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Le gouvernement veut limiter le nombre de jours de congés «stockés» et «en flux» dans la fonction publique d’État et territoriale. Les chefs de service pourront imposer 10 jours de Rtt ou de congés annuels.
Edoardo MARQUÈS
L’ordonnance n° 2020430 du 15 avril 2020 « relative à la prise de jours de réduction du temps de travail (Rtt) ou de congés dans la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire » impose des jours de congés et des jours de Rtt aux agents publics. Le gouvernement justifie ces mesures en indiquant qu’« une fois la crise passée, aux côtés des salariés du secteur privé placés comme eux en situation de confinement, les agents publics auront un rôle important à jouer pour relancer l’activité »1. Il s’agit également de limiter le nombre de jours de congés « stockés » et « en flux », puisque les autorisations spéciales d’absence (Asa) accordées aux agents publics, le télétravail et les congés de maladies sont considérés comme des périodes d’activité et génèrent donc des congés annuels.
Les agents impactés
Ces dispositions sont applicables d’office aux agents (fonctionnaires et contractuels) de la fonction publique d’État placés en autorisation spéciale d’absence (article 1er de l’ordonnance). Toutefois, l’article 6 de la même ordonnance précise qu’elles ne sont pas applicables « aux agents relevant des régimes d’obligations de service définis par les statuts particuliers de leurs corps ou dans un texte réglementaire relatif à un ou plusieurs corps ». Ainsi, les enseignants de l’Éducation nationale ne sont pas concernés par ce dispositif.
S’agissant des agents de la fonction publique territoriale, l’article 7 indique qu’elles « peuvent être appliquées aux agents publics 2 […] par décision de l’autorité territoriale dans les conditions définies par celle-ci ». Ainsi, le nombre de jours de congés imposés peut être modulé, dans la limite du plafond fixé. Toutefois, ces employeurs ne sont aucunement tenus de mettre en application ce dispositif. En revanche, ces dispositions ne sont pas applicables aux agents qui relèvent de la fonction publique hospitalière.
Ponction de 10 jours de Rtt et de congés annuels
Les agents publics concernés, placés en Asa entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire 3 ou, si elle est antérieure, la date de reprise par l’agent de son service dans des conditions normales, peuvent se voir imposer 10 jours de réduction du temps de travail (Rtt) ou de congés annuels au cours de cette période, dans les conditions suivantes :
1°) 5 jours de Rtt entre le 16 mars et le 16 avril 2020 ;
2°) et 5 autres jours de Rtt ou de congés annuels entre le 17 avril et le terme de la période d’état d’urgence sanitaire (article 1er).
Les agents qui ne disposent pas de 5 jours de Rtt peuvent se voir imposer au titre du 1°, selon leur nombre de jours de Rtt disponibles, un ou plusieurs jours de congés annuels entre le 17 avril et le terme de la période d’état d’urgence sanitaire, dans la limite totale de 6 jours de congés annuels, au titre du1°et du 2°.
Le chef de service doit préciser à chaque agent concerné les dates des jours de Rtt ou de congés annuels à prendre après le 17 avril en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc. Cette dis position ne s’applique évidemment pas aux jours ponctionnés au titre de la période comprise entre le 16 mars et le 16 avril. Le nombre de jours de congés imposés est proratisé pour les agents à temps partiel.
Le cas des agents en télétravail
Afin de tenir compte des nécessités de service, le chef de service peut imposer aux agents placés en télétravail ou assimilé, entre le 17 avril 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire (ou d’ici la date de reprise des agents, si elle est antérieure), de prendre 5 jours de Rtt ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période. Toujours avec un délai de prévenance d’au moins un jour franc.
Ponction possible sur le compte épargne temps des agents (Cet)
Les jours de Rtt pris au titre des articles 1er et 2 peuvent l’être parmi ceux épargnés sur le Cet (article 3). Par ailleurs, les jours de congés annuels imposés au titre de ces mêmes articles ne sont pas pris en compte pour l’attribution de 1 ou 2 jours de congés annuels complémentaires au titre du fractionnement des congés.
Prise en compte des congés posés par les agents
L’article 4 de l’ordonnance vise à tenir compte des agents publics qui ont été à la fois en Asa, en télétravail et en activité normale sur site. Dans cette hypothèse, le nombre de jours de Rtt et de jours de congés annuels imposés est proratisé en fonction du nombre de jours accomplis en Asa, en activité normale, en télétravail ou assimilé entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire.
En outre, le nombre de jours pris volontairement au titre de la Rtt ou des congés annuels par les agents publics doit être déduit du nombre de jours de Rtt ou de congés annuels à ponctionner.
Congés de maladie et jours ponctionnés
Le chef de service « peut réduire » le nombre de jours de Rtt ou de congés annuels imposés, dans les conditions ci dessus, pour tenir compte du nombre de jours pendant lesquels la personne a été placée en congés de maladie pendant la période de l’état d’urgence (article 5).
Exiger un dialogue social préalable
L’ordonnance du 15 avril 2020 n’envisage pas de consultation préalable des organisations syndicales ou des instances représentatives du personnel (comités techniques, notamment) avant la mise en place de ce dispositif.
Pour autant, par souci de transparence et d’information, il est nécessaire, compte tenu du caractère unilatéral des mesures prises en direction des agents, de consulter ces instances.
1. Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020, relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire.
2. Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
3. Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.