Réformes de l’assurance chômage : la bombe à retardement du populisme décomplexé

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Comme l’a confirmé le président de la République lors de ses voeux, 2019 sera l’année de la réforme de l’Assurance chômage, avec comme exigence qu’elle permette 1,3 milliard d’euros d’économies. La négociation est en cours et débouchera ensuite sur un projet de loi gouvernemental présenté courant 2019.

 

Le retour de stratégies de mises en opposition populistes

Parmi les pistes pour réaliser ces économies, la dégressivité et le plafonnement des allocations pour les cadres ont été proposés par des députés de la République en Marche, au nom « d’une meilleure justice sociale ».

Cette proposition populiste relève pourtant d’une vision à courte vue, et aurait pour effet au contraire de faire reculer la redistribution et d’exonérer les plus hauts salaires. Les cadres étant moins souvent au chômage que les autres salarié.e.s, leurs cotisations sont largement supérieures aux allocations perçues.

Les allocations et cotisations sont aujourd’hui plafonnées à 4 fois le plafond de la Sécurité sociale, c’est-à-dire qu’il n’y a ni cotisation, ni allocation sur la part de salaire supérieur à 13 508 € bruts mensuels.

Abaisser ce plafond, comme le propose LReM, ferait perdre des ressources à l’UneDIC et pousserait les cadres supérieurs à se tourner vers des assurances individuelles pour assurer le maintien de leur niveau de vie. Un marché en or pour les assureurs !

Au contraire, la CGT et les organisations syndicales proposent de déplafonner totalement les cotisations et les allocations chômage. Les chiffrages présentés par l’UneDIC, lors de la séance de négociation du 15 janvier 2019, confirment que cette proposition permettrait de renforcer les protections de l’Assurance chômage tout en dégageant des recettes supplémentaires importantes :

  • déplafonner les cotisations et les allocations jusqu’à 8 fois le plafond de la sécurité sociale, à l’image de ce qui existe pour les retraites complémentaires, rapporterait 400 millions de ressources supplémentaires à l’Assurance chômage.
  • déplafonner totalement les cotisations et allocations, rapporterait 780 millions de ressources supplémentaires à l’Assurance chômage.

En outre, les cadres touchant les plus hauts salaires étant concentrés dans les plus grandes entreprises, cette augmentation des cotisations ne concernerait pas les petites entreprises. Il n’y a donc aucun risque qu’elle génère des difficultés économiques !

1,3 milliard d’euros d’économies 
2 refus d’une offre “raisonnable” et l’allocation chômage sera supprimée pendant un mois

 

Sanctions contre les chômeurs : déclassement à tous les étages

Le gouvernement a fait paraître un décret le 30 décembre 2018 pour déterminer le régime de sanctions contre les chômeurs. Ce décret organise le déclassement et casse les dynamiques de carrières ascendantes en instaurant les dispositions suivantes :

  • après deux refus « d’une offre raisonnable », l’allocation chômage sera supprimée pendant un mois. après 4 refus les allocations seront supprimées pour deux mois et après 6 refus pour quatre mois.
  • la définition de « l’offre raisonnable d’emploi » est modifiée. auparavant, une offre raisonnable était définie par
« la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée » mais aussi par le salaire attendu.

Ainsi, quand un chômeur était inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi depuis plus de trois mois, une offre raisonnable était « l’offre d’un emploi compatible avec ses qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu ».

Ce taux évoluait avec le temps : il était ainsi porté à 85 % après six mois d’inscription. Au bout d’un an, les demandeurs d’emploi se devaient d’accepter une offre équivalente aux allocations chômages perçues.

Le décret du 30 décembre 2018 abroge la définition du salaire antérieurement perçu qui était pris en compte pour déterminer l’offre raisonnable d’emploi. fini les seuils
 de 95 % et 85 % correspondants aux revenus précédents : pour un chômeur, plus question de rejeter une offre si le salaire proposé est moindre que celui de son précédent travail.

En clair, cela signifie qu’un·e salarié·e gagnant 3 000 euros bruts lors de son dernier emploi, ne pourra plus refuser un emploi au Smic.

 

Comment ces dispositions vont organiser le déclassement en cascade :

Les Ingés, Cadres et Techs seront tenus d’accepter des offres d’emplois inférieures à leur qualification en excluant ainsi mécaniquement les autres salarié·e·s. Il s’agit d’une disposition à courte vue.

D’un côté elle augmentera le turn over sur les emplois les moins qualifiés. De l’autre, elle découragera les Ingés, Cadres et Techs de recourir à une mobilité professionnelle du fait du risque de déclassement et de perte salariale.

Cette disposition fragilise donc les parcours professionnels en cassant les carrières ascendantes. elle sera particulièrement défavorable aux femmes Ingées, Cadres et Techs, qui sont déjà pénalisées par une perte de salaire importante lors de leur mobilité professionnelle.

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