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Alors que le pays souffre d’une crise sociale et Ă©conomique consĂ©cutive Ă ses dĂ©cisions politiques, le gouvernement s’emploie dĂ©jĂ – faute d’un bilan enviable – Ă faire campagne pour 2022 en se cherchant un nouvel ennemi intĂ©rieur.
Il s’agit ainsi de prĂ©parer le terrain d’un seul duel Macron-Le Pen et positionner le futur candidat Macron en rempart contre deux ennemis : l’extrĂŞme droite et « l’islamo-gauchisme ». On en a encore eu l’Ă©cĹ“urante dĂ©monstration ces derniers jours avec un ministre de l’IntĂ©rieur qualifiant la fille Le Pen de « molle », puis avec la traque lancĂ©e à « l’islamo-gauchisme » par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale et sa collègue de l’Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche. FrĂ©dĂ©rique Vidal s’est illustrĂ©e par des propos stigmatisant la communautĂ© universitaire en reprenant Ă son compte les thèses de la droite et de l’extrĂŞme droite, sur une prĂ©tendue emprise de « l’islamo-gauchisme » Ă l’universitĂ©. « Ce qu’on observe Ă l’universitĂ©, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idĂ©es radicales ou des idĂ©es militantes de « l’islamo-gauchisme » en regardant toujours tout par le prisme de leur volontĂ© de diviser, de fracturer, de dĂ©signer l’ennemi ». Citant en exemple les Ă©tudes menĂ©es sur le post-colonialisme, la ministre rĂ©clame « au CNRS de faire une enquĂŞte sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’universitĂ© de manière Ă ce qu’on puisse distinguer de ce qui relève de la recherche acadĂ©mique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion. »
La rĂ©action de la communautĂ© universitaire et scientifique notamment, est Ă la hauteur de la provocation. Plus de 600 membres du personnel de l’enseignement supĂ©rieur et de la recherche, ont ainsi dĂ©noncĂ©, dans une tribune au « Monde », la « chasse aux sorcières » menĂ©e selon eux par leur ministre de tutelle. Pour les signataires de cette tribune, « l’intention est dĂ©vastatrice : il s’agit de Âdiffamer une profession et, au-delĂ , toute une communautĂ©. (…) L’attaque ne se limite d’ailleurs pas Ă disqualifier, puisqu’elle fait planer la menace d’une rĂ©pression intellectuelle ».
La rĂ©action de la direction du CNRS Ă cette instrumentalisation de basse politique n’a hĂ©las pas Ă©tĂ© tout Ă fait Ă la hauteur. Elle s’est en effet livrĂ©e Ă un grand Ă©cart dĂ©fĂ©rent vis-Ă -vis des injonctions ministĂ©rielles. Tout en estimant que « l’islamo-gauchisme » « ne correspond Ă aucune rĂ©alitĂ© scientifique », il « condamne avec fermetĂ© celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la libertĂ© acadĂ©mique, indispensable Ă la dĂ©marche scientifique et Ă l’avancĂ©e des connaissances, ou stigmatiser certaines communautĂ©s scientifiques. Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de dĂ©lĂ©gitimation de diffĂ©rents champs de la recherche, comme les Ă©tudes postcoloniales, les Ă©tudes intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance ». Mais il conclut que le CNRS « pourra participer Ă la production de l’étude souhaitĂ©e par la ministre de l’Enseignement supĂ©rieur, de la Recherche et de l’Innovation visant Ă apporter un Ă©clairage scientifique sur les champs de recherche concernĂ©s ». Cette molle rĂ©action susceptible d’ouvrir la voie Ă une chasse aux sorcières est inacceptable et le Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique CGT a aussitĂ´t demandĂ© au P.-DG du CNRS  « de ne pas impliquer les agents du CNRS dans cette requĂŞte mortifère Ă©manant d’une ministre qui a perdu, depuis longtemps dĂ©jĂ , toute crĂ©dibilitĂ© auprès de la communautĂ© scientifique.
S’il voulait saturer les mĂ©dias avec un sujet de diversion, le gouvernement ne pouvait s’y prendre mieux. Car cette tempĂŞte dĂ©clenchĂ©e par Jean-Michel Blanquer et FrĂ©dĂ©rique Vidal a aussi pour objectif de masquer un bilan calamiteux de l’action gouvernementale face Ă la dĂ©tresse Ă©tudiante et de faire Ă©cran Ă la mise en place de la Loi de programmation de la recherche (LPR), votĂ©e Ă la faveur de la pandĂ©mie malgrĂ© l’opposition de la majoritĂ© des personnels.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
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