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Voilà des années que la droite et les néolibéraux s’échinent à donner des coups de canif dans la réduction du temps de travail sans oser frontalement jeter à la corbeille les 35 heures. Cet été à la faveur de la loi sur le pouvoir d’achat, le gouvernement et la droite ont enfoncé un sérieux coin qui va fragiliser encore ce progrès social qui n’est pourtant pas acquis pour tous les salarié.es en autorisant le rachat des journées de RTT jusqu’au 31 décembre 2025. L’ensemble des organisations syndicales ont dénoncé la manœuvre.
Voilà qui devrait rassurer ceux qui après les législatives geignaient sur un pays ingouvernable parce que le parti du président n’a pas la majorité absolue. Emmanuel Macron bénéficie encore d’une majorité d’idées dans les travées de l’Hémicycle. La monétisation des RTT et la défiscalisation des heures supplémentaires, ne figuraient-elles pas au programme présidentiel de Valérie Pécresse ? Ce sont de vieilles lunes dans le corpus idéologique de la droite. Ainsi, la sénatrice LR Christine Lavarde pouvait-elle lancer le 1er août : « On assume parfaitement de mettre un coin dans les 35 heures ».
Dans le contexte d’hyperinflation que nous connaissons, la loi va permettre aux salariés de renoncer à une partie ou à la totalité de leurs jours de RTT qui seront alors rémunérés avec « une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise », soit un taux minimum de 10 % du salaire. Concrètement, en acceptant ce deal, le gain pourrait atteindre 7 500 euros maximum par an. Quand les hausses de prix grèvent les budgets des ménages, quand les incidents de crédit se multiplient, que le surendettement gagne du terrain, que près de 50 % des crédits immobiliers sont refusés pour cause de rentrées salariales trop justes, il est probable que la mesure puisse séduire, avec le risque qu’elle serve d’argument supplémentaire au patronat pour refuser d’augmenter les salaires dans des négociations salariales de plus en plus tendues.
Mais à y regarder de plus près comme l’a fait la CGT de l’encadrement, l’Ugict-CGT, cette disposition est une « entourloupe » qui va en réalité faire baisser pour l’employeur le coût de ces heures de travail. Ainsi, que ces heures travaillées en plus représentent 7 heures ou 21 heures, la majoration sera la même. Alors que la loi prévoit que la majoration passe de 25 % à 50 % à partir de la 9e heure supplémentaire.
Par ailleurs, la loi prévoit actuellement qu’au-delà d’un certain contingent, les heures supplémentaires donnent droit à des repos supplémentaires. Mais le nouveau texte dispose que « Les heures correspondantes ne s’imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d’heures supplémentaires ». Elles seront donc purement et simplement invisibilisées et ne donneront pas lieu à la contrepartie obligatoire en repos.
« La logique de la mesure est bien de permettre au salarié de travailler plus et d’augmenter ainsi sa rémunération », a insisté le ministère du Travail. Mais elle risque dans le contexte économique actuel de permettre seulement d’atteindre un salaire décent ou de compenser les pertes. La droite a donc vu dans cette mesure un retour de la philosophie portée par Nicolas Sarkozy. Car comme l’ancien président l’avait fait pour les heures supplémentaires, E. Macron a fait en sorte que ce bonus soit aussi défiscalisé et exonéré de cotisations sociales. C’est encore et toujours la même logique qui est à l’œuvre qui assèche les recettes fiscales et sociales pour exonérer les entreprises du financement du bien commun.
La même logique qui ne concerne que ceux qui ont un emploi et qui laisse entière la question du chômage. Faire suer le burnous alors qu’il faudrait à l’inverse réduire la durée du travail pour travailler tous, travailler mieux. Une aspiration largement partagée dans l’encadrement comme en témoigne le baromètre de la CGT des ingénieurs, cadres et techniciens en 2021. Ainsi, 54 % des cadres déclaraient travailler pendant leurs jours de repos ; 38 % déclaraient travailler plus de 45 heures hebdomadaires ; 65 % aspiraient à un droit à la déconnexion effectif afin de préserver sa santé et son équilibre vie privée – vie professionnelle.