Pour en savoir plus
Tandis que la cinquième vague de la pandémie est en train de déferler, le gouvernement a annoncé le 27 décembre que le recours au télétravail « sera rendu obligatoire » à partir de la rentrée et pour une durée d’au moins trois semaines « pour tous les salariés pour lesquels il est possible » qu’ils et elles exercent dans le privé ou dans la fonction publique, à raison de « trois jours minimum par semaine et quatre jours quand cela est possible ». Cette annonce traduit à n’en pas douter une grande fébrilité de l’exécutif face au variant Omicron et un durcissement des mesures.
Alors que pour le variant Delta le recours au télétravail avait été « jusqu’à trois jours » par semaine dans la fonction publique d’Etat et deux à trois jours dans les entreprises où c’était possible, cette fois on passe à trois jours minimum.
Cette annonce n’est sans doute pas sans réveiller de sourdes angoisses pour nombre de télétravailleuses et télétravailleurs, notamment parmi les cadres pour qui la montée en puissance du télétravail a modifié en profondeur les conditions de travail.
Si beaucoup y ont trouvé une réponse à leur aspiration d’une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, ce mode d’organisation du travail leur est aussi très vite apparu comme un nouvel outil patronal pour « optimiser les coûts, mettre sous pression le management de proximité et individualiser les relations de travail ». C’est entre autres ce que révélait le huitième baromètre annuel Ugict-CGT / SECAFI dévoilé en ouverture du congrès de la CGT des ingénieurs, cadres et techniciens fin novembre dernier.
Plus de la moitié des cadres (56%) pensent que le télétravail « n’est pas assez encadré et 68 % qu’il ne protège pas des durées excessives de travail ». Ils sont aussi 53 % à vouloir « une réduction du contrôle et du reporting ». Ils en ont par dessus la tête des organisations du travail « maltraitantes bâties sur la flexibilité, l’individualisation du travail, les injonctions à l’autonomie tout en gardant le contrôle. Il y a urgence à revoir les pratiques managériales afin de valoriser le « bien travailler » et de concevoir des solutions organisationnelles partagées pour gagner l’engagement des équipes. C’est tout le sens de doter le management d’autonomie et de moyens supplémentaires », avait analysé l’Ugict-CGT.
Quelques jours après la publication de ce baromètre, une étude de l’Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail (Anact) venait confirmer la faiblesse de la prise en compte des enjeux d’organisation et de management dans les accords conclus depuis la pandémie. « Le télétravail reste ainsi encore appréhendé comme la transposition des activités de bureau au domicile plutôt que comme une forme d’organisation du travail à part entière », notent les chercheurs de l’ANACT. « L’accompagnement du management permettant de gérer la diversité des situations est peu développé. L’idée d’un management d’équipe « hybride », composée de collaborateurs à la fois en présence et à distance, est rarement mentionné dans les accords 2020. »
A l’évidence, la forte croissance des accords qui mentionnent le télétravail ou qui portent uniquement sur le sujet l’ont fait sortir de la zone grise. Mais pour autant, parce que ce n’est toujours pas un sujet de négociation obligatoire formalisée autour d’items précis, le télétravail est toujours insuffisamment pris en compte pour ce qu’il est : une transformation majeure, durable et irréversible du travail et pas simplement une bouée de sauvetage par gros temps.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT