Questions et réponses pour animer des débats publics sur la réforme des retraites

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Temps de lecture : 14 minutes

Le report de l’âge de départ à la retraite est-il nécessaire pour équilibrer les comptes ?
Le système du régime des retraites est-il en danger ?

C’est faux !

Le gouvernement ne cesse de répéter que notre système est au bord de la faillite, qu’il est durablement déficitaire. Mais la répétition ne fait pas la véracité des propos !

En premier lieu un système de retraite par répartition comme le nôtre ne peut pas être en faillite, car par définition les prestations sont des droits garantis qui doivent être financés, notamment en augmentant, si nécessaire, les recettes issues des cotisations. Comme le montre le rapport du Conseil d’orientation des retraites de façon très claire, notre système est excédentaire de près de 900 millions d’euros en 2021, et devrait dégager un excédent de 3,2 milliards d’euros en 2022 (soit 0,1 point de PIB). Néanmoins, le gouvernement envisage des économies de 17,7 milliards d’euros pour 2030 dont 13,5 milliards d’euros pour financer les déficits estimés et 4,2 milliards d’euros qui devraient permettre de financer des mesures de saupoudrage, loin des besoins de la population. Inutile de préciser que le cadrage financier de la réforme n’est pas fini et des surprises sont à attendre dans le projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR).

Insistons sur le fait que la prévision de déficit du gouvernement est totalement contestable puisqu’elle serait due principalement entre 2021 et 2027 à une dégradation des ressources du régime de retraite à cause de la maîtrise des dépenses de personnel du secteur public et du développement des primes.

Entre 2027 et 2032, ce déficit résulterait majoritairement d’un effet statistique liées aux hypothèses économiques du gouvernement. En tout état de cause, à plus long terme et malgré le vieillissement de la population, la part des dépenses de retraite serait stable voir même en diminution par rapport à la richesse nationale.

Inutile de s’en prendre aux retraites pour trouver 17,7 milliards d’euros qui sont automatiquement compensés avec la fin des exonérations sociales actuelles, véritables trappes aux bas salaires. Rappelons que 17,7 milliards d’euros représentent bien moins que ce que coûte l’ex-CICE et sa pérennisation chaque année (plus de 20 milliards d’euros).

En augmentant les salaires de 5 %, on aurait d’ores et déjà 9 milliards d’euros de cotisations rien que pour les salarié·es du privé – soit la moitié que ce que le gouvernement espère économiser.

Enfin, alors que l’hôpital public est en train de craquer, des centaines de milliers d’embauches sont nécessaires. En embauchant 300 000 fonctionnaires dans la fonction publique hospitalière, près de 5 milliards d’euros supplémentaires seraient collectés pour les retraites.

 

Le projet de réforme 2023 préservera-t-il le système des retraites par répartition ?

C’est faux !

Si le gouvernement ne touche pas au nom, les spécificités du système de retraite français imaginées en 1946 sont abandonnées. À l’époque, l’ambition était de faire de la retraite une nouvelle étape de la vie et plus une antichambre de la mort. Avec le système de financement solidaire basé sur la cotisation, chacun·e payait selon ses moyens et recevait selon ses besoins. Aujourd’hui, repousser l’âge légal de départ et augmenter le nombre de trimestres nécessaires pour toucher une retraite à taux plein pousse les salarié·es à financer elles et eux-mêmes (pour celles et ceux qui le peuvent) leur propre retraite.

Les salarié·es les moins bien loti·es (bas salaire, période de chômage, contrats précaires, maladie…) seront condamné·es à la précarité et à la charité… comme avant la création du système de retraite ! Pour la CGT, le système doit être renforcé pour améliorer les droits à la retraite et les financer.

 

L’espérance de vie augmentant, est ce normal de reculer l’âge de la retraite ?

C’est faux !

Travailler plus longtemps n’aura pas d’impact sur le nombre d’années passées à la retraite. Si l’espérance de vie augmente, les Français·es passent moins de temps à la retraite en raison des réformes précédentes. Par exemple, la réforme Sarkozy a réduit d’un an la durée moyenne de la retraite. Elle était de 26 ans pour la génération née en 1950, elle est aujourd’hui de 24,6 ans pour la génération 1970 et passerait à 23,1 ans avec la retraite à 65 ans.

De plus, l’espérance de vie varie en fonction du niveau de revenu. Les hommes dont les conditions de vie sont les plus modestes vivent, en moyenne, treize années de moins que les plus aisés. Dans tous les cas, on a plus de chance de vieillir en bonne santé quand on est à la retraite plus tôt qu’en étant obligé·e de poursuivre le travail.

 

C’est faux !

Cette mesure ne garantit pas le maintien du niveau des pensions car elle s’accompagne de l’allongement progressif de la durée de cotisation. Il faudra attendre 65 ans pour partir ET cotiser plus de trimestres pour toucher une retraite à taux plein. Cette mesure conjuguée au recul de l’âge d’entrée sur le marché du travail et l’augmentation du nombre de carrières incomplètes, pousserait de plus en plus de futur·es retraité·es à travailler au-delà de 65 ans pour ne pas voir leur pension diminuer en raison de la décote. De plus, avec un peu moins de la moitié des plus de 60 ans écartée du marché du travail avant la retraite, repousser l’âge de départ, c’est augmenter le nombre de senior·es en invalidité, en longue maladie, au chômage… donc les plonger encore un peu plus dans la précarité.

 

Alors quelles sont les véritables motivations de Macron ?

Ce n’est donc pas du côté de la solidité financière du système qu’il faut chercher les véritables motivations de la réforme; il s’agit en réalité d’utiliser les fonds dédiés à la retraite pour de nouvelles baisses d’impôts pour les entreprises!

En effet, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) va être supprimée, pour un coût de 8 milliards d’euros. Cette suppression profitera d’abord aux grands groupes. Rappelons que les aides publiques aux entreprises représentent treize fois le déficit annoncé des retraites !

Prenons Bruno Le Maire au mot : même si l’urgence de trouver 17,7 milliards d’euros était avérée, il existe de multiples moyens de les trouver sans avoir à s’en prendre à notre système de retraites. Ce même Bruno Le Maire a clairement dit vouloir revenir au respect du Pacte de stabilité européen, qui limite ce qui est considéré comme des déficits publics et ainsi qui impose de faire baisser encore plus rapidement la part du PIB consacrée aux retraites.

C’est aussi un moyen de créer un « marché » plus grand encore pour la capitalisation et servir les intérêts des grands groupes d’assurance privée.

 

Fixé aujourd’hui à 62 ans, l’âge légal de départ à la retraite en France est certes l’un des plus bas en Europe. Mais il existe de fortes variations d’un pays à l’autre, selon le genre, mais aussi en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, ou des salaires pris en compte pour le calcul. L’âge légal n’a pas la même valeur d’un pays à l’autre.

De plus, repousser l’âge légal de départ à la retraite ne protège pas de la précarité – au contraire. La pauvreté menace en moyenne 16 % des retraité·es européen·nes selon Eurostat contre un peu moins de 10 % en France. En Allemagne, où l’âge légal de départ en retraite est fixé à 67 ans, environ 20 % des retraité·es sont menacé·es par la précarité.

 

Retarder l’âge de départ à la retraite n’est pas bénéfique pour l’emploi des senior·es

Le gouvernement martèle que sa réforme des retraites sera bénéfique pour l’emploi des senior·es, qu’elles et ils sont une richesse pour l’entreprise du fait de leur qualification et leur expérience. Pour autant, décaler de deux ans l’âge légal de départ à la retraite ne veut pas dire que tou·tes les travailleur·ses senior·e·es travail- leront deux ans de plus ! C’est ce qu’on appelle le sas de précarité, dans lequel figurent les senior·es qui ne sont pas encore à la retraite, mais pas non plus en emploi.

À ce titre, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) rendu en décembre dernier à la Première Ministre Borne, notait que la précédente réforme (2010, décalant l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans) avait eu pour effets des périodes de chômage importantes pour les travailleur·ses : « Les deux années supplémentaires nécessaires pour atteindre l’AOD [âge d’ouverture des droits] s’étant ainsi caractérisées, de manière significative, par des périodes de chômage supplémentaires. »

En effet, à 60 ans, un·e actif·ve sur deux seulement est encore en activité, que ce soit à temps partiel ou à temps complet ! L’augmentation du nombre d’annuités à valider, en lien avec le report de l’âge de départ à la retraite, entraînera donc un allongement du sas de précarité et une baisse massive du nombre de travailleur·ses en capacité d’atteindre une carrière complète (avec des répercussions sur le niveau des pensions).

En d’autres termes, cette réforme vise à mettre en emploi les travailleur·ses senior·es coûte que coûte, alors même qu’elles et ils ne le peuvent pas, soit pour des raisons de santé, soit parce qu’il n’y a pas d’emploi compte-tenu des stratégies des entreprises. Cette réforme fait ainsi système avec celles de l’assurance chômage et du RSA de mise au travail forcée des travailleur·ses avec la réduction à un strict minimum de leurs droits de protection sociale.

 

Index senior : une vieille idée toujours inutile ?

Le gouvernement appelle à la création d’un index senior afin d’encourager les bonnes pratiques des entreprises envers leurs salarié·es les plus âgé·es. Il sera obligatoire dès 2023 dans les entreprises de plus de 1000 salarié·es et en 2024 pour celles de plus de 300 salarié·es.

Il s’agit d’une mesure plus que faible pour favoriser l’emploi des senior·es. Pour preuve, le gouvernement use déjà d’un index pour une autre problématique majeure du monde du travail : l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, malgré l’index de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, les femmes gagnent toujours en moyenne 15,8% de moins que les hommes.

 

Quels sont les effets des réformes antérieures sur l’âge moyen de départ, sur le niveau des pensions ?

La précédente réforme de 2010 a déjà des effets qui ont été mesurés sur la précarisation des senior·es. Deux économistes de l’Insee (Dubois et Koubi) ont simulé les écarts de probabilité d’être dans un statut professionnel ou dans un autre à partir de 60 ans selon deux scénarios : celui de la réforme des retraites de 2010 et celui de l’absence de cette réforme. La comparaison des deux scénarios est éloquente :

• à 60 ans pour les hommes, la probabilité d’être à la retraite diminue de 27 points avec ré- forme (elle passe de 57 % à 30 %). Ces 27 points se décomposent de la manière suivante : + 14 points d’emploi à temps plein, + 3 points d’emploi à temps partiel, + 7 points de chômage et + 3 points d’inactivité subie;

• à 60 ans pour les femmes, la probabilité d’être à la retraite baisse de 22 points avec réforme (elle passe de 40 % à 18 %). Ces 22 points se décomposent de la manière suivante : + 9 points d’emploi à temps plein, + 7 points d’emploi à temps partiel et + 6 points de chômage. Pour les femmes, la probabilité d’être inactive reste inchangée ;

• à partir de 60 ans et quel que soit le genre, la probabilité d’être précaire a augmenté de 13 points à cause de la réforme des retraites de 2010;

• notamment de ce fait, la part des senior·es dans le total des chômeur·ses a augmenté de 15 points, passant de 10 % au début des années 2000 à environ 25 % aujourd’hui (source : Insee). De plus, les senior·es au chômage sont nettement plus des chômeur·ses de longue durée relativement aux autres classes d’âge.

 

Quel impact aurait un recul de l’âge de départ à la retraite à 65 ans en matière de prévoyance sur les contrats des mutuelles ?

Des projections montrent que la réforme prévue augmenterait l’indicateur de risque de décès avant la retraite en moyenne, de 5,1 % à 6,5 %, soit environ 9 000 personnes supplémentaires chaque année qui mourront avant la fin de leur carrière professionnelle.

Les risques des retraites courtes (dix ans ou moins) augmentent également, passant de 17 % sous la législation actuelle à 21 % avec la réforme.

Cela avait coûté 4 milliards en 2010 avec la mesure de maintien à 62 ans ils évitent cette facture qui aurait été répercutée sur les contrats, soit par baisse des garanties, soit par hausse des cotisations (en 2010, l’Agirc-Arrco avait mis la main à la poche pour les institutions de prévoyance en son sein).

En revanche, tous les organismes qui font de la retraite supplémentaires (Perco, etc.) se sont frottés les mains en 2010 et continuent de le faire.

Il y aurait plusieurs conséquences sur les arrêts de travail, l’invalidité ou encore le capital décès. Si l’on regarde les arrêts de travail et en faisant l’hypothèse que l’âge légal passe de 62 à 64 ans, on estime le coût supplémentaire à 20% sur les cotisations prévoyance arrêt de travail.

Il faut ajouter le coût de la portabilité (dispositif qui prévoit le maintien gratuit pendant douze mois au maximum d’une couverture santé et prévoyance pour les salariés dont la rupture du contrat de travail ouvre droit à l’indemnisation chômage), qui s’est très peu matérialisé en 2020 du fait du soutien public (activité partielle et PGE), mais qui devrait être plus important en 2021 et 2022 en raison de la remontée attendue des défaillances d’entreprises et du chômage.

Sur les 10 milliards d’euros supplémentaires qui risquent d’être engendrés par la réforme des retraites, 8 milliards relèvent directement des conséquences de la réforme sur les personnes en invalidité. Les 2 milliards restants représentent quant à eux l’augmentation de cotisations supplémentaires sur les actifs actuels. Il s’agit là d’estimations réalisées.1

Autre paramètre à prendre en compte : l’accidentologie au travail. Plus on avance dans l’âge, plus les risques d’accidents au travail augmentent.

 

Pourquoi veulent-ils supprimer la plupart des régimes spéciaux ? Que pensez-vous de la « clause du grand-père » ?

Cette réforme annoncée par le gouvernement poursuit la casse des régimes dits spéciaux de retraite en reproduisant pour la RATP, les clercs et employé·es de notaires, les personnels de la Banque de France ainsi que les membres du Conseil économique social et environnemental, et les Industries électriques et gazières (IEG) ce qu’il avait déjà fait pour la SNCF en 2019.

Ainsi, à partir du 1er septembre 2023, les nouveaux et nouvelles embauché·es dans ces entreprises et secteurs seraient obligatoirement affilié·es au régime général pour leur retraite de base et complémentaire. Cette annonce fait système avec la casse des statuts et la privatisation des entreprises autrefois publiques. Elle va complètement à rebours de la reconnaissance de la pénibilité dans ces secteurs et remet en cause l’attractivité des métiers, aujourd’hui particulièrement défaillante. Le gouvernement justifie cette suppression au nom d’une organisation du travail révolue dans ces entreprises et au nom de la suppression des inégalités de traitement avec les salarié·es du privé. Aujourd’hui par exemple, la SNCF peine à recruter, notamment du fait de la suppression du statut pour les nouveaux et nouvelles embau- ché·es.

Les régimes spéciaux représentaient 21 milliards d’euros en 2021, soit à peine 5 % du total du système de retraites, et leur poids se réduit d’année en année. Leurs pseudo-déficits sont essentiellement dus au fait que les entreprises concernées ont supprimé des dizaines de milliers de postes et les nouveaux et nouvelles embauché·es ne sont pas toutes et tous concerné·es par la surcotisation qu’impliquait le régime spécial.

Les économies que représenteraient la fin des régime spéciaux se matérialiseront d’ici plusieurs dizaines d’années et représentent des bouts de chandelles par rapport à l’ensemble du système de retraites.

La CGT rappelle que les régimes dits spéciaux de retraite sont des régimes pionniers en matière de droit à la retraite et qu’ils sont justes et adaptés à l’organisation du travail dans ces secteurs. Ils doivent pouvoir servir de modèle pour créer des droits collectifs de départ anticipés à tous les métiers pénibles du secteur privé.

 

La reforme 2023 est-elle encore plus dure que la précédente ?

Elle est assez semblable mais sous une apparence de n’être que paramétrique elle est une réforme systémique qui affaiblit le régime par répartition et solidaire.

Prenons l’exemple de l’attaque contre la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT- MP)

Le gouvernement envisage une contribution des employeurs à travers une hausse de la part dite patronale des cotisations en matière de retraite. Mais il ne s’agit que d’un tour de passe-passe comptable puisqu’il va en même temps baisser les cotisations « patronales » en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle. Le dogme de non-augmentation du «coût du travail» et des impôts pour les entreprises reste intact – et ce alors même que les profits sont records. En effet, la branche AT/MP est excédentaire. Un excédent qui pourrait atteindre 2,2 milliards d’euros pour 2023 selon les prévisions, qui vont s’ajouter aux 6 milliards d’euros actuels. La raison de cet excédent est simple : les accidents du travail et les maladies professionnelles en France sont insuffisamment déclaré·es et mal réparé·es. Une sous-déclaration en lien direct avec la dissimulation des accidents du travail et la pression patronale sur les travailleur·ses. Il ne s’agit donc pas d’une manne financière utilisable pour les retraites mais bien de comptes faussés par les pratiques des entreprises. L’excédent actuel de la branche AT-MP couvrirait potentiellement à peine la sous-déclaration, qui était estimée à 2,1 milliards d’euros en 2021 et qui ne cesse de croitre.

Il s’agira aussi par ce principe de limiter les moyens de la branche AT- MP. En effet, nous y voyons à terme une diminution des budgets liés à la réparation des préjudices subis par les travailleur·ses victimes du travail et des budgets dédiés à la prévention (moyens humains et matériel pour les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), caisses régionales d’assurance maladie (Cram), caisses générales de Sécurité sociale (CGSS) et pour l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

 

Une réforme bénéfique aux femmes ?

Aujourd’hui, la pension moyenne perçue par les femmes est inférieure de près de 40 % à celle des hommes. Même en prenant en compte les pensions de réversion et de la majoration pour enfants, la retraite moyenne des femmes reste inférieure de 25,2 % à celle des hommes. Pour cause : à chaque fois que l’on repousse la durée de cotisation requise, on la rend toujours moins atteignable pour les femmes, notamment par l’absence de politiques ambitieuses d’égalités femmes-hommes et des temps partiels subis notamment (d’après l’Insee, en 2020, 26 % des femmes salariées à temps partiel le sont pour s’occuper de leurs enfants ou d’une personne dépendante). Allonger encore la durée de cotisation creuserait donc encore le fossé des inégalités entre les femmes et les hommes.

 

Les travailleur·ses handicapé·es sont-elles et ils les grand·es oublié·es, grandes victimes de la réforme ?

Les personnes en situation de handicap passent en moyenne 8,5 années sans emploi après 50 ans (contre 1,8 ans pour l’ensemble de la population). Une situation qui pousse les travailleur·ses handicapés à retarder au maximum le départ à la retraite pour valider le plus de trimestres possibles. Elles et ils liquident leur retraite à 62,4 ans en moyenne, 0,3 ans de plus que l’en- semble de la population. Par ces 8,5 années en moyenne, les travailleur·ses handicapé·es subissent de plein fouet le système de décote et donc la baisse des pensions.

De fait, reporter l’âge de départ à la retraite ne permettra pas une meilleure embauche des travailleur·ses handicapé·es mais reportera plutôt la période de précarisation et d’instabilité qui caractérise la pré-retraite. À 61 ans, c’est-à-dire juste avant l’âge légal minimal de départ à la retraite actuellement, 16 % des travailleur·ses handicapé·es sont en emploi en 2020, contre 53 % pour les travailleur·ses en général. Même si les conditions pour partir en retraite anticipé·e pour handicap peuvent s’assouplir, avec l’annonce de la seule condition d’avoir cotisé un nombre minimal de 132 trimestres, et non plus 132 trimestres dont 112 effectivement cotisés comme actuellement, il ne faut pas oublier que le handicap doit être justifié pour toute la durée d’assurance. Aujourd’hui, seuls 15 % des handicaps sont de naissance ou surviennent pendant l’enfance. A contrario, 17% des situations de handicap ont pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle.

La reconnaissance administrative du handicap arrive bien souvent trop tard dans la carrière des travailleur·ses, limitant leur accès au dispositif de retraite anticipé.

 

Quelles sont les propositions de la CGT ?

• Assurer un départ à la retraite dès 60 ans à taux plein.

• Permettre un départ anticipé à 55 ans ou un trimestre de départ anticipé par années d’exposition pour les salarié·es exposé·es à des facteurs de pénibilité.

• Revenir aux dix meilleures an- nées dans le privé et maintien des six derniers mois RS et RFP.

• Assurer un niveau de pension (taux de remplacement) d’au moins 75 % du revenu d’activité pour une carrière complète.

• Élever le minimum de pension au niveau du Smic (CGT) pour une carrière complète.

• Indexer les pensions sur l’évolution des salaires avec rétablissement de l’échelle mobile des salaires.

• Prendre en compte les années d’étude au travers d’une validation des périodes de première recherche d’emploi dès l’inscription à pôle emploi

• Une politique volontariste d’égalité salariale femmes-hommes, améliorant la retraite des femmes et abondant les ressources des régimes.

 

Une fois cette réforme régressive retirée par le gouvernement, êtes-vous pour le statu quo ? D’autres choix sont-ils possibles ?
Quelle autre reforme pouvons-nous proposer et avec quel financement ?

À chaque réforme des retraites, les conditions de discussions sont les mêmes. Toutes les solutions sont entendables à condition de « ne pas augmenter le coût du travail ». Impossible donc d’augmenter les cotisations pour les employeurs alors que cela devrait être la solution naturelle en cas de déficit du système. Ainsi le gouvernement parle des hausses de cotisations uniquement en disant qu’elles coûtent aux salarié·es car elles réduisent le salaire net.

Pourquoi ne jamais évoquer les cotisations sociales? Bruno Le Maire prend l’exemple d’un·e salarié·e pour qui un point de cotisation coûterait 440 € nets par an. Cela est vrai si cet·te dernier·e gagne 3700 € bruts par mois, soit 2,2 fois le Smic – ce qui est loin du salaire de nombreux·ses salarié·es. Pour un·e salarié·e au Smic, 1 point de cotisation représente 17 € par mois, soit moins de 200 € par an. Augmenter les cotisations c’est augmenter la part du salaire socialisé donc la part de la solidarité intergénérationnelle.

Il est possible de trouver des recettes nouvelles.
Si celle du gouvernement n’est pas la bonne, une réforme des retraites dans le cadre du système par répartition et solidaire, est nécessaire, qui garantisse notamment de meilleures pensions, avec un minimum de 2 000 € bruts pour tout le monde, un retour à 60 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein et à 55 ans pour toutes celles et tous ceux exerçant un métier pénible, la prise en compte dans la carrière, des années d’études. Elle nécessite un financement de 120 milliards d’euros d’ici 2070. Ces recettes supplémentaires peuvent, sans difficulté, être dégagées par la création des très nombreux emplois nécessaires notamment dans les services publics, par l’augmentation des salaires et l’instauration de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elles peuvent aussi provenir, pour une part, des 159 milliards d’euros que représentent les exonérations sociales sur les bas salaires, des 70 à 90 milliards d’euros que coûte le CICE et d’une chasse efficace à la fraude fiscale pratiquée par les employeurs à hauteur de 100 milliards d’euros, au bas mot, chaque année.

 

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