir des objectifs pertinents. Selon les entreprises, les spécifications peuvent varier : simple ( Airbus propose spécifique), mesurable,
actionnable (Airbus propose accepté), réaliste (Airbus ajoute ambitieux), temporel (limité dans le temps par un délai).
2    Comme de nombreux cadres, les salariés    de    l’ encadrement d’ Airbus perçoivent, en effet chaque année, une prime individualisée variable selon
l’ atteinte    de    leurs    objectifs.    Le    budget de cette prime correspond à 12 % de la masse salariale.
3 TGI de Nanterre,5 sept.2008, n° 08/05737
4 Christophe Dejours. « L’évaluation à l’épreuve du réel. Critique des fondements de l’évaluation», INRA Editions, octobre 2003.
5«De bon matin, retrace la descente aux enfers d’un homme qui croyait trop à une gestion d’entreprise à laquelle il adhérait sans réserve et qui désormais le broie».Santé & travail n° 76, octobre 2011
6 Dans son éditorial de la Revue Cités consacré à l’évaluation, n° 37, mars 2009, Yves Charles Zarka écrit que « l’inversion idéologique consiste à faire passer pour une mesure objective ce qui est un pur et simple exercice du pouvoir». Il dénonce l’imposture du pouvoir, qu’il soit politique ou administratif à vouloir exercer son empire sur les savoirs ou les savoir-faire et cite Blaise Pascal: «La tyrannie consiste au désir de domination universel et hors de son ordre». Citons également le commentaire     qu’ en    fait    Pierre Bourdieu dans ses Méditations pascaliennes (1997) « Il y a tyrannie, par exemple, lorsque le pouvoir politique ou le pouvoir économique intervient dans le champ scientifique ou dans le champ littéraire pour y imposer leur hiérarchie et pour y réprimer l’affirmation des principes de hiérarchisation spécifiques ».
7 Platon, Lachès, cité par Alain Badiou, «De quoi Sarkozy est-il le nom?» Nouvelles éditions lignes, octobre 2009.
8 Voir «Evaluation, une copie à revoir» et « L’évaluation face aux juges » deux articles parus dans Cadres et droit n° 680 du 21 mars 2011.

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