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Plusieurs dizaines de rassemblements et manifestations unitaires sont annoncés partout en France avec l’entrée en scène des étudiants et lycéens que les organisations syndicales Unef, Fidl et Unl préparent activement. Cette nouvelle irruption de la jeunesse dans le débat social est une perspective redoutée par l’exécutif comme par le Medef.
« C’est absurde que les jeunes aient peur de cette loi. Ce sont eux les victimes de cette hyper-précarité, de ces CDD, de ces stages » a plaidé la ministre du Travail en n’hésitant pas à pointer « la désinformation et la manipulation sur ce projet de loi ». « Il faut que les jeunes comprennent que ce projet de loi est bon pour eux » a renchéri Emmanuel Macron. Mais le pompon revient sans hésitation au vice-président du MEDEF pour qui « il y a beaucoup d’intoxications. On voit bien que des cellules dormantes sont réactivées », assure Thibault Lanxade pour qui la jeunesse serait donc travaillée par des forces obscures. Gageons que ces incantations n’auront pas l’effet démobilisateur attendu.
D’ailleurs, selon un sondage Odoxa publié vendredi soir, près de deux Français sur trois (63%) pensent que les manifestations prévues le 9 mars contre le projet de réforme du droit du travail peuvent « déboucher sur un mouvement de contestation sociale généralisé ». La rhétorique méprisante « vous ne savez pas lire, vous n’avez pas compris » ne fonctionne plus. La cristallisation s’opère en effet autour de l’aspect « c’est la loi de trop » et les ingrédients d’un conflit social d’envergure sont rassemblés. D’abord parce qu’au presque terme de son quinquennat on peut juger de ce qui reste de la priorité à la jeunesse promise par François Hollande. Ensuite parce que les jeunes continuent à subir une situation calamiteuse. Ils se sont mobilisés en 2010 contre la réforme des retraites et ils semblent prêts à se mobiliser de nouveau ce printemps à nouveau avec les salariés.
Ce projet de loi leur préfigure clairement un avenir de paupérisation.
Obligé d’annoncer le report de deux semaines de l’examen du projet par le conseil des ministres, le gouvernement manœuvre en proposant la tenue de réunions bilatérales avec les syndicats et le patronat. Son objectif est de diviser les organisations syndicales en faisant croire qu’il y a matière à négocier, voire même qu’on pourrait y gagner quelque chose. Erreur ! Ce texte n’est pas amendable car la philosophie de ce projet rétrograde est l’inversion de la hiérarchie des normes. En donnant la primauté aux accords d’entreprises qui pourront déroger à la loi, la réforme bouleverserait le droit du travail. En effet, actuellement les accords d’entreprises qui ne peuvent jamais être en dessous des conventions collectives ne couvrent que 10% des salariés alors que les conventions collectives couvrent plus de 90% des salariés et leur offrent à tout le moins des garanties supérieures au Code du travail.
Demain, avec cette réforme les entreprises se feraient concurrence en cherchant à obtenir les accords les plus antisociaux, entrainant un dumping social généralisé. On peut imaginer que pour remporter un marché telle ou telle SSII négociera un accord dérogatoire lui permettant d’augmenter outrageusement le temps de travail, imposer tel ou tel recul social. Une urgence s’impose donc : le retrait pur et simple et l’ouverture de vraies négociations sociales assorties d’un débat public pour construire de vraies garanties collectives.