Statut de l’encadrement : quand le patronat refuse la négociation et le dialogue

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L’année 2019 commence avec de fortes incertitudes sur le statut cadre. En effet, il est défini par l’affiliation à l’AGIRC, la caisse de retraite des cadres, qui disparaÎt malheureusement au 1er janvier 2019 au profit du nouveau régime unifié de retraites complémentaires. L’accord (Octobre 2015, signé par la CFE-CGC, la CFDT, FO, la CFTC et le Medef) créant ce régime unifié de retraite complémentaire a donc renvoyé à une nouvelle négociation le soin de définir la notion d’encadrement avant le 31 décembre 2018.

 

  • 3 critères clés 

> niveau de formation initiale ou acquise

> autonomie dans le travail

> niveau de responsabilité sociale et économique

 

Aujourd’hui, les classifications propres à chaque branche professionnelle définissent le coefficient d’entrée
pour être cadre à partir de critères transversaux et communs prenant en compte le niveau d’autonomie, de responsabilité et de qualification.

Ces critères sont établis par la convention qui a créé AGIRC en 1947 et sont mis en œuvre par les acteurs sociaux dans les conventions collectives des branches. L’AGIRC contrôle les accords de branche et vérifie que les seuils d’affiliation correspondent bien à la qualification, au contenu du travail et aux responsabilités des cadres.

De l’affiliation à l’AGIRC dépend aussi le droit à bénéficier du régime de prévoyance spécifique aux cadres et assimilés, « le 1,50 cadre ».

Ce régime de prévoyance, financé par une cotisation patronale de 1,50 %, assure des droits en cas de décès, voire d’invalidité ou d’incapacité, et bénéficie d’exonérations fiscales.

Prévue depuis 2015, la négociation est au point mort du fait du blocage du patronat. en effet, le patronat s’oppose à toute définition nationale interprofessionnelle de l’encadrement, et prétend même ne pas savoir ce qu’est un cadre2 !

« Dans l’économie d’aujourd’hui,
il est extrêmement difficile de définir, 

comme on l’a fait en 1947, de manière normative
et très précise ce que c’est qu’un cadre ».
— Geoffroy Roux de Bezieux, nov. 2018

 

Ainsi, le Medef veut laisser les branches et les entreprises déterminer elles-mêmes le périmètre de l’encadrement, ce qui ouvrirait la voie à l’arbitraire et au déclassement, donnant les pleins pouvoirs aux employeurs.

À l’heure où la fusion et la division par deux du nombre de branches professionnelles entraînera la remise
à plat de nombreuses conventions collectives, on mesure combien ces critères transversaux nationaux sont utiles pour préserver l’homogénéité de la notion d’encadrement.

La CGT et les organisations syndicales exigent au contraire une définition nationale interprofessionnelle de l’encadrement, permettant de remettre à jour l’Accord national Interprofessionnel de 1983 sur les cadres.

 

Une définition nationale interprofessionnelle de l’encadrement est nécessaire pour 5 raisons

  • 1/ Permettre la reconnaissance des qualifications de l’encadrement quel que soit le secteur professionnel et la taille des entreprises.
  • 2/ Cette reconnaissance impacte positivement l’efficacité économique des entreprises et constitue un levier de l’engagement de l’encadrement. Alors que la mobilisation de l’encadrement est fortement sollicitée par la mise en place du numérique, lui refuser cette reconnaissance relève d’une logique dangereuse et à courte vue.
  • 3/ Elle est aussi nécessaire pour favoriser la mobilité de l’encadrement et éviter un dumping social entre grandes entreprises et PMe/TPe au détriment de ces dernières.
  • 4/ Cette définition nationale interprofessionnelle est profitable à l’ensemble du salariat, évitant d’écraser les grilles salariales dans les différentes conventions collectives, en définissant dans les branches des seuils d’entrée de rémunération pour l’encadrement
  • 5/ Enfin, reconnaître nationalement un périmètre encadrement permet à l’APeC de sécuriser son mandat de service public au service des entreprises, notamment des PMe/TPE et des cadres, en pérennisant ses ressources.

La détermination de ce périmètre s’établit concrètement au moyen de critères transversaux et communs à l’encadrement à partir de sa place et
de son rôle au travail (son niveau d’autonomie et de responsabilité) et de son niveau de qualification.

La CGT considère qu’il est nécessaire de réactualiser ces critères et d’affiner concrètement ce que l’on entend par niveau de qualification, d’autonomie et de responsabilité, eu égard aux évolutions de l’encadrement.

 

Par ailleurs, afin que l’encadrement puisse effectivement mettre en œuvre pleinement toute sa qualification,
son rôle contributif et ses responsabilités sociales, économiques et sociétales il convient de lui conférer des droits et de lui donner les moyens d’exercice de ses responsabilités.

Ceci avait déjà été pointé dès l’ANI de 1983, mais n’a jamais été réalisé car renvoyé aux branches professionnelles sans aucun travail depuis :

  • Les récents scandales sanitaires et environnementaux démontrent le besoin de mieux encadrer les responsabilités des entreprises, ce qui nécessite
de donner à l’encadrement les moyens d’être professionnellement engagé et socialement responsable.
  • Le temps et la charge de travail de l’encadrement sont désormais un enjeu de santé publique, avec l’explosion des phénomènes de burn out générés
par la généralisation des forfaits jours et l’utilisation intensive des outils numériques. encadrer le temps et la charge de travail de l’encadrement et lui conférer un droit effectif à la déconnexion, est donc une urgence.
  • Enfin, cette négociation ne peut faire l’impasse
sur le climat social. Chez les gilets jaunes, stylos
rouges, et coordinations, monte le souci majeur
du pouvoir d’achat et des salaires, la peur et le sentiment de déclassement social. Pour rouvrir des perspectives collectives, et relancer l’ascenseur social, la reconnaissance des qualifications, le renforcement de la formation professionnelle et la validation des acquis de l’expérience sont indispensables !

 

Reprise des négociations

Au point mort depuis mars 2017, les négociations ont repris ce jeudi 24 janvier 2019 après un changement de pilotage de la délégation patronale.

Cette séance a été l’occasion de confirmer l’opposition du medef à toute définition nationale interprofessionnelle de l’encadrement technique et managérial.

Le medef a proposé de scinder le sujet de la prévoyance de celui de la définition de l’encadrement.
L’objectif ? Sécuriser définitivement les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les employeurs, en renvoyant aux calendes grecques la définition d’un statut de l’encadrement. ainsi, le medef détourne l’objet même de la négociation au profit de ses intérêts financiers … piétinant directement ses propres engagements contractuels et démontrant son mépris total du dialogue social et de la parole donnée.

A contrario, la CGT a précisé que les deux sujets étaient liés et devaient figurer à ce titre dans l’Accord national Interprofessionnel.

Cette position a été suivie par l’ensemble des organisations qui ont souhaité aborder la prévoyance comme la définition interprofessionnelle de l’encadrement de concert. Compte tenu de cette position unanime des organisations syndicales, un nouveau calendrier de la négociation a été adopté :

  • Le 5 mars 2019 avec à l’ordre du jour les critères transversaux de la définition nationale de l’encadrement.
  • Le 29 mars et le 19 avril sur les évolutions du travail de l’encadrement et les conditions d’exercice de leur qualification, et responsabilités.

 

Des textes de référence à réactualiser

Aujourd’hui, le statut cadre est défini par deux textes de référence :

  • La convention de 1947 créant l’AGIRC, la retraite complémentaire des cadres. Cette convention définit les critères de rattachement au statut cadre et assimilé. Du fait de la suppression de l’AGIRC au 31 décembre 2018, cette convention est caduque et doit être remplacée
  • L’Accord national Interprofessionnel de 1983 qui précise les définitions de l’encadrement renvoie aux branches professionnelles le soin de définir les droits et moyens d’exercice des responsabilités professionnelles.

 

Les prochaines séances de négociation :
> 5 mars 2019
> 29 mars 2019
> 19 avril 2019

 

Enjeux de la négociation

 

Définition de l’encadrement

Le medef souhaiterait cantonner la définition de l’encadrement aux seuls cadres de commandement, alors qu’au contraire, la CGT considère qu’il faut y inclure toute la diversité actuelle de l’encadrement au sens large : cadres sup’, managers de proximité, cadre technico-commercial, ingénieur, personnel de haute technicité, expert…

Périmètre d’application

Pour éviter les inégalités de traitement et le risque de dumping social sur le dos des salariés qualifiés, il faut que la définition de l’encadrement et les protections qui en découlent s’appliquent quels que soient l’entreprise, la branche, ou le territoire où exercent les personnels concernés.

Droits, protections et garanties spécifiques

Mobilités professionnelles et géographiques, prévoyance, classifications, salaires, temps de travail effectif, marges de manœuvre, autonomie et exercice des responsabilités… Les conditions de travail et de déroulement de carrière de l’encadrement pourraient changer du tout au tout selon la définition retenue : les droits de l’encadrement seront soit valables de manière interprofessionnelle, soit à géométrie variable, entreprise par entreprise.

L’enjeu global de cette négociation est de répondre aux aspirations spécifiques des salariés de l’encadrement en leur donnant des droits et des moyens propres à leur place et leur rôle dans l’organisation du travail. Les Ingés, Cadres, techs cGt veulent d’autres scénarios que « se soumettre ou se démettre » au travail.

 

OBJECTIFS

 

Un statut pour reconnaître l’expertise et la technicité, relégitimer le rôle de l’encadrement au sein du collectif de travail et tirer vers le haut les grilles de salaire.

 

Droits individuels et garanties collectives

La CGT porte le projet d’un nouveau Statut du Travail Salarié qui couvrirait l’ensemble des composantes du salariat. Avec l’Ugict, les Ingés, Cadres, Techs CGT conçoivent le statut de l’encadrement comme un chapitre de cet ensemble de protections, notamment pour briser l’isolement de ces catégories, modifier les rapports sociaux dans l’entreprise et la conception de la hiérarchie.

Être professionnellement engagés et socialement responsables

Les employeurs nourrissent souvent la division entre les composantes du salariat, notamment pour occulter la domination des stratégies financières. L’encadrement est directement mis sous pression, sans pouvoir intervenir sur ces orientations. Dans
le même temps, sur le champ de la santé, de la qualité de vie au travail, les entreprises ne se privent pas d’organiser leur impunité juridique en déléguant leurs responsabilités, y compris pénales, sur les personnels d’encadrement.

Il s’agit de changer les rapports sociaux dans l’entreprise, de définir de nouveaux objectifs, en particulier en matière de satisfaction des besoins économiques, environnementaux et sociaux, et de rompre avec les logiques de rentabilité maximale et immédiate.

Une protection sociale solidaire

Ni catégoriel, ni corporatiste, ce statut permettrait d’arrimer l’encadrement au salariat en lui garantissant en outre une protection sociale d’un niveau identique à celui dont bénéficient les non-cadres. Supposer au contraire que les personnels d’encadrement devraient souscrire des garanties auprès des assurances privées, reviendrait à exclure cette population du champ de la Sécurité sociale, et mettre en péril son financement, et donc son efficacité.

Le paiement et la reconnaissance des qualifications

Dans le cadre de cette négociation, les Ingés, Cadres, Techs CGT font une série de propositions issues de travaux sur l’entreprise et le collectif de travail , la retraite complémentaire, le management, ou la la prévoyance lourde.

 

Nos propositions

 


Conforter le périmètre de l’encadrement

Construire un socle commun à tous les ICTAM (ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise), avec des garanties transverses à l’ensemble des professions, pour leur permettre d’exercer pleinement leurs responsabilités sociales et économiques et de faire face dans les meilleures conditions possibles au risque de nivellement par le bas lié à la fusion des branches.

Droit de refus, d’alerte et d’alternative

  • outil pour une véritable efficience dans l’exercice des responsabilités.
  • assorti d’une protection contre toute sanction, discrimination ou mesure de rétorsion.
  • conçu comme un droit d’alerte et de retrait, face à une violation de la loi ou une réglementation (scandale financier, risque sanitaire, risque sur la sécurité des personnes), ou conçu comme un droit d’alerte préventif face à des directives susceptibles d’altérer la santé des équipes de travail ou menacer la pérennité économique de l’entreprise.
  • couplé au droit de saisir le comité social et économique, pour qu’il se prononce en urgence sur le sujet en cause et les alternatives proposées.

Temps de travail

  • Garantir, quels que soient le niveau de responsabilité et le régime de temps de travail, un décompte et une rémunération des heures effectuées, un respect des bornes maximales de travail et minimum de repos, et une évaluation de la charge de travail.
  • Garantir l’effectivité du droit à la déconnexion.

Sécuriser le statut

  • Exclure le critère rémunération (trop différent selon les professions et inopérant pour les jeunes diplômé·es).
  • Confier à l’apec la mise en œuvre des critères, le contrôle du périmètre, le contrôle du recouvrement des cotisations et un pouvoir de sanction.

Prendre toute sa place

  • Reconnaissance de la qualification dès la première embauche.
  • Accès aux informations de l’entreprise.
  • Possibilité d’intervention sur les orientations stratégiques.

Evoluer dans sa carrière

  • Droit à une protection sociale garantissant le maintien du niveau de vie en cas de chômage, d’incapacité de travail et lors de la retraite.
  • Droit à la mobilité choisie.
  • Droit à la propriété des savoirs et savoir-faire (en opposition aux clauses de confidentialité ).

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