Pour en savoir plus
Depuis la loi du 27 mai 2008, le harcèlement sexuel et le harcèlement sexiste sont des discriminations liées au sexe (genre). Dans une affaire du 11 janvier 2012 (1), la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle le fait d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel, même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail. L’affaire concernait un directeur d’agence bancaire qui avait invité l’une de ses salariées à déjeuner, en dehors des heures de travail, dans un hôtel-restaurant, afin de lui parler d’une promotion la concernant et qui crut bon de lui proposer de profiter d’une chambre d’hôtel après le déjeuner. Le directeur d’agence fut licencié pour faute grave.
La faute commise (le harcèlement) est d’une gravité telle, qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant l’exécution de son préavis (le licenciement pour faute grave prive le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis).
Origine
Le 7 février 2012 (2), la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel de Versailles condamnant l’entreprise Renault à verser 249 900 euros de dommages-intérêts à un salarié victime dans sa carrière professionnelle d’une discrimination en matière de promotion et de rémunération en raison de son origine ethnique. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que Renault n’apportait pas de raisons objectives justifiant le retard subi par ce salarié dans le déroulement de sa carrière. « Ayant retenu que l’employeur ne justifiait pas de raisons objectives pouvant expliquer le retard important subi par le salarié dans le déroulement de sa carrière, par rapport à l’ensemble des salariés se trouvant dans une situation comparable, la cour d’appel a pu en déduire que ce retard n’était pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié. »
Cette affaire rappelle que, en matière de procédure civile pour discrimination, s’applique l’aménagement de la charge de la preuve : toute personne portant plainte pour discrimination devant une juridiction civile doit apporter des éléments de présomption de discrimination. Si le juge considère que ces présomptions sont suffisantes, il appartient alors à l’employeur de prouver l’absence de discrimination. « Mais […] eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne concernée, l’aménagement légal des règles de preuve prévues par l’article L.1134-1 du Code du travail ne viole pas le principe de l’égalité des armes tel que résultant de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales… »
Apparence physique et sexe
La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 janvier 2012 (3), revient sur la discrimination liée à la tenue vestimentaire.
Le salarié d’un restaurant, en contact avec la clientèle, est licencié après avoir refusé de retirer lors de son service les boucles d’oreilles qu’il portait depuis peu. La lettre de licenciement indique : « votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes ».
Le salarié forme un recours contre cette décision de licenciement en estimant avoir fait l’objet d’une discrimination, notamment sur l’apparence physique. En effet, la seule atteinte à la liberté de se vêtir n’aurait pas suffi, puisqu’il a été considéré que cette liberté n’était pas fondamentale mais pouvait être restreinte en raison du contact de la clientèle et de l’image de l’entreprise. La lettre de licenciement étant très explicite, cette dernière apportait la preuve d’une discrimination. L’employeur doit prouver l’existence d’éléments objectifs justifiant un licenciement. La Cour de cassation, dans cet arrêt, retient une double discrimination et énonce « qu’en vertu de l’article L.1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son sexe ou de son apparence physique, la cour d’appel a relevé que le licenciement avait été prononcé au motif, énoncé dans la lettre de licenciement, que “votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes”, ce dont il résultait qu’il avait pour cause l’apparence physique du salarié rapportée à son sexe ». Généralement, l’apparence physique fait référence à la taille, au poids, à un élément de la physionomie humaine. Or, en l’espèce, la Cour s’attache à la tenue vestimentaire et à ses accessoires pour apprécier l’existence d’une discrimination. En outre, la Cour associe deux critères relevant de la discrimination : l’apparence et le sexe. En ce qui concerne la justification de cette mesure, l’employeur n’a pas apporté la preuve de l’existence d’éléments objectifs ayant abouti à la décision de licencier le salarié. Le licenciement est nul.
(1) Pourvoi n° 10-12930.
(2) Pourvoi n° 10-19505.
(3) Pourvoi n° 10-28213
Grève et Cdd
Une relation de travail ne peut pas être rompue en raison d’un mouvement de grève auquel a participé un salarié. Et lorsqu’un salarié allègue que la rupture du contrat de travail est intervenue en raison de sa participation à un mouvement de grève, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’exercice normal du droit de grève (4). Ces règles s’appliquent au bénéfice des salariés en emploi précaire (Cdd notamment). La survenance du terme d’un contrat de travail à durée déterminée (Cdd) pendant un mouvement de grève n’a pas pour effet de rompre la relation de travail. Il appartient à l’employeur de prouver que sa décision de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée ou de ne pas proposer un contrat à durée indéterminée était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à l’exercice du droit de grève. A défaut, la rupture du contrat de travail est déclarée nulle (5).
Etat de santé
Comme cela a déjà été jugé, les dispositions de l’article L.1132-1 du Code du travail relatives à l’interdiction des discriminations sont applicables à la période d’essai. Un salarié est fondé à se prévaloir de la concomitance entre sa période d’arrêt de travail pour maladie et la décision que lui a notifiée son employeur de mettre fin à sa période d’essai ainsi que l’absence de toute observation sur l’exécution de son travail comme éléments de fait suffisant à laisser supposer qu’il a été victime d’une discrimination en raison de son état de santé. Il appartient donc à l’entreprise de prouver que sa décision de rupture du contrat de travail est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. L’employeur n’apportant pas la preuve que sa décision de rupture du contrat de travail du salarié en période d’essai a été justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L.1132-4 du Code du travail, de prononcer la nullité de cette décision de rupture du contrat (6).
Age
Cinq moniteurs de ski de l’Esf des Arcs 1800, âgés de cinquante-sept à soixante-deux ans, avaient saisi, en novembre 2011, le tribunal de grande instance d’Albertville, estimant être victimes d’une discrimination liée à l’âge. Ils faisaient valoir que les statuts du Syndicat local des moniteurs contenaient une disposition discriminatoire, puisqu’elle contraignait les moniteurs, selon leur âge, à « débrayer » pendant certaines périodes. La disposition attaquée était rédigée de la manière suivante :
« – De 61 à 63 ans le moniteur débraye durant Janvier (entre vac. Noël et vac. Fév)
» – De 63 à 65 ans le moniteur débraye durant Janvier et Mars (entre vac. Scolaires)
» Total : 24 semaines débrayées en Janvier et Mars de 61 à 65 ans.
» (le moniteur susceptible de changer de tranche d’âge en cours de saison du fait de sa date anniversaire finira la saison comme il l’a commencée). »
En conséquence, les moniteurs âgés de plus de soixante ans devaient cesser toute activité au sein de l’Esf des Arcs 1800 en janvier et en mars de chaque année. Le motif invoqué par l’Esf des Arcs 1800 était la volonté de « ne pas bloquer l’entrée des jeunes moniteurs dans la profession ».
Les cinq moniteurs requérants estimaient qu’il n’y avait aucune raison que seuls les moniteurs âgés de plus de soixante ans soient affectés par cette mesure alors qu’ils ne percevaient par ailleurs aucune retraite ou allocation pouvant compenser une réduction de leur activité et avaient besoin de travailler. Ils considéraient que si des mesures sont nécessaires pour favoriser l’entrée de jeunes moniteurs dans la profession, tous les moniteurs, quel que soit leur âge, devaient être affectés par de telles mesures, et pas uniquement les moniteurs âgés de plus de soixante ans. Ils demandaient par conséquent au tribunal de constater qu’une telle mesure constituait une discrimination en raison de l’âge.
Le tribunal de grande instance d’Albertville a rendu, le 21 février 2012, sa décision et a fait droit à la demande des cinq moniteurs : « le débrayage constitue une discrimination illicite fondée sur l’âge et la disposition doit être en conséquence retirée des statuts ».
(4) Article L.2511-1 du Code du travail.
(5) Cour de cassation, 19 janvier 2011, pourvoi n° V 09-43.547.
(6) Cour d’appel de Rouen, 7 juin 2011, n° 10/05555.
Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, Le Droit du travail en pratique, Ed. d’Organisation, mars 2012 (24e édition), 668 pages, 32 euros.
Antoine Bevort, Michel Lallement, Annette Jobert, Arnaud Mias (dir.), Dictionnaire du travail, Puf Quadrige,