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La grande enquĂȘte sur le tĂ©lĂ©travail rĂ©alisĂ©e en avril 2020 par la CGT des ingĂ©nieurs cadres, techniciens et agents de maĂźtrise avait dĂ©jĂ fait grand bruit Ă sa publication et elle est restĂ©e une rĂ©fĂ©rence reconnue. Elle avait en effet rĂ©vĂ©lĂ© que ce mode d’organisation s’Ă©tait imposĂ© massivement et surtout en mode dĂ©gradĂ©, en particulier pour les femmes.
En publiant ce lundi 6 septembre une nouvelle enquĂȘte tout aussi vaste et reprĂ©sentative avec par exemple 10000 verbatims recueillis, l’Ugict-CGT confirme que le vĂ©cu des tĂ©lĂ©travailleuses et tĂ©lĂ©travailleurs est « hĂ©tĂ©rogĂšne » et que leurs aspirations sont « nuancĂ©es et variĂ©es » en dĂ©pit â ou Ă cause â des conditions dĂ©gradĂ©es qui persistent. Une chose est sĂ»re, ce mode d’organisation du travail est une question structurante pour lâavenir du travail des cadres et professions intermĂ©diaires.Â
Il ne s’est pas vĂ©ritablement Ă©tendu Ă l’ensemble des salarié·es tandis qu’il s’est gĂ©nĂ©ralisĂ© aux catĂ©gories socioprofessionnelles qui le pratiquaient auparavant. Le tĂ©lĂ©travail est donc devenu avec cette montĂ©e en puissance un marqueur de lâencadrement au sens large. Un enjeu tel, qu’il ne peut ĂȘtre laissĂ© Ă la seule main des directions d’entreprises et devrait au contraire ĂȘtre un des sujets majeurs de la nĂ©gociation collective. Or, dans cette derniĂšre pĂ©riode, beaucoup d’employeurs se sont surtout bornĂ©s Ă la seule prise en charge de l’ordinateur portable tandis que de grandes boites envisagent d’aller Ă marche forcĂ©e vers le flex-office afin de gratter quelques marges financiĂšres en Ă©conomisant sur l’immobilier.
Du point de vue du dialogue social, beaucoup de temps a Ă©tĂ© perdu depuis la signature du premier ANI en 2005. Trop peu de nĂ©gociations et d’accords signĂ©s, pas ou peu de prise en compte des questions posĂ©es par la digitalisation du travail, par la gĂ©nĂ©ralisation des smartphones et des outils numĂ©riques qui ont repoussĂ© voire aboli la frontiĂšre entre vie privĂ©e et vie professionnelle. Ce dĂ©ficit de nĂ©gociation collective est encore aggravĂ© par la rĂ©forme du Code du travail. Ainsi les reprĂ©sentants du personnel se sentent « fragilisĂ©s et marginalisĂ©s », certains n’ayant mĂȘme pas le droit de communiquer par la messagerie de l’entreprise avec leurs collĂšgues. « La dĂ©matĂ©rialisation des rĂ©unions dâinstances et de nĂ©gociation bouleversent en profondeur les conditions de reprĂ©sentation des salariĂ©s », alerte l’Ugict-CGT qui Ă©voque un « dĂ©ni dĂ©mocratique ».
S’il est un acquis de cette crise sanitaire, c’est l’expĂ©rience acquise, tant par les travailleuses et travailleurs, leurs organisations syndicales que par les entreprises et le gouvernement. Le tĂ©lĂ©travail a rebattu les cartes et « il sâaccompagne dâune redĂ©finition des prioritĂ©s et dâune quĂȘte de sens sur le contenu et la finalitĂ©Ì du travail », note l’Ugict-CGT qui rĂ©sume d’une formule : « tĂ©lĂ©travail, je t’aime moi non plus ». C’est qu’en effet, la quasi-totaliteÌ des femmes et hommes qui ont rĂ©pondu Ă l’enquĂȘte souhaitent continuer aÌ teÌleÌtravailler, mais pas aÌ temps plein, car leur expĂ©rience rĂ©vĂšle une explosion du temps de travail et une intensification.
La frontiĂšre vie professionnelle et vie personnelle a encore Ă©tĂ© repoussĂ©e au seul avantage des entreprises, ce qui repose encore et encore la question du droit Ă la dĂ©connexion qui n’a pas trouvĂ© de solution dans le dernier ANI de 2020 sur le tĂ©lĂ©travail que la CGT a refusĂ© de signer. Quant aux manageurs, ce sont eux qui jugent le plus nĂ©gativement lâimpact du teÌleÌtravail sur lâensemble des items proposĂ©s par l’enquĂȘte, « et notamment sur leur capaciteÌ aÌ suivre et aÌ encadrer leur eÌquipe, sur la diffusion des informations et sur lâesprit de lâeÌquipe encadreÌe. Seuls 8 % des manageurs sâestiment tout aÌ fait sĂ»rs de pouvoir dĂ©tecter une situation de mal-ĂȘtre ou de difficultĂ©Ì de leur Ă©quipe », note l’Ugict-CGT.
Cette enquĂȘte confirme que le tĂ©lĂ©travail va bouleverser durablement l’organisation du travail et qu’il y a urgence Ă mettre en place des rĂ©gulations collectives. En lançant il y a un an une campagne baptisĂ©e « le teÌleÌtravail oui, mais aÌ mes conditions », l’Ugict-CGT a permis d’ouvrir le dĂ©bat sur un encadrement du tĂ©lĂ©travail, d’obtenir l’ouverture de nĂ©gociations et de premiers accords qui restent nĂ©anmoins loin d’empĂȘcher que le tĂ©lĂ©travail ne se transforme en sous-statut. Il est possible d’obtenir des avancĂ©es et des droits nouveaux comme en atteste l’accord du 13 juillet dernier sur le tĂ©lĂ©travail dans la fonction publique.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
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