Décryptage : l’opinion et les attentes des techs et professions intermédiaires en 2018

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Temps de lecture : 9 minutes
Opinions et attentes des techs et professions intermédiaires est un baromètre annuel UGICT-CGT/SÉCAFI, réalisé par Viavoice. Les résultats de l’édition de mars 2018 révèlent l’urgence d’une reconnaissance sociale et professionnelle.

 

Méthodologie 

METHODO-01

À l’instabilité des organisations de travail et des situations individuelles, s’ajoute un contexte de charge de travail importante conjuguée à l’intrusion et l’usage actuel des outils numériques qui provoque une augmentation de l’intensité du travail et prolonge le lien de subordination hors travail en effaçant les frontières spatio-temporelles. 61 % des professions techniciennes et intermédiaires déclarent travailler plus de 40 heures par semaine, dont 23 % d’entre elles plus de 45 heures hebdomadaires.

64 % des professions intermédiaires souhaitent disposer d’un droit à la déconnexion effectif afin de préserver sa vie professionnelle et sa santé. Ces résultats traduisent une aspiration forte à pouvoir disposer d’un cadre de vie, dans et hors travail, plus équilibré.

Autres éléments marquants du baromètre, les pratiques managériales critiquées par 46 % des professions techniciennes et intermédiaires, le sentiment de ne pas pouvoir fournir un travail de qualité (43 %), et les conflits avec l’éthique professionnelle qui concernent 58 % des professions intermédiaires. 58 % souhaitent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités, afin de pouvoir refuser de mettre en oeuvre des directives contraires à leur éthique.

Les professions techniciennes et intermédiaires expriment un manque de reconnaissance criant au regard de leurs responsabilités professionnelles qui ont tendance à augmenter, à l’absence d’évolution professionnelle, et à la faiblesse de leur niveau de salaire.

Leur niveau d’implication dans le travail et la hausse de leur charge de travail en conduit 53 % à effectuer des heures supplémentaires. Cela ne se traduit pas pour autant par une meilleure reconnaissance des qualifications, ni par une revalorisation salariale.

 

 

 

Un manque de reconnaissance dans les professions techniciennes

Les professions techniciennes et intermédiaires souffrent d’un important manque de reconnaissance professionnelle.

Parmi les sondé·e·s, plus d’une personne sur deux ne s’estime pas reconnue dans son travail.

D’une manière générale, le sentiment « d’être reconnu·e dans son travail » reste très bas 34 %, après une chute de 10 points entre mars 2009 et avril 2014 (33 % vs 43 %). La situation est plus dégradée dans la Fonction publique (56,9 %) par rapport au secteur privé (49,4 %). Aujourd’hui, 52 % des sondé·e·s ne s’estiment pas reconnu·e·s dans leur travail.

Les sondé·e·s expriment une insatisfaction très forte sur plusieurs déterminants de leur vie au travail qui quantifient la reconnaissance professionnelle :

  • L’insatisfaction sur le niveau de rémunération est très largement majoritaire au regard du temps de travail réel (53,9 %), des responsabilités exercées (54,7 %), de la qualification détenue (55,4 %). Cette insatisfaction atteint des sommets par rapport à la charge de travail (64,4 %) et au degré d’implication (65,5 %).
  • L’accès à la formation professionnelle correspond aux besoins professionnels dans seulement 57 % des cas, et aux demandes exprimées dans seulement 46 % des cas.
  • La formation débouche sur une évolution de carrière dans seulement 15,5 % des cas. Pour 74 % des sondé.e.s il n’y a pas d’évolution professionnelle.

Le déficit de reconnaissance professionnelle par le niveau de rémunération est plus important dans la Fonction publique que dans le secteur privé.

L’écart atteint 15 points sur le critère « niveau de responsabilité » (31,4 % dans la Fonction publique vs 46,3 % dans le privé). Ainsi, 66,6 % des salarié-e-s de la Fonction publique considèrent que leur niveau de rémunération n’est pas en adéquation avec leur niveau de responsabilité. L’écart est aussi important pour chacun des autres critères :

  • niveau de qualification (33,8 % Fonction publique vs 45,7 % secteur privé)
  • temps de travail réel (33,7 % vs 48,4 %)
  • charge de travail (25,4 % vs 36,5 %)
  • implication (24,8 % vs 35,3 %)

illustration enquête techs et profession intermediaires

Lorsque la reconnaissance intervient elle se manifeste le plus souvent sous forme de reconnaissance sociale (64 %).

Viennent ensuite la reconnaissance par évolution professionnelle (32 %), puis par le salaire (28 %).

La reconnaissance sociale qui est la forme la plus utilisée, l’est surtout pour les femmes par rapport aux hommes (67,2 % vs 59,9 %).

 

 

Un temps de travail qui explose

Les professions techniciennes et intermédiaires déclarent travailler plus de 40 heures par semaine pour 61 % d’entre elles, et plus de 45 heures hebdomadaires pour 23 % d’entre elles.

Cette évolution va à l’encontre des aspirations exprimées par ces salarié·e·s à plus d’équilibre entre leur vie privée et professionnelle, et à une meilleure qualité de vie au travail.

Il est nécessaire de réinterroger les organisations du travail, le mode de management (délai de plus en plus court, objectifs de plus en plus déconnectés de la réalité…), la charge de travail et son évaluation, notamment au regard des moyens dont on dispose pour exercer son activité professionnelle.

 

Banalisation des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont banalisées au point d’être structurellement nécessaires pour assurer l’activité professionnelle normale, même en période de baisse d’activité économique.

Cette réalité est désormais partagée par 53 % des sondé·e·s. Les jeunes (< 30 ans) sont ceux qui sont le plus concernés

(60 %), ainsi que la tranche 30 – 39 ans (55,1 %).

Ces heures supplémentaires sont payées dans 24,7 % des cas et récupérées dans 36,3 % des cas. Pour 39 % des sondé·e·s, il n’y a ni paiement ni récupération de ces heures supplémentaires effectuées.

A noter les différences importantes entre les femmes et les hommes entre la préférence pour le paiement des heures supplémentaires (19,8 % vs 30,6 %) ou leur récupération (39,4 % vs 32,6 %), liée au fait que les femmes assurent toujours l’essentiel des tâches ménagères et que leur temps de travail est plus contraint.

 

Intensification et dégradation du travail

L’augmentation de la charge de travail et des heures supplémentaires dans un contexte d’accroissement des responsabilités caractérisent la vie au travail des sondé·e·s.

L’augmentation de la charge de travail est une réalité largement partagée dans les professions techniciennes et intermédiaires,

à hauteur de 58 %, quels que soient le secteur professionnel et la taille de l’entreprise. On note cependant une différence entre la Fonction publique et le secteur privé (59,3 % vs 56,6 %) qui traduit une augmentation de la charge de travail plus forte dans la Fonction publique. Seuls 5 % des sondé.e.s estiment que leur charge de travail a baissé, et 37 % qu’elle est restée stable.

 

 

L’urgence du droit à la déconnexion

Le cadre d’exercice professionnel est marqué par une charge de travail en forte croissance avec des heures supplémentaires structurelles pour assurer le fonctionnement des services. Dans ce contexte, l’usage actuel des TIC participe à l’intensification du travail. C’est ce que vivent les professions techniciennes et intermédiaires de manière très claire (56,6 %).

Cette réalité est sensiblement plus forte dans la Fonction publique par rapport au secteur privé (58,4 % vs 54,9 %).

 

Débordement de la vie professionnelle sur la vie privée

Sans surprise le débordement de la vie professionnelle sur la vie privée est une réalité pour 1 sondé·e sur 2 (46 % vs 45 %).

Dans le même temps, 1 sondé·e·s sur 2 (47 % vs 42 %) estime que l’usage des nouvelles technologies permet plus de facilité dans le travail.

Si les femmes et les hommes affichent sensiblement la même perception de débordement de la vie professionnelle sur la vie privée (45,5 % vs 45,3 %), elles considèrent davantage que l’usage des TIC facilite le travail (50,4 % vs 43,5 %).

 

Un lien de subordination étendu

Avec l’usage actuel des nouvelles technologies, les professions techniciennes et intermédiaires sont contraintes à une importante disponibilité et à une réactivité permanente afin de répondre aux multiples sollicitations liées aux difficultés

à pouvoir accomplie ses tâches dans un contexte d’intensification du travail, de dispersion et de fragmentation de l’activité. Cela montre que l’usage des TIC aurait tendance à pallier les déficits organisationnels.

 

64 % des professions techniciennes et intermédiaires souhaitent disposer d’un droit à la déconnexion effectif

Cette aspiration est aujourd’hui largement majoritaire quel que soit la taille de l’entreprise et le secteur d’activité.

Un an après l’entrée en vigueur de la loi qui a introduit cette obligation de négociation, force est de constater dans les faits l’insuffisance de cette loi qui autorise l’employeur à s’en sortir avec une charte unilatérale à défaut d’accord.

Après avoir été la première organisation syndicale à tirer la sonnette d’alarme sur le travail numérique en dehors du temps et du lieu de travail des salarié.e.s et après avoir été à l’origine du débat public en France, l’Ugict-CGT va poursuivre sa bataille pour la réduction du temps de travail et la conquête de nouveaux droits à l’heure de la transformation numérique avec sa campagne « Construire le numérique autrement ».
Voir le site : lenumeriqueautrement.fr/

 

 

L’éthique professionnelle est mise à mal

68 % des professions techniciennes et intermédiaires confrontées à des problèmes d’éthique professionnelle

En situation de travail, l’éthique professionnelle entre en contradiction avec les choix et pratiques réelles dans 68 % des cas : souvent (19 %), de temps en temps (49 %). Etre confronté à une telle situation est une source de mal être certain pour les salarié·e·s. Conjugué à l’exposition à d’autres facteurs défavorables à l’exercice normal de sa profession, comme la surcharge de travail, le manque de reconnaissance, ou de soutien cela peut conduire à la perte de repères et

à l’épuisement professionnel.

Ce résultat témoigne de l’attachement des professions techniciennes et intermédiaires à vouloir travailler en respectant les règles et l’éthique professionnelle, même dans un contexte défavorable.

 

Pour un droit d’alerte, de refus et d’alternative

58 % des professions techniciennes et intermédiaires souhaitent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités, afin de pouvoir refuser de mettre en oeuvre des directives contraires à leur éthique.

Cette aspiration est largement majoritaire dans la Fonction publique (72,2 %) et dans le secteur privé (66,7 %).

Des droits nouveaux permettant aux professions techniciennes et intermédiaires de pouvoir exercer un « droit d’alerte, de refus et de proposition alternative » permettrait de remédier à ces blocages et servir d’alerte pour les directions. Les professionnels ne seraient plus coincés dans un choix binaire, se soumettre ou se démettre, et pourraient exercer leur éthique dans le cadre de leur activité professionnelle.

Pour l’Ugict-CGT, il est urgent de donner un statut protecteur à tout salarié rapportant des faits contraire à l’éthique ou à la déontologie professionnelle. L’exemple significatif des lanceurs d’alertes montre jusqu’où peuvent aller les atteintes à l’intérêt général et la vulnérabilité de ses salariés qui s’exposent pour faire prévaloir l’éthique et l’intérêt général.

L’Ugict-CGT porte cette proposition dans le cadre de la négociation sur le statut de l’encadrement.
Voir le site : ugictcgt.fr/encadrement/

 

 

Management et mal travail

Un travail qui perd son sens

Dans ce contexte de travail instable et tendu, 43 % des sondé·e·s estiment ne pas pouvoir faire un travail de qualité. La Fonction publique est plus concernée que le secteur privé (50 % vs 40 %).

 

Des pratiques managériales qui se dégradent

La dégradation des conditions d’exercice professionnel s’accompagne de pratiques managériales qui sont contestées.

46 % des sondé·e·s estiment que les pratiques managériales se sont dégradées au cours de l’année, seulement 13 % voient une amélioration et 41 % pas de changement. Cette détérioration est plus sensible dans la Fonction publique par rapport au secteur privé (55,7 % vs 40,9 %).

L’évaluation individuelle est largement discréditée car jugée :

  • Pas fondée sur de bons critères par 67 % des sondé·e·s
  • Pas transparente par 61 % des sondé·e·s
  • Ne reconnaissant pas le travail par 69 % des sondé·e·s

C’est à l’approche de la 2ème partie de carrière (40 ans) que le ressentiment est le plus fort sur les critères de l’évaluation (supérieur à 70 %). Cela montre que le système de gestion des personnels de ces catégories peine à apporter des solutions pour valoriser l’expérience professionnelle et les qualifications acquises.

Le déficit de reconnaissance et le manque de perspective d’évolution professionnelle renforcement la vision critique de cette appréciation des professions techniciennes et intermédiaires sur les pratiques managériales en vigueur dans les entreprises publiques et privées.

 

 

Défendre ses droits

Compter d’abord sur soi-même

Majoritairement, à hauteur de 54 %, les professions techniciennes et intermédiaires sont d’abord sur une approche individuelle pour défendre leurs droits et leur emploi. Les syndicats arrivent en 2ème position (27 %), devant les avocats (9 %), la direction (7 %), les pouvoirs publics (2 %) et les partis politiques (1 %).

L’analyse par taille d’entreprise montre que le défaut d’implantation syndicale favorise l’approche individuelle. Ainsi, dans les petites entreprises de moins de 50 salarié·e·s, les professions techniciennes et intermédiaires déclarent d’abord compter sur eux-mêmes (65 %) et placent les syndicats et les avocats quasiment au même niveau (12 % vs 11 %) pour se défendre. Le déterminant de la présence syndicale se retrouve également en comparant les résultats entre la Fonction publique et le secteur privé, pour la confiance accordée aux syndicats pour défendre les droits et l’emploi. Dans la Fonction publique où les syndicats sont plus présents, les syndicats arrivent juste en tête (43 %) devant l’approche individuelle (41 %).

 

 

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