Lettre aux syndiqué-e-s

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Lettre aux syndiqué-e-s
« C’est comme vous, avec horreur, tristesse et consternation que nous avons vécu les meurtres odieux de la semaine dernière. Déjà difficiles à trouver pour dire notre émotion, les mots ont encore plus de mal à venir lorsqu’il s’agit d’ouvrir la réflexion sur les causes et les conséquences de cette folie meurtrière.
Il est pourtant de notre responsabilité de syndicalistes de mener un débat approfondi sur les causes et sur les mesures à prendre pour que cela ne se reproduise plus jamais. C’est la raison pour laquelle nous vous adressons ces quelques lignes, pour aider à l’ouverture de réflexions avec les syndiqués mais aussi avec les salariés… »

Lettre Marie-José Kotlicki (Secrétaire Générale) et Sophie Binet (Secrétaire Générale Adjointe) à l’attention de affilié-e-s de l’Ugict CGT.

C’est comme vous, avec horreur, tristesse et consternation que nous avons vécu les meurtres odieux de la semaine dernière.

Déjà difficiles à trouver pour dire notre émotion, les mots ont encore plus de mal à venir lorsqu’il s’agit d’ouvrir la réflexion sur les causes et les conséquences de cette folie meurtrière.

Il est pourtant de notre responsabilité de syndicalistes de mener un débat approfondi sur les causes et sur les mesures à prendre pour que cela ne se reproduise plus jamais. C’est la raison pour laquelle nous vous adressons ces quelques lignes, pour aider à l’ouverture de réflexions avec les syndiqués mais aussi avec les salariés.

Charlie est le journal qui, quelle que soit notre génération, a accompagné notre parcours militant. Il nous a fait souvent rire, parfois énervé, fait réagir et réfléchir. Il est pour nous une référence sur les valeurs que notre organisation essaie de faire vivre : liberté de ton et de pensée, détermination dans la dénonciation des injustices, caricature comme moyen d’interpellation et d’éveil de l’esprit critique.

Ces terroristes se sont attaqués au fondement des valeurs de la République française. La liberté de la presse et d’expression, l’ordre Républicain, incarné par la police, et la diversité d’origines et de cultes. Juives, musulmanes, chrétiennes ou athées, les victimes étaient à l’image de la France.

Ce qui s’est produit démontre que la liberté d’expression, la laïcité et la démocratie ne sont pas des acquis, mais sont fragiles et peuvent à tout moment être remises en cause si nous arrêtons de les défendre et de les faire vivre.

Deux cents ans après la révolution française, il nous faut redonner sens à l’idéal républicain. Rouvrir des perspectives pour la jeunesse et démontrer qu’à 50 ans, réussir sa vie ce n’est pas avoir une Rolex mais avoir mené des combats justes et donné sens à sa vie. Si nous sommes tous Charlie, alors Indignons-nous !

 

Ils ont voulu nous mettre à genoux, nous nous sommes levés par millions

La grande marche de ce dimanche nous a permis de relever la tête. De dire tous ensemble que la réponse au terrorisme devait être plus de liberté et de solidarité. De dire que nous refusions de céder à la peur ou au repli sur soi. Que nous refusions le piège tendu par ces terroristes. Que nous refusions la division, les amalgames et la hiérarchisation des morts. D’exprimer que le ciment du vivre ensemble se trouvait dans le respect de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Ce rassemblement fera date, dans l’Histoire et dans les mémoires.

Ils ont pris leurs vies, ils ne récupèreront pas leur combat.

Le 11 janvier, nous nous sommes retrouvés autour de ce qui doit primer et que nous avons trop délaissé. Il n’est plus possible de subordonner tous les choix à la question économique et à l’enjeu de création de richesse, aux soi-disants rationnels du marché et aux desiderata des puissants. Il n’est plus possible d’accepter que faute de moyens, notre école ou notre système de soin ne traitent pas tous les citoyens à égalité, que des territoires entiers soient abandonnés, que les éducateurs et les travailleurs sociaux soient laissés sans moyen d’accomplir leurs missions. A quoi servent les richesses que nous créons si elles ne permettent pas d’élever le niveau de connaissance et de culture, de faire progresser la fraternité et le vivre ensemble ?

Mais nous devons donner aussi un nouveau sens à la citoyenneté, et ce d’autant plus que la globalisation des échanges appelle l’émergence d’une notion réelle de citoyenneté mondiale et de solidarité transnationale. Le 11 janvier, Charlie a permis de réaliser un premier miracle : près de 50 chefs d’Etats dont des dictateurs patentés, ont été contraints de venir dire leur attachement aux valeurs de la révolution française et de défiler pour la liberté et la démocratie ! Maintenant que Victor Orban, Ali Bongo, Serguei Lavrov et tous leurs amis ont dit « Je suis Charlie », il va falloir qu’ils s’expliquent sur leur refus des libertés dans leur pays ! Plus que jamais, la CGT et son UGICT portent des orientations internationalistes : Il faut nous engager en nous appuyant sur les organisations syndicales internationales une grande campagne en faveur des libertés, notamment syndicales.

Si le 11 janvier fera date, c’est qu’il est un anti 11 septembre. Après l’attaque des Twin Towers, Georges W Bush a fait triompher la peur, il a adopté le « Patriot Act », lancé la guerre des civilisations et engagé son pays dans une intervention militaire au mépris du droit international et de l’ONU. L’internationalisation du terrorisme est la conséquence directe de ces choix, et démontre que seul le multilatéralisme et la diplomatie permettront de sortir de la crise.

L’élan de solidarité et de révolte de dimanche dernier a montré ce qu’était la réelle identité nationale de la France, bien loin des débats fascisants d’avant 2012. Mais la bataille ne fait que commencer, et le renforcement de la citoyenneté et des libertés ne sauraient céder à la tentation sécuritaire et aux sirènes guerrières qui se nourrissent du climat de peur et du désarroi d’une partie grandissante de la population.

Le 11 janvier nous donne de nouvelles responsabilités syndicales. Sur tous les lieux de travail, il est temps de mettre fin à l’autorité descendante qui étouffe les droits et réduit les contradictions au silence, de garantir le droit d’expression et les libertés syndicales. Ouvrons grands les portes et les fenêtres de notre CGT et de son UGICT, donnons la parole aux salariés sur leur travail pour leur permettre de se le réapproprier.

Nous, militantes et militants, devons ouvrir le débat sur les valeurs et les solidarités afin de ne laisser aucun espace aux discours de replis individuels, identitaires, communautaires ou catégoriels.

C’est la responsabilité de l’Ugict, nous mettrons tout en œuvre pour l’assumer pleinement.

 

Marie José KOTLICKI

Secrétaire générale de l’UGICT-CGT

Sophie BINET

Secrétaire générale adjointe de l’UGICT-CGT

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