L’application StopCovid n’est-elle qu’une opération de diversion qui menace les libertés publiques ?

Smartphone sur fond rose

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La pandémie du Coronavirus représente pour le gouvernement une aubaine pour étendre la surveillance de masse avec son application « stop covid », et masquer ses insuffisances sur la gestion de la crise. Après avoir enclenché son attaque contre le droit du travail avec une ordonnance qui déroge durablement à la durée du temps de travail, le gouvernement veut étendre la surveillance de masse avec son application « Stop Covid ».Pour le gouvernement, il s’agit de faire payer les conséquences de la crise au monde du travail ; d’où la dérogation sur le temps de travail prévue jusqu’à la fin de l’année. Les conséquences de la crise sanitaire sont déjà portées essentiellement par le monde du travail, notamment les « premiers de corvée » : personnels soignants des hôpitaux, des EPHAD, les livreurs, les personnels du commerce, les vigiles, pompiers, gendarmes, etc. qui sont directement exposés au risque sanitaire sans avoir de dispositifs de protection, car introuvables ou en cours de livraison depuis la Chine.Dans le même temps, le gouvernement s’apprête à étendre ses dispositifs de surveillance de masse accrue de la population avec des solutions technologiques mises en place ou envisagées sous prétexte d’accompagner le déconfinement. Cela représente à terme un danger pour les libertés publiques.

 

 

Le gouvernement profite de la situation sanitaire pour poursuivre sa politique de remise en cause des libertés entamée depuis une dizaine d’année, notamment avec la « loi renseignement ».

Après la loi sur le renseignement, le développement de la reconnaissance faciale, le gouvernement se saisit de la situation sanitaire inédite pour installer dans la durée sa conception de la société fondée sur la surveillance de masse de la population. Il promeut un nouveau modèle de société en soumettant les droits et libertés des citoyens à ses nouvelles normes des rapports sociaux, tout en ouvrant un nouveau marché lucratif.

L’identité numérique des citoyens est établie avec toutes les traces qu’ils laissent et permettent de les connaître dans les moindres de leurs actes. La surveillance de la population, partout et tout le temps, alimente à la fois les services de renseignements des États mais aussi un immense marché mondial.

Toutes ces données que les citoyens divulguent ont une immense valeur marchande parce qu’elles permettent à Google, Facebook et autres géants du numérique de les monnayer afin de prédire leurs comportements et d’influencer leurs désirs avec des recommandations.

La collecte et l’utilisation de données personnelles relevant du secret médical ouvrent la porte, notamment en jouant sur la peur de la population, à des dérives comme l’influence de masse, à l’instar de l’expression démocratique (élections présidentielles américaines de 2016, référendum sur le Brexit) dans l’affaire Cambridge Analytica.

La RGPD (Règlementation européenne sur les données personnelles) est utile mais a un pouvoir très limité sur l’usage de nos données dans les algorithmes opaques, biaisés, et dépourvu de réel contrôle.

Le pire peut advenir avec la surveillance de masse et le contrôle des mouvements et des comportements par le perfectionnement du « panoptique virtuel ». Le recours aux systèmes de l’intelligence artificielle facilite le croisement et l’analyse des données issues des organismes étatiques et des sites marchands dont la Chine est le laboratoire à l’échelle d’un monde avec son système de « crédit social ».

La réduction de l’individu à un chiffre — contraint dans un système de notation — vise à lui imposer par « dressage numérique », d’une part le « bon comportement social », d’autre part la « bonne pratique » avec la « Taylorisation digitale » du travail.

Tout ceci conduisant à l’atomisation de l’individu, du travailleur et à la dissolution du « libre arbitre » dans l’idéal totalitaire du « déterminisme numérique » : à la négation de la citoyenneté.

Les libertés publiques sont fortement menacées avec l’application « Stop Covid », nouvelle mesure envisagée par le gouvernement au prétexte de lutter contre le coronavirus. La France traverse une phase dangereuse pour sa démocratie. Les conditions de sortie de crise seront déterminantes.

 

 L’imposture « Stop Covid » vise à masquer les insuffisances du gouvernement et sa responsabilité dans la crise sanitaire

Cette opération de diversion a pour objectif de dissimuler à la population :

  • les insuffisances criantes en moyens humains et matériels du service de santé public français, résultat d’une politique drastique de restriction budgétaire poursuivie par les gouvernements successifs ;
  • les retards gravissimes pris dans les décisions pour protéger la population de la pandémie émergente.

Le gouvernement ne veut ni reconnaître, ni assumer les conséquences de la poursuite des politiques de restriction budgétaire des services publics, hospitalier, enseignement-recherche … La gestion de l’épidémie a été calamiteuse dès les premières informations diffusées par les autorités chinoises au début du mois de janvier 2020. Pour mieux se défausser maintenant le gouvernement recherche des boucs émissaires. 

Dans la logique du capitalisme néolibéral, la croyance au miracle des technologies numériques se substituerait à la science médicale. Après avoir contribué à fragiliser notre système de santé, ce gouvernement favorise l’engagement des sociétés privées pour occuper ces nouveaux marchés potentiels.

Pourtant, il apparaît que les dépistages massifs des personnes contaminées (Allemagne), le port du masque (Chine, Corée du Sud, Taïwan, Japon, Singapour… ), la diffusion d’informations gouvernementale fiables (Taïwan), l’existence d’infrastructure et de lits hospitaliers (Allemagne) associés à un confinement des personnes contaminées expliquent les meilleurs résultats obtenus face à la pandémie. 

Les expériences et informations provenant d’Asie n’ont pas été prises en compte par nos gouvernants. Seule la solidarité exceptionnelle des Français et notamment des plus exposés, les « premiers de corvée », comme les travailleurs des secteurs de la santé, du médico-social, du commerce alimentaire a permis de pallier l’incurie du gouvernement et de ses « premiers de cordée ». 

 

Une solution injustifiée et inefficace

 En propageant de supposées violations massives du confinement et d’irresponsabilités individuelles, le gouvernement tente de justifier l’usage de dispositifs technologiques de surveillance de masse, tel le traçage via le téléphone mobile.

Les dirigeants actuels profitent de la crise sanitaire pour introduire parallèlement aux dispositifs relevant des soins médicaux, de protection et de prévention sanitaires (masques et autres dispositifs de protection, tests pour dépistage, personnels et infrastructures suffisantes pour soigner les malades), des techniques fondées sur la technologie numérique. Ainsi ils offrent de nouvelles perspectives de marchés aux producteurs de surveillance de masse, dans une vision de la société où tout le monde est présumé coupable et doit donc soupçonner son prochain.

Les principaux systèmes de surveillance mis en avant sont fondés sur des applications téléchargeables sur le téléphone mobile et le traçage de l’activité des personnes. Ces systèmes sont intrusifs et portent atteintes à la vie privée et aux libertés citoyennes.

Le système GPS ne respecte pas la réglementation européenne (RGPD) [1], car il trace et géolocalise en permanence avec le numéro de téléphone ou l’adresse IP, donc sans anonymisation.

L’autre système mis en avant est le Bluetooth (technologie sans fil) : outre l’usage détourné de la technologie pour mesurer une distance, sans précision, les données ne sont anonymisées qu’a posteriori, donc la personne est tout de même identifiée de la même façon que pour le GPS, même si le Bluetooth ne fait pas l’objet d’un enregistrement central. Rien ne dit à qui seront remises ces données pour les exploiter, ni qui en contrôlera l’utilisation.

L’argument avancé « sur la base du volontariat » n’est pas recevable car il constitue de fait un contournement des données de santé du dossier du patient, sans que celui-ci en mesure l’étendue des conséquences. Être dans l’obligation de déclarer qu’on est malade est illégal et ne doit pas conduire à être discriminé par rapport à sa vie sociale et citoyenne.

Refuser d’installer une application qui décrète que l’on est en bonne santé conduira implicitement à une discrimination pour l’accès aux espaces publics, aux transports publics, aux magasins, etc…

Installées par tout le monde, ces technologies ouvrent l’accès à la police, à son employeur, à son bailleur, à ses voisins, etc. à des informations personnelles qui portent atteinte aux libertés publiques.

L’exemple de l’essai d’une telle application à Singapour a démontré l’inefficacité du dispositif.

 

Tirer les leçons de la crise sanitaire et construire la transition sociale-écologique du « jour d’après » avec les technologies numériques

 L’ensemble des personnels hospitaliers ainsi que ceux des secteurs du soin à domicile, des EHPAD, attachés à leur mission de service public, font face à la situation avec des moyens très insuffisants, tant humains qu’en matériels de protection et de médicaments.

L’arrêt des activités non essentielles, comme cela vient d’être fait en Italie ou en Espagne, participe à la lutte contre la propagation du virus. L’urgence d’une production nationale répondant à des besoins immédiats et essentiels nécessite une nationalisation d’entreprises fermées, comme LUXFER pour la production de bouteilles à oxygène, ou menacées, comme la papeterie de la Chapelle Darblay pour la production de masques.

Le changement de modèle économique et politique est mis en évidence par la crise sanitaire qui nécessite de renforcer les moyens pour les services publics qui œuvrent à l’intérêt général. Réorientée vers la réponse aux besoins de la population, l’activité des entreprises doit également s’inscrire dans l’intérêt général, les enjeux sociaux et environnementaux.

Le versement prévu des dividendes doit être réaffecté immédiatement aux mesures d’intérêt général, comme la recherche. Il faut se demander pourquoi, quelques années après la crise du SRAS en 2003, les chercheurs ont vu leurs financements se tarir, alors que le SRAS et le COVID19 appartiennent à la même famille des coronavirus.

Les atteintes portées à l’environnement confrontent les humains à la mise en contact de virus qui auparavant étaient contenus dans des espaces naturels. La crise sanitaire que nous traversons montre avec acuité que la réponse aux enjeux sociaux et environnementaux est au centre des solutions à apporter, pour construire le modèle alternatif du « jour d’après » de manière durable et en préservant les différents équilibres des écosystèmes qui nous entourent. Il n’y a pas de déterminisme technologique. Nous proposons de mettre les technologies numériques au service de la transition sociale et écologique. Le numérique avec toutes ses déclinaisons : IA, objets connectés, block chain, puce RFID, etc. permet d’obtenir la traçabilité de l’activité des entreprises sur les conditions sociales et environnementales de fabrication des services et des produits manufacturés.

Aujourd’hui nous disposons des technologies nécessaires pour établir cette cartographie de l’empreinte social-écologique sur toute la chaine de fabrication et de valeur. Cette mise en visibilité facilite l’intervention syndicale et citoyenne  et constitue un puissant levier pour inscrire l’activité des entreprises dans un cercle vertueux, respectueux des pratiques sociale et écologique.

 

 

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