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Le télétravail est à la mode. Selon une étude OpinionWay / Brother réalisée en février 2014, 68 % des entreprises s’intéressent à ce sujet. Il faut dire que ce mode de travail présente un double objectif pour les organisations : il peut diminuer les coûts de fonctionnement tout en apportant aux salariés un meilleur confort de travail. Du moins sur le papier.
En janvier, l’institut IDC et Bouygues Telecom se sont penchés sur le sujet à travers un livre blanc « Télétravail et mobilité ». En 2013, le télétravail représentait 23 % du temps de travail, contre 20 % en 2012. Au total, 74 % des salariés sont concernés par le télétravail. 53 % des salariés en télétravail affirment travailler à domicile en journée mais 59 % avouent télétravailler à domicile en dehors des heures de travail. Et 42 % déclarent faire du télétravail lors des transports entre le domicile et le lieu de travail.
Un encadrement qui fait encore défaut
« La vraie question, c’est comment encadrer le télétravail. Souvent, il est présenté comme un avantage pour les salariés, qui évitent ainsi les pertes de temps des transports. Mais dans les faits, c’est surtout un avantage pour les entreprises car les salariés sont plus productifs. Pour encadrer cette pratique, nous sommes favorables d’abord à une négociation par branche, puis dans les entreprises. Il faut des contrats qui éclaircissent les pratiques », explique Jean-Luc Molins, secrétaire national de l’UGICT-CGT.
En effet, selon l’étude IDC, en 2013, 36 % des salariés qui pratiquent du télétravail affirment le faire sans encadrement spécifique, et 32% y recourent par simple accord de leur manager. Seuls 15 % disposent d’un accord d’entreprise ou de branche, et 17 % ont un encadrement par le contrat de travail. Pourtant, tout est prévu pour bien encadrer le travail à distance, d’abord avec l’Accord National Interprofessionnel sur le télétravail de 2005 puis avec l’adoption d’une loi en 2012, qui impose notamment une contractualisation du télétravail.
Des risques identifiés
L’un des principaux risques du télétravail est lié aux horaires. Alors que cette pratique est de plus en plus citée comme un outil de le RSE permettant de meilleures conditions de travail, elle peut également conduire à des situations négatives pour l’entreprise et pour le salarié. Les risques psychosociaux sont particulièrement mis en avant, car le télétravail peut entraîner un isolement social ou professionnel, un contrôle à distance abusif, ou une tendance à l’« hyperconnexion » des employés. L’UGICT-CGT s’est récemment emparé de cette question, en lançant un appel « Halte au harcèlement numérique, pour le droit à la déconnexion ».
Le syndicat appelle notamment les entreprises à fermer les serveurs en dehors des horaires collectifs de travail ainsi qu’à suivre les charges et temps de travail réels des collaborateurs en télétravail. En Allemagne, le syndicat IG Metall a demandé au gouvernement de légiférer sur l’utilisation de la messagerie professionnelle en dehors des heures de travail. Outre-Rhin, les entreprises prennent des mesures : Volkswagen a limité l’usage des messageries en dehors des heures de travail tandis que BMW va déterminer des heures d’accessibilité en dehors desquelles les salariés ne seront pas tenus de répondre aux sollicitations…
Les entreprises telecom à l’avant-garde
Ce n’est sans doute pas un hasard si le seul secteur à s’être doté d’un accord de branche est celui des telecoms. Après avoir mené un test d’un an, Bouygues Telecom s’apprête ainsi à déployer le télétravail pour 700 salariés (sur 4 500 personnes éligibles). « La mise en œuvre est ouverte pour tous les postes qui sont éligibles techniquement, et dont les managers sont d’accord. Pour optimiser la réussite, il est important que chaque partie soit convaincue », indique Jérôme Freri, responsable RH de Bouygues Telecom. La période pilote a permis de mieux encadrer le dispositif : un télétravail limité à 1 ou 2 jours fixes par semaine, un suivi précis de la charge de travail, une incitation au respect des temps de repos, et un droit de connexion au réseau en dehors des plages de travail…
Pour justifier ce dernier point, le DRH explique : « Si le salarié veut commencer son travail à 7h30 puis arrêter pour amener ses enfants à l’école à 9h, il peut le faire ». Quoi qu’il en soit, cette autonomie semble gagnante pour l’entreprise, puisque, selon Jérôme Freri, « le projet pilote a démontré que, quand les salariés sont 1 à 2 jours en télétravail, leur productivité augmente ».
Alstom a fixé ses règles en 2010
En France, plusieurs grandes entreprises ont organisé la pratique du télétravail. C’est le cas d’Alstom Transport, qui a intégré cette question dans le cadre d’un accord sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée conclu en 2010. Après avoir l’avoir testé pendant un an auprès d’un groupe pilote, l’entreprise a étendu le dispositif en prenant soin de préciser toutes les règles, comme par exemple un maximum de 2 jours de télétravail par semaine ou la mise en place d’une période d’adaptation d’un mois. « Nous n’avons pas de politique volontariste sur le télétravail, il s’agit surtout d’une réponse à une demande. Aujourd’hui, nos salariés qui en bénéficient sont plutôt en région parisienne, en raison des temps de transport. Le télétravail répond souvent à des besoins ponctuels, comme un enfant malade ou un parent dépendant », explique Nicolas Jacqmin, DRH France d’Alstom. Après plusieurs années de pratique, il constate cependant que « la demande n’est pas si élevée, et certains salariés font même machine arrière en raison de l’isolement que cela crée. » Si la direction des ressources humaines du groupe laisse le soin à ses filiales d’encadrer comme elles le souhaitent cette pratique, elle recommande néanmoins de limiter le télétravail à un jour fixe par semaine, de manière à limiter les risques liés à l’isolement, mais aussi pour faciliter le management des équipes.
Céline Oziel
© 2014 Novethic
Article publié le 4 mars 14 sur le site Novethic, le media expert de l’économie responsable