La recherche, un enjeu pour la transition énergétique (Actes du colloque)

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Temps de lecture : 56 minutes
La recherche, un enjeu pour la transition énergétique (Actes du colloque)
Parce qu’elle ouvre par essence des perspectives, la recherche doit être soutenue par des investissements et des programmes. Ce qui suppose un changement de cap.
Le 21 octobre 2014, plus de 70 participants ont répondu présents à l’initiative organisée par le collectif confédéral Recherche animé par l’UGICT. Un débat riche et constructif sur la recherche, enjeu pour la transition énergétique, avec la participation de plusieurs fédérations et UFICT, de conseillers des CESER, et de nombreux intervenants.
Le collectif Recherche Enseignement Supérieur Emploi met en ligne toutes les interventions présentées à cette occasion. Dans Cadres Infos 711 (fin octobre 2014) vous trouverez un compte rendu synthétique de cette journée.
Les contributions sont les bienvenues. Vous pouvez commenter cet article ou envoyer un mail à revendicatif(à)ugict.cgt.fr

Programme de la journée

 

Voir le programme détaillé

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9h00

Présentation de la journée

Dominique Ghaleb
(RESE – UGICT)

9 h 15

Situation et spécificité de la Recherche,
financement, public-privé, territoire
(description et analyse)
Point sur le paysage de la recherche

Daniel Steinmetz
(RESE – UGICT)

9 h 40

La transition énergétique telle que proposée par la CGT

Marie Claire Cailletaud
(CGT)

10 h

Le financement de la transition énergétique

Michaël Wicke
(Fédération des Finances)

10 h 20

Les grands enjeux de connaissances scientifiques et technologiques pour l’énergie

Serge Vidal
(FNME)

10 h 40

Recherche, industrie et emploi

Sylvain Delaitre
(FTM)
11 h 20

Table ronde sur la situation de la recherche liée à l’énergie

dans 6 grands secteurs

(animateur Jean-Luc Molins – UGICT)

 Jean-Paul Rignac (UFICT-Mines Energie)
Sylvain Delaitre (UFICT-Métallurgie)
Patrick Biondi (FNIC)
Laurent Tabbagh (CONSTRUCTION)excusé
Gérard Lebriquer (EQUIPEMENT& UIT Transports)

 13 h 30

Débat sur l’organisation, le financement et l’interaction technologie /emploi dans le domaine de la recherche

liée à la transition énergétique – échanges d’expériences
(animateur Dominique Ghaleb – RESE UGICT)

15 h30

  Comment intégrer les recherches, entre transition et société ?

Philippe Soulier
(FERC/SNTRS)  

  15 h 50

 

Débat sur l’interaction recherche et société

(animatrice Lise Caron – RESE UGICT)

 16 h 50

  Conclusions

 

Introduction de la journée

Introduction de la journée, par Dominique GHALEB Co-animateur du collectif confédéral Recherche Enseignement Supérieur Emploi animé par l’UGICT.

Voir l’introduction

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Vous n’êtes pas sans savoir qu’au parlement vient d’être votée en première lecture une loi intitulée “transition énergétique pour la croissance verte “.

Il est clair que la CGT ne partage pas l’ensemble des orientations proposées par le gouvernement actuel dans cette loi. Elle en conteste même bien des aspects. C’est à un tel point que notre organisation syndicale se demande  si la lutte contre le changement climatique, au combien primordiale, est bien l’objectif premier que sous-tend cette loi ?

Comme vous le verrez au cours de l’exposé numéro 2, proposé par Marie-Claire CAILLETAUD, il est évident que la voie empruntée dans la loi est loin de satisfaire la politique énergétique prônée parla CGT.  Politique énergétique qui s’articule principalement autour des 3 piliers suivants : recherche d’efficacité énergétique ; équilibre des différentes sources d’énergie ; maitrise publique du secteur. Piliers qui sont, pour certains et notamment pour les deux derniers, aux antipodes des orientations de la future loi.

Quelle que soit la consistance de la loi votée, et quelle que soit la transition énergétique véritable qui sera mise en œuvre dans notre pays au cours des prochaines décennies, il est évident que la recherche aura un rôle premier à jouer. C’est pourquoi le collectif confédéral Recherche, Enseignement Supérieur et Emploi a cru bon d’organiser cette journée d’étude dont l’objectif premier est d’approfondir, dans un cadre interprofessionnel et interterritorial, la question des enjeux posés dans le secteur de la recherche par cette transition énergétique.

Ceci est d’autant plus nécessaire que, comme vous le réaliserez

  • d’une part, dans le 1er sujet que Daniel STEINMETZ va nous exposer, le paysage de la recherche française a bougrement évolué, et pas dans le bon sens, depuis quelques années. Vous allez même vous apercevoir de la similitude, en termes de régionalisation poussée, entre le secteur de la recherche et le secteur de l’énergie.
  • D’autre part, dans le 4ème exposé effectué par Serge VIDAL que bien des verrous scientifiques et technologiques vont parsemer le chemin de cette transition énergétique.

Par ailleurs, comme toute transition énergétique ne peut s’envisager sans un volet financier, il nous est apparu opportun de faire un petit point sur cet aspect. C’est ce à quoi va s’attacher le camarade Michael WICKE de la Fédération des Finances dans l’exposé 3.

En outre, comme la recherche dans le secteur de l’énergie, comme dans bien des secteurs, ne sera profitable que si le lien avec le monde économique est performant, Sylvain DELAITRE va nous parler un peu de cet interaction qui à mon avis est loin d’être au top.

A la suite des 5 exposés qui nous auront donné, je l’espère, un panorama « large spectre » sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, une table ronde, animée par Jean Luc MOLINS, sera mise en place afin d’appréhender la façon dont est abordé concrètement cet aspect de la recherche liée à l’énergie dans quelques secteurs importants comme la métallurgie, la chimie, les transports, les mines énergies, la construction, l’équipement. Les camarades Jean-Paul RIGNAC (FNME), Sylvain DELAITRE (FTM), Patrick BIONDI (FNIC), Laurent TABBAGH (CONSTRUCTION), Dominique LAUNEY (TRANSPORT),  et Gérard LEBRIQUER (EQUIPEMENT) se feront un plaisir de vous éclairer sur le sujet.

Après le repas, la parole vous sera donnée dans un débat qui sera ouvert et que j’aurai le plaisir de présider. Le but du jeu sera bien entendu de poser toutes les questions permettant d’éclaircir et de préciser l’information commune dont nous disposons.
Mais aussi, ce doit être le moment d’échanger des expériences, de proposer des stratégies voire des structures de travail… permettant de commencer à construire une boite à outils efficace et utile à notre  organisation syndicale pour porter au plus haut des exigences communes.

Il nous faut bien comprendre qu’après le vote de la loi tout n’est pas fini. Je dirai même que tout commence, car il va falloir s’organiser pour :

  • d’abord résister et s’opposer à toutes actions néfastes pour la collectivité et les salariés,
  • puis proposer des alternatives.

Il faut aussi savoir que dans les secteurs qui sont concernés dans cette journée : la recherche et l’énergie, le poids des décisions en régions pèsera très lourd.

De ce fait, il va falloir, si ce n’est pas déjà fait, élaborer des collaborations entre

  • les régions et les instances nationales,
  • entre les régions elles même
  • et en inter-pro…

qui soient pérennes afin de d’articuler et de rendre les actions de la CGT le plus pertinent, le plus cohérent et le plus efficace possible.

Après la pause qui suivra le débat, nous poserons l’incontournable question de l’interaction entre la recherche et la société qui quelquefois peut être très exacerbée dans le secteur de l’énergie. Philipe SOULIER aura la lourde tâche d’introduire ce sujet au combien vaste et complexe.

Cet exposé sera suivi ensuite d’un débat qu’animera Lise CARON.

Pour terminer Sylviane LEJEUNE sera chargée de conclure cette journée, bien remplie.

Point sur le paysage de la recherche

Par Daniel Steinmetz (RESE – UGICT)

Voir le diaporama et lire l’intro

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Les chiffres

En France, la Dépense Intérieure en matière de Recherche et Développement (DIRD par rapport au PIB (DIRD/PIB) recule par rapport aux autres pays: 7e en 1995, 13e en 2008, la France se retrouve au 15e rang mondial en 2011 derrière la Corée, l’Estonie, l’Islande.

En 2011, les entreprises et les administrations françaises ont dépensé plus de 45 milliards d’€ pour des activités de Recherche & Développement (DIRD), soit 2,24 % de l’activité économique française (ratio DIRD/PIB). Les entreprises réalisent 28,8 Milliards et les administrations 16,3 Milliards, Toutefois les entreprises sont financées pour 2,8 milliards par l’Etat, hors Crédit impôt Recherche.

 

Evolution de la DIRD des entreprises (DIRDE/PIB)

La France est le premier pays de l’OCDE pour le niveau des aides fiscales et publiques apportées à la R&D des entreprises (rapport de l’Inspection Générale des Finances 2010), mais elle se caractérise aussi par un faible niveau de dépenses R&D privées. Résultat : l’objectif de 3% du PIB consacrés à la R&D est atteint en Allemagne, 8 autres pays l’ont déjà dépassé, tandis que la France stagne à 2,24%.

Le crédit d’impôt recherche (CIR), présenté jusqu’à aujourd’hui comme «puissamment incitatif», est en réalité utilisé à des fins «d’optimisation fiscale». Le CIR exonère ainsi les entreprises de 6 milliards d’euros d’impôts soit 2,5 fois le budget du CNRS. Créé pour aider les PME, le CIR comme l’ensemble des incitations fiscales de R&D favorisent les multinationales au détriment des jeunes entreprises. Entre 2006 et 2011, le CIR a été multiplié par 5, alors que la part de la R&D des entreprises a stagné. Ainsi Sanofi qui a bénéficié d’un CIR de 130 millions d’euros a licencié plus de 2000 salariés. Les entreprises du médicament ont réduit en 2013 leur R&D de 2,9% en la transférant à la recherche publique et à des start up ! En même temps le financement direct de l’Etat sur des opérations ciblées a baissé pour laisser place au CIR.

 

Les chercheurs dans l’entreprise

Si le nombre de chercheurs en entreprises a augmenté de 2001 à 2011 selon les chiffres du ministère, le nombre de personnels de soutien diminue ainsi que le budget dont disposent les chercheurs en entreprises. De plus en plus de chercheurs exercent cette activité à temps partiel, en menant d’autres tâches. L’augmentation du nombre des chercheurs est due à la montée en puissance des SSII comme le montre le graphique ci-après. Les domaines d’activité évoluent. L’automobile reste toujours en première place, mais le secteur des activités informatiques qui a énormément augmenté passe en deuxième place. Certains secteurs stagnent, voire régressent entre 2001 et 2011.

 

Renforcer la recherche en créant des emplois

Développer l’effort de recherche du pays est un impératif. Pour passer à 3 % du PIB dans les 5 ans, l’UGICT-CGT préconise une croissance de l’effort, partagée entre le public et le privé : 1% du PIB pour le secteur public (hors recherche militaire) et 2 % du PIB pour le secteur privé. Cet effort doit être réalisé en augmentant l’emploi scientifique. Pour le secteur privé, le CIR (6 milliards en 2014) doit être supprimé et remplacé par des aides ciblées et contrôlées. Des mesures doivent favoriser le développement de l’emploi scientifique et technique en entreprise, notamment par le recrutement de docteurs et la reconnaissance de la thèse dans les conventions collectives. La recherche publique non militaire représente 0,7% du PIB. Nous devons exiger qu’elle passe en 5 ans à 1% du PIB, c’est-à-dire qu’elle augmente de 0,3 points de PIB, soit de 6 milliards d’euros. Cet objectif est réaliste et nécessaire. Cet effort doit être réalisé par l’augmentation du nombre des emplois de fonctionnaires et par la pérennisation des budgets des laboratoires.

 

Résorption de la précarité

Selon les bilans sociaux des universités, plus de 70 000 précaires sont salariés de l’enseignement supérieur et on estime à plus de 20 000 ceux des EPST, (les 65000 doctorants ne sont pas compris dans ces chiffres). Nous demandons une loi de titularisation de tous les non-titulaires exerçant des fonctions permanentes (Titulariser 50 000 contractuels (soit les non titulaires occupant des fonctions permanentes), dont 35 000 dans les universités et 15 000 dans les EPST, coûterait environ 1,35 milliards à terme et beaucoup moins immédiatement. Un effort qui représente 1/5 du CIR. Sur les 4 milliards envisagés pour l’emploi afin d’augmenter de 30% l’effort de recherche publique, il resterait donc 2,65 milliards pour recruter 40 000 personnes sur 5 ans.).

Cette loi devra aussi limiter le recours aux non-titulaires qui doivent être dédiés à des tâches temporaires. Les personnels des laboratoires doivent être recrutés sur concours de fonctionnaires au plus près de la sortie des études que ce soit pour les chercheurs, ingénieurs ou techniciens. C’est la condition sine qua non pour enrayer la généralisation de l’emploi sur CDD dans les laboratoires. Pour éviter la reconstitution de la précarité, il est nécessaire de limiter l’importance des financements par appel d’offre. Il est en particulier inadmissible de faire financer par appel d’offre, des programmes nationaux, le fonctionnement de grands instruments et des plates-formes de recherche.

 

Les réformes des structures

Mise en place, avec l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES), les bases d’un nouveau système de recherche permettant de contrôler les structures et les personnels. La réduction des financements récurrents et la montée corrélée des financements sur projets a constitué le moyen d’amener les laboratoires à travailler sur les thèmes déterminés par le pouvoir. La Loi de Responsabilités des Universités (LRU), le programme investissement avenir (PIA) et la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013 (Loi Fioraso) qui suivirent ont poussé plus loin dans ce sens. Le système de recherche est maintenant structuré autour des universités dont les EPST sont des satellites et repose sur les appels à projets et le travail précarisé.

La Loi Fioraso suit l’orientation du Pacte pour la recherche et de la LRU qui est de soumettre la recherche aux entreprises, elle impose une nouvelle mission, le transfert économique. Elle impose aux établissements et aux personnels de prendre en charge la commercialisation des nouveaux produits et procédés fruits de la recherche, pour les mettre sur le marché par la création, éventuellement, d’entreprises. Les Directions générales des organismes de recherche sont en phase avec le Ministère et ne souhaitent pas rompre avec les orientations du gouvernement Sarkosy. Les universités sont, quant à elles, sommées d’adapter leurs enseignements aux besoins des employeurs locaux.

La loi Fioraso s’inscrit dans la nouvelle organisation territoriale mise en place par le gouvernement avec l’acte III de la décentralisation qui vise à transférer un certain nombre de prérogatives de l’État central à des noyaux de centralisation territoriale que sont les régions et les métropoles. Les régions et métropoles auront la compétence de piloter l’ESR sur leur territoire. Ce pilotage se fera par l’intermédiaire des communautés d’universités et d’établissements régionales (COMUE) mises en place par la loi. Elles succèdent automatiquement aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES de la LRU).

La régionalisation de l’ESR est un outil pour la réalisation de la mission de transfert économique. Les régions, les départements, les métropoles comptent sur la recherche pour leur développement économique, y compris à court terme. Poussées par la Commission Européenne, les régions ont défini leurs stratégies régionales de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente (stratégies dites S3). Ce sont des programmes territoriaux de transformation économique qui visent à concentrer l’aide et l’investissement de la politique publique sur un nombre limité de priorités de l’économie régionale censées apporter un avantage concurrentiel aux régions dans l’économie mondiale. Les COMUE doivent mettre en phase leurs orientations de recherche et de formation avec les stratégies de spécialisations régionales. Elles seront abondées par les Contrats de Projets État-Région (CPER) conçus en cohérence avec la stratégie européenne.

La politique du gouvernement est définie dans l’agenda «France Europe 2020» déclinaison nationale du programme européen «Horizon 2020» qui préconise «l’intégration de la recherche et de l’innovation par un soutien sans interruption tout au long du processus, de l’idée au produit commercialisable». Les enjeux de la connaissance apparaissent peu ou prou, les laboratoires de la recherche publique doivent élaborer leurs projets en combinant à la fois des recherches fondamentales, recherches technologiques et conduire à des innovations de diverses natures (technologique, usage, organisations…).

 

La transition énergétique telle que proposée par la CGT

[Rapport CEC du 9 septembre 2014, par Marie-Claire Cailletaud.] Depuis presque deux ans, un débat précurseur d’un texte de loi sur la transition énergétique a été initié par le gouvernement. La CGT s’est engagée dans ce débat qui concerne tous les salariés, l’emploi, les activités productives et bien sûr tous les citoyens. Nous avons apporté nos analyses et propositions.

Lire le texte de l’intervention

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Quelles sont-elles ?

1) place de l’énergie et état des lieux

L’utilisation de l’énergie est intimement liée au développement humain, de la découverte du feu à nos jours. L’énergie est nécessaire pour s’éclairer, se chauffer, mais aussi accéder à la culture, à la santé, à l’éducation, à la mobilité.

Or que constatons aujourd’hui ? Des inégalités insupportables, 80% des ressources fossiles sont préhemptées pour 20% des habitants de la planète, 3 milliards de personnes n’ont accès qu’ à des formes rudimentaires d’énergie par exemple le bois, dont le ramassage est dévolu aux femmes et aux enfants, ce qui impacte directement leur possibilité d’émancipation (école ou autre). En France nous comptons environ 8 millions de personnes en précarité énergétique.

Aujourd’hui 7 milliards d’habitants peuplent la planète, nous serons 9 milliards en 2050. Si nous militons pour un droit à l’énergie, constitutif de la réponse aux besoins, si nous militons pour la réduction des inégalités entre les pays et entre les citoyens, il va être nécessaire de produire plus d’énergie au niveau mondial.

Mais dans quel contexte ?

1.2) ressources fossiles et réchauffement climatique

Les sociétés industrialisées ont appuyé leur développement sur l’énergie et principalement les ressources fossiles. Bien souvent souvent source de conflits, les Africains ont eu l’habitude de les nommer « la malédiction des sous-sols » car cette présence, loin de concourir à l’amélioration de leur niveau de vie, leur amenait la guerre.

Ces ressources fossiles se raréfient (même s’il y a un débat sur les réserves disponibles une donnée technique balise la réflexion : le pétrole, le charbon et le gaz que nous utilisons ont mis plusieurs centaines de millions d’années à se constituer ce qui signifie qu’à notre échelle ils sont en quantités finies), et du fait d’une difficulté accrue de leur extraction, les prix augmentent.

Or tous les pays aspirent légitimement à se développer. Celà signifie qu’il est nécessaire qu’ils aient accès prioritairement à ces ressources.

Nous avons une responsabilité particulière, du fait de notre utilisation importante de ces ressources qui de surplus rejette des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, cause du dérèglement climatique, problème majeur pour notre civilisation.

Ce dérèglement n’est pas une petite question à sous-estimer. Ses conséquences, qui se font d’ors et déjà sentir, pourraient être désastreuses et entraîner des désordres géopolitiques dramatiques.

La montée des eaux dues à la fonte des glaciers va conduire à la disparition de pans entiers de la terre. Or 320 millions d’habitants habitent à moins de 5 m d’élévation par rapport au niveau de la mer.

Le dérèglement climatique va engendre des sécheresses et rendre inhabitables des terres car l’accès à l’eau n’y sera plus possible, et ceci de manière très inégalitaire. Ces phénomènes vont engendrer des « réfugiés climatiques » évalués grossièrement par le GIEC (groupement international d’experts pour le climat) à 200 millions. Les problèmes auxquels l’humanité sera confrontée devront se régler de manière pacifique et solidaire, et non par l’établissement de murs ou de garde frontières européens comme le propose un rapport parlementaire sur le sujet.

Pour tenter de limiter l’élévation de température, les accords internationaux demandent de diminuer par deux les émission de gaz à effet de serre au niveau mondial. Compte tenu des différences de niveau de développement, pour un pays comme la France, pays industrialisé, c’est d’une division par 4 dont il s’agit (imagée dans l’expression facteur 4). Il faut agir sans tarder, d’ors et déjà certains prévoient de se protéger de ses conséquences (de manière classique ou plus complexe par la géo-ingéniérie, c’est dire la manipulation du climat à grande échelle). Je vous laisse juger de l’égalité de possibilités des pays d’agir dans ce sens. Inégalités sociales et inégalités environnementales vont de pair.

Nous somme dans l’ère de l’anthropocène, un nouvel âge géologique marqué par la capacité de l’homme à transformer l’ensemble du système Terre.

Ce qui implique de réfléchir au niveau de la planète et ne pas se restreindre à l’hexagone. Les ressources fossiles devraient avoir le statut de biens publics mondiaux de l’Humanité et être gérées collectivement.

Le cadre est ainsi posé : réponse aux besoins ici et ailleurs et diminution drastique de nos émissions de GES : l’équation n’est pas simple à résoudre.

Que proposons nous ?

1.3) Propositions

Une politique énergétique qui s’articule autour de 3 points : recherche de l’efficacité énergétique, équilibre des différents sources d’énergie, maîtrise publique du secteur.

En préalable et afin de le mettre en exergue, soulignons le rôle central de la recherche dans ce domaine (comme dans bien d’autres d’ailleurs). Faire sauter les verrous technologiques pour stocker massivement l’électricité est un exemple qui nous ferait changer de paradigme. Celà signifie qu’il faut amplifier notre revendication d’avoir les moyens et l’organisation pour pratiquer une recherche fondamentale et appliquée de haut niveau. Je vous renvoie sur le sujet à la journée d’étude organisée par l’UGICT sur recherche et transition énergétique le 21 octobre à Montreuil.

Economies, efficacité énergétique, certains emploient le terme sobriété et les mots ne sont pas neutres.

S’il y a un accord dans le débat énergétique pour ne pas gaspiller l’énergie les solutions ne font pas toutes consensus. Il est certain que les comportements individuels doivent prendre en compte cette nécessité mais cela n’est pas à la maille du problème posé. Et pour entrer dans ce débat sérieusement il est nécessaire d’avoir quelques ordres de grandeur en tête. Quels sont les secteurs les plus consommateurs d’énergie ? Le premier concerne les bâtiments, le second les transports. Quels sont les secteurs les plus émetteurs de GES ? Le premier est les transports, le deuxième le bâtiment.

Par conséquent il semble logique de commencer par porter les efforts sur ceux-ci.

Isoler massivement les bâtiments nous sommes pour, cela nécessite de considérer la filière professionnelle nécessaire : celle du bâtiment a perdu 70 000 emplois en deux ans et emploie 200 000 salariés détachés payés au lance pierre, et de dégager les financements nécessaires (10 à 15 milliards d’euros par an pour les 500 000 logements annoncés par le Président de la République) et non pas se contenter d’imposer une mesure par la loi. Même les plus beaux prêts à taux zéros ou les crédits d’impôts ne permettront pas aux propriétaires d’isoler leur maison. En pleine période d’austérité, alors que le précaire énergétique type est un propriétaire, dans le monde rural, âgé et qui se chauffe au fuel, qui pourra croire qu’il pourra dégager 250 euros par m2 pour financer ces travaux d’isolation ?

Les transports constituent un point essentiel du débat. Faire en sorte que les transports collectifs se développent et favoriser le rail, le fret ferroviaire, le fluvial, l’intermodalité en prenant en compte tous les coûts est une nécessité. Cela renvoie au développement de la société avec le travail en flux tendus et les stocks dans les camions. Cela renvoie à l’obligation de prendre sa voiture quand le prix des logements rejettent les populations loin des lieux de travail. Cela questionne l’urbanisme. Et puis la relocalisation de l’appareil industriel. Ce qui remet en cause les politiques de délocalisation et de dumping social. Relocaliser l’industrie afin de produire une partie de ce que l’on consomme, afin d’avoir des usines sidérurgiques et des hauts fourneaux électriques pour recycler l’acier. Ce qui nous amène à l’économie circulaire.

C’est aussi se poser collectivement la question de l’utilité sociale de la production. Vous le voyez avec le débat énergie on tire de fait le débat sur le type de société dans laquelle on souhaite vivre, avec quelle production, quels progrès techniques au service du progrès social, quelles formations et qualifications pour que le travail reprenne tout son sens émancipateur. On arrive sur le type de développement que l’on souhaite,sachant que celui que nous vivons n’est pas soutenable, ni d’un point de vue environnemental, ni d’un point de vue social.

Venons en au bouquet énergétique. Il doit utiliser les énergies en complémentarité car aucune forme de production n’est capable à elle seule de répondre aux enjeux qui nous sont posés. Cela signifie qu’il faut adapter la combinaison optimale des différentes sources d’énergie privilégiant les techniques peu ou pas émettrices de gaz à effet de serre en ayant toujours comme critères les trois piliers, social, environnemental et économique. Les choix opérés ont des conséquences dans ces trois domaines. La hausse des tarifs consécutives à des choix incohérents auront des conséquences non seulement sur les usagers (hausse des factures) mais également sur l’industrie : on sait qu’un facteur important de localisation industrielle est l’accès à une énergie fiable à un coût abordable, et pas que pour les énergos intensifs. Les choix énergétiques constituent un point important de notre campagne de réindustrialisation de la France.

Développer des filières industrielles pour les énergies renouvelables afin de les amener à maturité (certaines le sont telle l’hydraulique) et non pratiquer des tarifs de rachats qui créent des bulles spéculatives. Le charbon avec le captage et stockage de CO2 ou le gaz dont l’utilisation directe doit être privilégiée (c’est à dire sans la transformer en préalable en électricité). Diminuer notre utilisation de ressources fossiles permettra également de soulager notre balance commerciale dont le déficit, 70 Milliards, correspond à nos importations de pétrole (55 Milliards) et de gaz (15 Milliards) et d’améliorer notre indépendance énergétique. Enfin le nucléaire.

Dans l’état actuel des technologies, il est impossible pour notre pays de diminuer de manière drastique nos émissions de gaz à effet de serre et dans le même temps de diminuer a production d’électricité à partir de l’atome. Nous en avons un exemple à nos frontières avec l’Allemagne qui, du fait de l’arrêt de ses centrales nucléaires a remis en route des centrales au lignite (un charbon particulièrement polluant) et a augmenté ses rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Développer une filière nucléaire avec le plus haut niveau de sécurité nécessite de garder la maîtrise publique du secteur, de conforter le rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire et de garantir un haut niveau de garanties collectives pour tous les salariés du secteur. Ce qui implique de mener la bataille syndicale, en particulier sur la question de la sous-traitance. La CGT n’a de cesse de mener ce combat. Envisager l’avenir du nucléaire en optimisant l’utilisation de l’uranium c’est prévoir l’utilisation de futurs générations de réacteurs (génération 4), et donc donner les moyens au CEA. La fermeture du réacteur Osiris, qui fournit des radionucléides pour l’imagerie médicale envoie un signal inverse. De grandes voix dans le secteur de la santé s’en expriment publiquement.

La question des ressources se pose pour toutes les technologies. Pensons aux métaux ou terres rares utilisées en particulier dans les nouvelles technologies (batteries, aimant d’éolienne, cellule de panneau photovoltaïque….). Leur possession est déjà un enjeu de tension au niveau mondial.

Vous l’avez compris, l’énergie est un secteur stratégique. Une question bien trop sérieuse pour la laisser aux mains du marché qui désoptimise l’organisation, complexifie, génère du gaspillage et va nous conduire à terme à des black out. La financiarisation est complète marché des quotas à polluer, marché de capacités, marché d’effacement. Un changement de modèle où ce n’est plus la production qui s’adaptera aux besoins, mais l’inverse, tout cela grâce au fameux signal prix….

Un gouvernement, une nation, doivent avoir les leviers pour agir sur un tel secteur. C’est notre proposition de pôle public de l’énergie complétée par une agence européenne de l’énergie afin de travailler au niveau de la plaque continentale sur des questions telles la recherche, les émissions de gaz à effet de serre, les groupements d’achat, les réseaux…..Un pôle public permettant une réelle appropriation sociale du secteur en donnant des droits nouveaux aux usagers, aux élus, aux salariés.

Transition énergétique, l’heure des choix

Venons en maintenant au projet de loi sur la transition énergétique qui va arriver en procédure accélérée à l’assemblée nationale le 1er octobre (une seule lecture à l’Assemblée Nationale entre le 1er et le 12 octobre et une seule lecture au Sénat).

Nous nous sommes engagés dans le débat dés la fin 2012 en considérant que les enjeux énergétiques portent des enjeux sociaux et par conséquent que tous les salariés doivent se l’approprier.

Les grands objectifs de la loi sont réaffirmés: diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre, de 30% de la consommation de ressources fossiles et augmentation du renouvelable à 32% à horizon 2030, diminution de la part du nucléaire de 75 à 50% à horizon 2025.

La manière précise d’atteindre ces objectifs est peu détaillée et on en reste souvent au niveau des intentions. La grosse interrogation reste les financements.

L’objectif de diviser par 2 la consommation d’énergie à l’horizon 2050 est proposé. Cette perspective est complètement incohérente avec la démographie dynamique de la France, avec le redressement souhaitable de notre industrie et avec la satisfaction des besoins sociaux. Elle conduirait au rationnement.

La CGT considère que cet objectif est irréaliste.

  • Le redressement de notre industrie, qui est une condition essentielle du redressement du pays, suppose un accroissement de nos capacités de production. Compte tenu que les procès industriels ont déjà largement intégré les dispositifs d’efficacité énergétique, une baisse massive de la consommation énergétique ne peut être obtenue que par la poursuite de la désindustrialisation du pays.
  • Au surplus, les délocalisations conduisent à faire fabriquer à l’extérieur les produits que nous devons ensuite importer. Les émissions de gaz à effet de serre correspondantes sont le plus souvent bien plus fortes compte tenu de la consommation énergétique des pays concernés. Il est donc meilleur pour la planète (et pour les salariés) d’empêcher les délocalisations et même de relocaliser en France, quitte à ce que notre consommation d’énergie dans l’industrie baisse modérément ou se redresse.
  • La France devrait selon les meilleures prévisions existantes, s’acheminer vers une population de 70 millions d’habitants en 2050. Un pays comme l’Allemagne est sur une pente de baisse de sa population. Ce facteur a été clairement sous estimé dans la cible d’une division par 2 de la consommation. En effet, cela supposerait que chaque habitant consommerait 54 % d’énergie en moins.
  • Souvent sous estimé, le transfert d’usage, c’est à dire le changement des sources d’énergie utilisées pour satisfaire un besoin déterminé peut apporter une contribution importante à la réduction des émissions de GES. C’est pourquoi la CGT a fortement insisté lors de la conférence environnementale de 2012 pour inclure les transports dans la loi. Les nouvelles technologies sont très consommatrices d’électricité. A titre d’exemple les serveurs de google consomment autant qu’une ville de 200 000 habitants.

De même l’accent mis dans la loi sur le développement du véhicule électrique va dans le sens d’un transfert d’usage dans l’utilisation du véhicule individuel vers une source d’énergie peu émettrice de gaz à effet de serre, l’électricité (même si compte tenu des réalités technologiques, il ne remplacera pas le véhicule thermique à court ou moyen terme) .

A coté de l’objectif de réduction de 40% en 2030 des émissions de GES au niveau européen et de la division par 2 de la consommation d’énergie en France, le projet de loi fixe des objectifs quantifiés quant à la part du nucléaire, à la part de la consommation d’énergie fossile et à l’ objectif de développement des ENR. Ces objectifs sectoriels sont difficilement conciliables et peuvent conduire à des surcoûts voire à des impasses . Des questions essentielles sont évacuées telles le coût du soutien aux ENR, les impacts sur les réseaux, la composante thermique classique (gaz et charbon principalement). La baisse de la production d’électricité nucléaire est impossible sinon au prix d’inconvénients majeurs. La part de celle dans le bouquet énergétique ne peut se fixer à priori tant celà dépend des évolutions technologiques et géopolitiques.

Les chiffres avancés semblent donc difficiles à concilier et relèvent pour une part d’une logique d’affichage.

Le coût de l’électricité tant pour les ménages que pour les entreprises est également un élément majeur à prendre en compte.

Concernant l’efficacité énergétique la question des transports (premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et consommant ¼ de l’énergie) n’est évoquée qu’au travers du développement du véhicule électrique et de manière incomplète (qui payera les 7 millions de borne de recharge, quelle sera leur puissance…..).

Sur l’isolation du bâtiment deux questions se posent et ne sont pas résolues dans le projet de loi : quelle filière professionnelle et quels financements. L’obligation d’isolation des bâtiments par la loi va poser de sérieux problèmes s’il n’y a pas les financements (ça ne se fera pas).

Concernant le secteur énergétique le gouvernement a cru bon de profiter de ce texte pour affirmer l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques au travers de Sociétés d’Economie Mixtes (SEM), malgré l’opposition et les alertes de toutes les organisations syndicales du secteur. Le modèle de SEM retenu donne la part belle aux opérateurs puisque la part réservée aux collectivités territoriales et personnes, entreprises ou organismes publics pourrait se limiter à 34%. En l’état, ce projet s’avère être la privatisation pure et simple de la production hydroélectrique nationale par le biais du renouvellement par mise en concurrence.

Les aides consacrées à la précarité énergétique prendraient désormais la forme d’un chèque énergie. Si celui-ci a l’avantage de couvrir plusieurs modes de production tel le fuel et le bois, il est clair que des dispositifs et des montants effectifs dépendront l’éradication ou non de la pauvreté énergétique de 8 millions de personnes.

Beaucoup de dispositifs divers semblent être crées pour permettre l’efficacité énergétique ou le développement de certaines énergies renouvelables. Le risque est grand de créer une fois de plus des bulles spéculatives pour des entreprises privées (comme pour le marché de l’effacement ou de capacités) qui in fine seront payées par les entreprises publiques et par l’usager d’autant plus que les mesures annoncées sont incompatibles avec les politiques d’austérité menées.

Concernant l’économie circulaire encore et toujours on n’aborde la question que par le petit bout de la lorgnette c’est à dire la question des déchets. On ne parle pas d’éco-conception. On ne parle pas de la question des transports et de l’appareil industriel. De surcroît, et très souvent, la question du tri des déchets est souvent associé à l’économie sociale et solidaire et à des emplois de réinsertion alors qu’il doit s’agir de vrais emplois.

Le projet de texte de loi développe l’idée de territoires à énergie positive, ce qui risque de créer des inégalités entre ceux qui ont des moyens de production et les autres. On avance sur le terrain de la territorialisation de l’énergie, avec fragilisation de l’égalité de traitement, péréquation tarifaire et solidarité territoriale.

Arrêtons nous un moment sur cette question fondamentale de régionalisation et de décentralisation. C’est essentiel car la loi arrive de manière concomitante avec le projet de décentralisation et de regroupement de régions et de créations de grandes métropoles. En s’appuyant sur une aspiration légitime des citoyens à participer aux décisions, le risque est grand de territorialiser l’énergie (la distribution et la production) et du coup de casser la solidarité entre les territoires portée entre autre par la péréquation tarifaire. Si beaucoup d’élus y voient la possibilité de trouver des sources de financement qui font défaut dans leurs communes, il est nécessaire d’expliquer les conséquences de ces choix. Ainsi, aujourd’hui tel maire se targue grâce à un parc éolien régit par une société d’économie mixte d’avoir ainsi dégagé 300 000 euros pour refaire l’école. Certes, mais sait-il que ces euros découlent d’une taxe appelée CSPE qui est payée par tous les usagers ? Et que par conséquent, l’usager dans son HLM de Seine Saint Denis a financé en partie cette école au travers le surcoût électrique ? Et si chaque commune prend le même chemin, l’édifice s’effondre.

Cette régionalisation participe à la tactique d’affaiblissement de l’Etat pour aller vers une Europe fédérale. Les Services Publics Nationaux contrarient cette stratégie. Et nous ne sommes pas à un stade démocratique où l’Etat politique peut disparaître.

Ne nous y trompons pas, les questions de l’énergie, de l’environnement et de l’écologie qu’il faut prendre à bras le corps sont un champ d’affrontement. Le capitalisme possède des ressources insoupçonnées pour s’adapter aux situations les plus critiques.

La « croissance verte », terme repris dans le titre du projet de loi, est une couverture idéologique permettant de continuer à développer des politiques d’accumulation du capital et non pas des valeurs d’usage.

A ce propos, la politique de la Poste avec son « timbre vert écologique » est un exemple frappant de couverture d’un recul du service public sous l’étendard de l’environnement.

L’écologie ne transcende pas les clivages, la nature est un champ de bataille ou s’affrontent des intérêts antagoniques. L’universalisation du concept le neutralise pour ignorer les luttes de classe. L’article 52 de la loi prévoyant l’ouverture d’un dialogue social ne garantit rien et ressemble à un vœu pieu. A nous de formuler des exigences revendicatives en terme d’emplois, de qualification, de salaire.

Depuis la CEC du 2 novembre 2011 qui avait traité du sujet, de nombreux débats ont eu lieu. Certes ce n’est pas suffisant et le groupe énergie grée suite à CEC n’a pas pu impulser une dynamique de manière satisfaisante. Néanmoins plus d’une centaine de débats, journées d’études, réunions avaient alors eu lieu à l’initiative surtout de la FNME mais aussi en interpro parfois ouverts à l’extérieur.

Les questions de l’énergie ne sont pas du ressort d’une seule fédération, elles concernent tous les secteurs ne serait-ce qu’en raison de sa disponibilité et de son coût pour l’industrie.

Depuis le congrès, la commission politique industrielle a mis en place en son sein un groupe de travail énergie dont vous avez approuvé la feuille de route. Un des objectifs affichés est de faire en sorte que le débat puisse avoir lieu partout dans la CGT afin que ces questions soient discutées et disputées.

Je peux témoigner que quand les syndiqués, les salariés, les citoyens découvrent ce que nous proposons au débat, s’en suivent des discussions passionnantes et enrichissantes pour tous.

D’autres proposition ont été faites (plateforme avec d’autres confédérations, rencontre avec les jeunes….).

Aujourd’hui, nous sommes loin d’avoir engagé les batailles indispensables pour faire prévaloir les intérêts des salariés. Alors ouvrons le débat.

Le financement de la transition énergétique

Lire le text de l’intervention

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La Fédération des Finances tient à souligner l’importance d’une journée comme celle-ci, cette démarche correspond exactement aux orientations de notre 27ème congrès fédéral du mois d’Avril dernier. Congrès qui pointait la nécessité pour la Fédération des finances de contribuer à la construction d’un corpus revendicatif capable de répondre aux enjeux de la transition énergétique. Ces travaux devant porter sur la mise en place d’une fiscalité plus favorable envers les entreprises ayant une empreinte écologique faible et privilégiant, par exemple, les échanges de productions locaux ainsi que sur une réorientation des critères d’accès aux financements (ex : la BPI aujourd’hui, le pole financier public demain, aux crédits (crédit sélectif). Ces réflexions et travaux ne pouvant être engagés qu’en lien étroit avec les organisations territoriales et professionnelles de la CGT et la direction confédérale.

En effet, les questions de fiscalité, de financement de l’économie mais aussi de politique industrielle ne peuvent être laissées à quelques spécialistes, nous avons besoin d’échanger régulièrement et en dehors de la pression de l’actualité sur ces questions. La Fédération des finances ne vient donc pas ici aujourd’hui avec des recettes miracles pour financer la transition énergétique, mais avec la volonté d’alimenter notre réflexion commune.

Trois aspects du financement de la transition énergétique peuvent être dégagés, tout d’abord la fiscalité, ensuite le financement et enfin l’investissement direct.

Certaines mesures financières ou fiscales peuvent être sources d’inégalités surtout si le débat public est tronqué. Nous devons donc être très vigilants sur les études d’impact qui doivent accompagner les nouvelles dispositions fiscales en matière de fiscalité écologique notamment.
Il est essentiel d’inscrire une évolution de la fiscalité écologique dans une réforme d’ensemble de notre fiscalité, rééquilibrant fiscalité progressive et fiscalité proportionnelle, prélèvements sur les revenus du travail et prélèvements sur les revenus du capital.

Nous devons avoir à l’esprit que la fiscalité doit être juste et efficace. Cela peut paraître évident pour nous tous, mais les capitalistes ces dernières décennies ont marqué des points en thématisant la fiscalité singulièrement sur les questions environnementales ; ainsi on parle de fiscalité écologique, de fiscalité environnementale, et même de fiscalité comportementale.

Pour la Fédération des finances, la fiscalité doit avoir un double objectif ; être plus juste c’est à dire permettre une meilleure répartition de l’effort contributif, et deuxièmement être plus efficace en agissant comme un levier puissant au service d’un développement économique durable et respectueux des intérêts des travailleurs, seuls producteurs des richesses.

Pour être juste, la fiscalité doit être progressive. Il faut impérativement réduire, et de manière drastique, la place des impôts proportionnels, comme la TVA dans les recettes fiscales, dans le même temps, il faut redonner tout son sens à l’impôt sur le revenu en le rendant plus progressif.

On voit ici, en quoi il est indispensable de porter partout la question d’une réforme globale de la fiscalité, car bien souvent fiscalité environnementale, écologique rime avec nouvelles taxes, or nous portons une diminution de la TVA parce que c’est un impôt particulièrement injuste, en effet, plus on est riche, plus le pourcentage du revenu consacré au paiement de la tva diminue.

Il ne s’agit pas de rejeter en bloc toute taxe par principe, mais d’avoir cette analyse systématiquement, il faut suivre par exemple les flux d’argent et se poser la question : qui au final paye la taxe ? Concernant la fiscalité environnementale ce sont souvent les travailleurs qui payent sans prise en compte de leur faculté contributive.

Je ne vais pas faire un bilan taxe par taxe, je n’ai pas le temps, et en plus elles sont devenues si nombreuses, que dans un rapport, la cour des comptes elle-même a reconnu qu’il était impossible d’en avoir une liste exhaustive.

On ne peut pas aborder la question de la fiscalité environnementale, sans évoquer la notion de « signal prix ». C’est une notion centrale, puisqu’on parle même parfois de fiscalité comportementale.

L’idée est de renchérir un bien ou un service par une taxe ou une contribution afin d’en diminuer la consommation et parallèlement le produit de cette taxe est ensuite fréquemment affecté à la subvention d’un bien dont on veut voir se développer la consommation. Typiquement il s’agit par exemple de taxer le gazole afin que les automobilistes s’en détournent.

Question : est-ce juste ? La réponse est non, l’hôtesse de caisse dont la journée de travail est coupée en deux (qui doit donc faire deux aller-retour quotidiens), qui est obligée de se loger à 50 kilomètres de son lieu de travail, hors de tout transport en commun, qui n’a pas les moyens de changer sa voiture diesel qui a 15 ans d’âge est touchée de plein fouet, par contre, à l’autre extrémité, les marques de luxe comme Corvette, BMW et Porsche ont sorti des véhicules hybrides.

Cette injustice n’est pas niée par les décideurs, clairement dans les rapports du sénat ou de la cour des comptes sur cette question, est développée l’idée que le marché fera son œuvre pour faire évoluer les habitudes de consommation et dans l’exemple qui nous occupe, le besoin de reconnaissance sociale poussera les consommateurs à imiter les plus riches petit à petit jusqu’en bas de l’échelle sociale.

On voit bien le caractère profondément scandaleux du signal prix comme moyen d’action publique, c’est un tour de force des capitalistes ces dernières décennies d’avoir imposé pour régler des problèmes profondément collectifs, des outils d’actions publiques reposant sur les lois du marché, jusqu’à la caricature des marchés de quottas carbone qui eux ne reposent pas sur une logique consumériste mais sur le mécanisme de la spéculation pure.

Un point maintenant sur les crédits d’impôts accordés aux particuliers pour des dépenses en faveur de la qualité environnementale de l’habitation principale, ces dépenses recouvrant à la fois des dépenses d’isolations mais aussi des dépenses d’acquisition d’équipement utilisant une source d’énergie renouvelable.

Voilà de nombreuses années que ces dispositifs existent, même s’ils varient fréquemment, que ce soient sur le type de dépenses (cela a pu concerner les véhicules gpl), ou les taux du crédit d’impôt.

En quoi ce moyen de financer ces équipements par la collectivité (car c’est de ça qu’il s’agit) nous pose problème : repartons de nos critères d’analyses : justice et efficacité.

La justice d’abord : le montant de l’aide, est en générale inférieure à 50% des sommes engagées, soit pour les équipements utilisant une source d’énergie renouvelable de 11 à 40% :
ainsi pour une dépense de 14265 € (montant moyen déclaré en 2012 pour l’installation de panneaux photovoltaïques), 1569€ remboursés (taux à 11%) soit 12.696€ en moyenne restant à la charge du contribuable, sans compter que le remboursement intervient avec un an de décalage.

Il est donc évident que tout le monde ne peut pas supporter un tel montant de dépense ;

Ensuite, même si ces dispositifs ne sont jamais réservés au propriétaire de la résidence principale, dans la pratique, le locataire se lance rarement dans ce type de travaux pour un bien qui ne lui appartient pas.

Enfin, le circuit de l’argent : n’ oublions pas que c’est la TVA qui rapporte le plus au budget de l’Etat, simplifions donc pour être clair: la tva que paye un chômeur non-imposable va subventionner des travaux menés dans la résidence d’un contribuable pouvant engager plusieurs milliers d’euros.

Pour finir ce point, parlons efficacité : ce mécanisme de subvention (appelons-le comme cela) ne permet pas un développement industriel pérenne, (c’est l’exemple du photovoltaïque) : un crédit d’impôt de cette sorte est toujours limité dans la durée (même si elle est pluriannuelle), alors même que le montant global du dispositif ne peut pas être prévu dans le budget de l’Etat ; ainsi, les contribuables sachant que le dispositif est temporaire, vont par effet d’aubaine entraîner une

« Surchauffe » de la demande pour un secteur particulier, le succès de la mesure portant en lui sa fin programmée.

En effet, le développement incontrôlé du secteur pesant de plus en plus lourd dans le budget de l’Etat, le législateur a la tentation de stopper brutalement le dispositif, estimant le secteur arrivé à maturité, ce qui représente un cataclysme économique pour les entreprises concernées, les contribuables reportant leurs travaux jusqu’à la prochaine mesure.

Une solution alternative serait de subventionner directement des travaux (comme l’ANAH le fait déjà̀ mais uniquement pour les propriétaires) en versant une aide déconnectée de la déclaration de revenu, mais qui prendrait cependant pour son montant en compte le niveau de revenu de l’occupant et pourrait ainsi atteindre des niveaux d’aides très importants pour les plus pauvres.

Le système du crédit d’impôt aujourd’hui on le voit est trop généreux avec les plus riches et trop chiche avec les plus pauvres.

Cela a l’avantage aussi pour le citoyen d’éviter le décalage entre paiement et versement de l’aide, et au niveau budgétaire cela permettrait de voter une enveloppe globale de subventions pluriannuelles afin d’avoir une vision stratégique de développement d’une filière dans la durée, et d’éviter les
« bulles éphémères ».

Financer la transition énergétique nécessite donc d’abord de redonner des moyens financiers à la puissance publique par une fiscalité juste et efficace.

Pour ce faire, il s’agit également de rétablir une plus grande égalité des entreprises face à l’impôt, sachant que pour aller vite les plus petites payent d’avantage que les plus grosses entreprises, et il s’agit de faire de l’impôt sur les sociétés un outil au service de l’efficacité économique, environnementale et sociale.

A cette fin, son taux serait modulé en fonction des politiques mises en œuvre par exemple en matière d’investissement, de recherche, de respect de l’environnement, ce qui inclus bien sûr les initiatives en faveur de la transition énergétique. Au niveau local nous proposons de créer un impôt local des entreprises favorisant l’emploi et le développement des territoires, la transition énergétique ne pouvant se concevoir sans prise en compte de la question de l’aménagement du territoire, et donc du développement harmonieux des territoires, c’est à dire l’exact opposé de ce que l’on nous propose aujourd’hui avec la réforme territoriale.

Enfin, la transition énergétique, n’est pas qu’un enjeu national, la question de son financement ne peut donc pas l’être non plus, en effet, l’effort financier nécessaire se révélerait rapidement mortifère au sein d’un système capitaliste international se livrant une concurrence acharnée, qu’elle soit sociale ou fiscale sur le dos des travailleurs des différents pays.

Nous proposons pour y faire face plusieurs leviers à mettre en œuvre prioritairement au niveau européen, avec notamment une baisse généralisée des taux de TVA, la réhabilitation de l’impôt sur le revenu progressif, la mise en place d’un impôt sur les sociétés unique pour les entreprises transnationales, une véritable taxe sur toutes les transactions financières etc…

Passons maintenant à la question du financement c’est à dire le crédit et la politique monétaire :

Pour réussir cette transition énergétique et économique, la question du financement des mesures est essentielle, et on l’a vu rapidement, une réforme juste permettant de dégager des moyens considérables est possible.
Cependant le seul financement public au niveau national ou local ne pourra suffire. La Fédération des finances souhaite donc approfondir les conditions dans lesquelles le secteur bancaire pourrait être plus impliqué.

La Fédération des finances considère que pour assurer le développent humain durable, et donc financer la transition énergétique tout en évitant d’emprunter sur les marchés financiers spéculatifs, il est urgent de créer un pôle financier public.
Ce pôle financier public est la mise en synergie d’établissements publics (Banque de France, CDC, BPI, Crédit Foncier, Ubi France) avec d’autres établissements bancaires publics comme la Banque Postale. Ce pôle serait complété de tout établissement financier qui passerait sous contrôle public.

Ce pôle par la cohérence des missions publiques et d’intérêt général des établissements qui le composent, par les critères qui guideraient les crédits qu’il accorde et par l’influence sur la gestion des entreprises où il posséderait des participations, serait un vrai levier financier, économique, mais aussi politique. Il permettrait, non seulement de réorienter l’investissement public en fonds propres, mais également, de changer radicalement le comportement du secteur bancaire et financier dans son ensemble afin de réorienter le crédit, et servir de point d’appui à une nouvelle sélectivité de la politique monétaire.

Au delà du pôle financier public, la Fédération des finances propose, de concert avec la Fédération des Personnels de la Banque et de l’Assurance, et la Fédération des activités postales et des télécommunications un travail en commun sur un projet CGT de mise sous contrôle social et démocratique de l’activité des banques, ce qui impliquera notamment de réfléchir à de nouvelles formes d’appropriation collective de ces établissements.

Financer la transition énergétique, c’est aussi mettre en place une autre politique monétaire au niveau européen ; les États doivent pouvoir emprunter directement auprès de la BCE à des taux d’intérêt bas, au lieu de devoir emprunter auprès des marchés financiers, parfois à des taux usuraires. L’euro système doit également prêter à des taux très bas aux banques pour qu’elles financent la transition énergétique, il doit pénaliser, voir refuser, son soutien au marché de titres financiers, ainsi qu’à la spéculation financière.

Ce crédit sélectif est possible en modulant les taux de financement (cela a déjà été pratiqué en France entre 1992 et 1995 pour sauver le système monétaire européen), c’est possible également en instaurant des réserves obligatoires différentiées selon les politiques suivies par les banques, et en instaurant de nouvelles normes prudentielles.

Il est indispensable également qu’un outil comme la BPI voit ses missions développées, entre autres autour du financement de la transition énergétique.

Pour ce faire, la diversité des missions assignées à la BPI nécessite des moyens plus importants. La Fédération des finances juge indispensable que la BPI puisse se refinancer auprès de la BCE.

Par ailleurs, pour améliorer ses moyens, la BPI pourrait s’appuyer sur la mobilisation de l’épargne populaire au niveau des territoires, par exemple à travers un livret d’épargne emploi-industrie.

Pour nous la rentabilité ne doit pas constituer en soi un objectif. Elle doit être subordonnée aux autres objectifs plus fondamentaux, comme la transition écologique et énergétique.

L’implantation territoriale de la BPI nécessite une coordination rigoureuse des activités des antennes régionales afin d’assurer un développement harmonieux et solidaire des territoires.
Ainsi, au sein du conseil d’orientation national et des 27 conseils d’orientations régionaux, la CGT se bat pour que la BPI dispose de critères environnementaux dans l’attribution des prêts à la place des actuelles logiques de rentabilité.

Comme je le disais, la CGT se bat également pour que cette banque d’investissement se refinance massivement auprès de la BCE, ce qui est possible via ses filiales BPI France Financement et BPI France Investissement.
Même si la mise en place de la BPI ne nous satisfait pas, nous pouvons néanmoins par notre présence dans les conseils d’orientations permettre d’infléchir son action et sa doctrine d’intervention en faveur notamment de la transition énergétique.

Enfin, le troisième aspect du financement de la transition énergétique est l’investissement direct. L’enjeu de la transition énergétique implique nécessairement de l’inclure dans les doctrines d’investissement mises en œuvre par les instituions financières publiques qu’il s’agisse de la BPI, mais aussi de la caisse des dépôts.

Je rappelle que l’encours global cumulé du Livret A, du Livret Développement Durable ou du Livret d’Épargne Populaire représente près de 400 milliards d’euros. Cependant depuis une vingtaine d’années, une série de décisions politiques est venue mettre à mal la pérennité de ce système d’épargne populaire garantie par l’Etat créé il y a près de deux siècles : privatisation des caisses d’épargnes, banalisation du statut de la banque postale, collecte du livret A ouverte à toutes les banques, fin de la centralisation intégrale du livret A à la Caisse des dépôts.

Ainsi aujourd’hui, les banques commerciales peuvent conserver en dépôt, sans aucun engagement d’intérêt général un encours de 190 milliards d’euros d’épargne populaire et les employer si elles le veulent pour couvrir des activités spéculatives. Alors que dans le même temps, la CDC est chargée entre autre de financer la réhabilitation thermique des logements, sans parler de la construction de 150 000 logements sociaux par an.

Il est impératif de renforcer la centralisation des fonds d’épargne réglementée à la caisse des dépôts, de mettre sous contrôle démocratique l’utilisation des fonds d’épargne populaire laissés en dépôts dans les banques.

En conclusion, la fiscalité environnementale doit s’inscrire dans une réforme fiscale d’envergure en faveur du monde du travail. Nous voyons ainsi que l’enjeu du financement de la transition énergétique, nécessite à tous les niveaux, que ce soit par la fiscalité, le financement, ou

L’investissement, l’impératif de renforcer les capacités d’intervention publique.

Voilà des dizaines d’années que les décisions politiques successives ont affaiblie la puissance publique dans l’intérêt du capital. Il est impossible d’aboutir à une transition énergétique, et encore moins écologique sans affronter les intérêts des capitalistes ; du reste souvent dans les rapports des institutions comme le sénat ou la cour des comptes sur ces questions, ils se heurtent eux-mêmes à un mur idéologique, puisqu’il s’agit toujours de trouver une solution au sein de l’économie capitaliste telle qu’elle existe aujourd’hui, et donc on tourne en rond et on finit toujours par faire payer les travailleurs.

L’objectif de cette présentation trop rapide pour être précise, est de montrer que le financement de la transition énergétique est tout à fait possible à condition de changer de cadre idéologique.

A notre sens, à chaque fois que nous nous retrouvons à discuter de ces questions, l’enjeu de la bataille est de prioriser les modes de financements, en clair, commençons par appliquer nos solutions (qui pour beaucoup on fait leur preuve dans ce pays que ce soit la politique monétaire, du crédit, la fiscalité ou l’investissement public) et après si cela n’est pas suffisant ouvrons le débat sur la création de contributions, taxes etc…

Les grands enjeux de connaissances scientifiques et technologiques pour l’énergie

Intervention de Serge VIDAL (Fédération CGT Mines-Energie).

Lire le texte de l’intervention

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La CGT met en avant l’effort de recherche comme un moyen de faire face aux défis énergétiques. Je vais illustrer les enjeux principaux que cela recouvre. Mais tout d’abord, il est utile de rappeler que les enjeux technologiques ne sont pas tout pour la CGT, les enjeux économiques, sociaux et politiques sont aussi déterminants.

Si nous mettons l’enjeu de la recherche en avant, ce n’est pas pour faire moderne ou parce que nous privilégierions l’après-demain à l’aujourd’hui. Nous voulons répondre à la fois aux besoins actuels, réduction des inégalités et développement en France et dans le Monde, droit à l’énergie, ré-industrialisation de la France et anticiper les besoins à venir en faisant face aux risques climatiques et sanitaires annoncés. C’est pour tenir pleinement cet ensemble d’objectifs que nous disons que toutes les solutions techniques à moyens et à longs termes ne sont pas sur la table aujourd’hui, d’où notre insistance sur l’effort de recherche pour ouvrir le champ des possibles.

Il apparait difficile de répondre aux besoins futurs sans diversification des ressources et sans augmentation de l’efficacité dans l’utilisation de l’énergie, notamment dans l’habitat (isolants à haute performance, matériaux de stockage/restitution de la chaleur et des transports (nouvelles technologies de combustion et hybridation électrique / thermique) en généralisant les solutions déjà disponibles et en recherchant des solutions innovantes.

Précisions tout d’abord qu’il ne faut pas confondre recherche et investissements. Investir, c’est créer, construire, développer, reconvertir avec les connaissances du moment. Des investissements importants sont nécessaires, autant pour la fourniture d’énergie que pour son utilisation, notamment dans les transports de marchandises et de personnes. C’est une bataille de première importance pour la CGT, pour que ces investissements (infrastructures, installations, équipements et services publics), soient à la hauteur, pour qu’ils soient fiancés, pour qu’ils soient créateur d’emplois durables et de qualité.

La recherche, qui va du fondamental à l’appliqué, comporte pour sa part, une part d’incertitude sur les résultats espérés et sur la date de leurs disponibilités. Elle se pilote essentiellement par le gréement des compétences, de moyens expérimentaux et de simulations et non pas par l’aval. La CGT revendique l’accroissement quantitatif de l’effort de recherche sur toute la chaine, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée en passant par le développement expérimental, avec des financements stables et la pérennisation des organismes publics de recherche et de leurs missions amont.

Bien que la distinction ci-dessus soit un peu théorique – il y n’a pas de limites objectives franches entre investissement, expertise et recherche, entre recherche fondamentale et appliquée, entre recherche fondamentale, recherche technologique et recherche industrielle – toutefois il est utile pour notre action syndicale de défendre chaque maillon face à la pression du court terme et du pilotage par l’opérationnel.

On nous accuse parfois à l’inverse d’être ringards parce que nous n’intègrerions pas d’emblée des révolutions technologiques promises mais non encore démontrées dans les décisions actuelles pour la production énergétique. Nous ne voulons en effet pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, nous ne voulons pas prendre le risque de pénurie énergétique.

J’y reviendrai, nous revendiquons de chercher dans tous les domaines, sans déshabiller Pierre pour habiller Marie, et en même temps nous demandons d’être pragmatiques dans la prise des décisions. Il s’agit de faire des choix en disposant de réelles alternatives.

Il est à noter aussi que la recherche se construit dans la confrontation et le dialogue avec le réel. Il faut distinguer les controverses scientifiques des décisions qui s’imposent. Par exemple, ce n’est pas parce qu’il y encore des discussions scientifiques sur l’origine, l’ampleur, le rythme et les conséquences du changement climatique, qu’il n’est pas urgent d’agir face aux risques identifiés.

L’étude des scénarios prospectifs n’est pas une démarche stabilisée mais ils sont nécessaires pour prendre les meilleures décisions aujourd’hui afin d’anticiper les évolutions. Ce n’est pas parce qu’il y des incertitudes sur l’état des réserves énergétiques qu’il ne faut pas agir pour permettre l’accès aux réserves à toutes les populations du Monde, ce qui va se poser de façon de plus en plus critique même avec les incertitudes actuelles.

Quand on parle de recherche dans la transition énergétique, on parle aussi bien des usages que de la fourniture d’énergie. Le spectre est très large. Des recherches dans l’automobile, sur les matériaux, dans les NTIC aux technologies de production énergétique en passant par l’alimentation, la sociologie et les connaissances géographiques et climatiques, entre autres.

On pressent que la donne pourrait changer suite à des avancées scientifiques. Si l’électricité était massivement et aisément stockable, si on réussissait à éliminer le CO2 ou le méthane dans l’atmosphère mais aussi si les nanomatériaux faisaient baisser fortement les masses transportées, si les NTIC, la biomasse, la supraconductivité… le contexte industriel et social serait différent.

Il n’est pas de notre ressort ici de trancher les questions scientifiques. Toutefois, il est utile d’avoir une idée des potentialités et éventuellement repérer les sujets injustement délaissés. Pour les illustrer, je me suis appuyé sur deux rapports, un du comité prospectives de l’Académie des sciences et un autre de l’alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie, l’ANCRE.

Pour l’énergie éolienne, le problème de l’intégration de cette énergie intermittente dans le réseau n’est pas bien résolu lorsque cette source d’énergie est développée à grande échelle. La question du stockage massif de l’électricité est une question clé, couplée à l’intégration des technologies de l’information dans le pilotage du réseau électrique. Des améliorations concernant les performance et la fiabilité, notamment des éoliennes flottantes et dans la prévision météorologique sont attendues.

Pour les énergies marines, il faut améliorer la prédiction et la simulation de la ressource, l’amélioration des raccordements, l’amélioration des installations en mer.

Pour le solaire thermodynamique ou à concentration, les recherches à conduire concernent les composants (systèmes de concentration du rayonnement, nouveaux absorbeurs) pour des centrales solaires de nouvelle génération, plus efficaces et plus économes en eau, des cycles combinés qui permettraient d’accroitre le rendement global, des turbines à gaz solarisées, des cycles thermodynamiques à haute performance, des procédés solaires non-conventionnels pour la production d’hydrogène ou de combustibles de synthèse sans émission de CO2.

Pour le solaire photovoltaïque, beaucoup de pistes sont ouvertes par rapport aux systèmes actuels. Il faut poursuivre les recherches visant une utilisation à la fois plus efficace et plus complète du spectre solaire en portant les efforts sur de nouvelles couches minces semi-conductrices non toxiques, des couches minces à multi-jonction, les technologies de réalisation de ces couches minces aisément industrialisables et permettant de minimiser les couts. Il y a les technologies dites de troisième génération (photovoltaïque à concentration, nanoparticules, polymères conducteurs). En dehors de ces recherches à caractère plutôt fondamental il faut chercher à optimiser la fabrication des modules et panneaux, optimiser les conditions de leur mise en service. Le développement du photovoltaïque est aussi lié à l’adaptation des réseaux électriques à la production d’énergie électrique intermittente et au stockage de l’électricité, soit localement, soit au niveau des réseaux.

Pour les biocarburants, la première génération qui repose sur la culture de plantes oléagineuses ou sucrières présente peu d’intérêt énergétique et environnemental et entre en concurrence potentielle avec les cultures pour l’alimentation. La deuxième génération qui valorise les parties non comestibles de la plante semble plus intéressante sur le plan énergétique mais nécessite de nouvelles recherches pour optimiser les procédés chimiques et biotechnologiques. De même, des efforts de recherche accrus sont nécessaires pour une exploitation de la troisième génération de biocarburants, à savoir les molécules (sucres, alcools, lipides, hydrogène…) produites par les microorganismes photosynthétiques comme les micro-algues. Il est aussi nécessaire de développer d’une vision prospective pour développer au mieux ces filières. Les recherches à conduire nécessitent des bilans énergétiques complets, une approche interdisciplinaire entre la chimie, le génie des procédés et les biotechnologies. Une nouvelle chimie bio-sourcée qui pourrait remplacer à terme la chimie fondée sur les ressources fossiles. Notons également la forte demande pour le développement de biokérosène à destination de l’aéronautique.

Pour les énergies issues de la biomasse, il y a l’élimination des impuretés dans les filières thermochimiques, la simplification des processus pour la voie biologique.

Pour le pétrole et le gaz, les recherches pour augmenter les réserves de pétrole et de gaz relèvent largement des techniques de la géophysique, des technologies d’exploitation qui doivent être adaptées à des conditions de plus en plus complexes, à l’amélioration de la sureté et de la protection de l’environnement.

Pour les gaz de schiste, il faut mieux évaluer les réserves accessibles, améliorer les procédés d’exploitation, mieux évaluer l’impact environnemental et développer des méthodes d’exploitation qui minimisent cet impact.

Pour l’énergie géothermique, l’extraction est repose sur des technologies éprouvées. Selon les niveaux de température atteints par l’eau chaude produite en surface, on parle de basse énergie, d’énergie moyenne ou de haute énergie. Au-dessus de 150 °C (haute énergie), la production d’électricité est possible. La principale difficulté réside dans la recherche des gisements. C’est donc aux géosciences qu’il faut faire appel en matière de recherche.

Pour la filière nucléaire, il y a la génération 4, qui représente l’avenir de l’énergie nucléaire faisant suite aux réacteurs à neutrons thermiques de deuxième génération à vie prolongée et de troisième génération, comme l’EPR. Les réacteurs de génération IV posent des questions nouvelles en termes de sureté. Il faut assurer la stabilité du réacteur en cas de perte du réfrigérant, gérer le sodium qui réagit violemment avec l’eau, avancer sur le multirecyclage des matières fissiles, étudier la résorption de l’inventaire de ces matières lors de l’arrêt ultime de la filière.

Pour la fusion nucléaire, la fusion par confinement magnétique ou la fusion inertielle sont des études sur le long terme. Avec Iter, il s’agit de vérifier qu’il n’y a pas de difficultés associées au changement d’échelle. En plus des problèmes scientifiques de confinement du plasma, il y a beaucoup de problèmes technologiques à résoudre lorsque la puissance augmente. En particulier, la question de la stabilité des matériaux est centrale. La recherche doit aussi couvrir le domaine des réacteurs hybrides fusion-fission.

Pour le transport de l’énergie électrique, les recherches à conduire portent sur les lignes à très haute tension à courant continu, la synchronisation des phases pour des réseaux alternatifs de longue distance, les systèmes de protection adaptés en cas d’incidents de réseau qui peuvent conduire à un « blackout » de grande envergure.

Pour la capture, le stockage ou la valorisation du CO2, bien qu’il soit difficile aujourd’hui de voir comment passer des démonstrations de petite taille à des mises en œuvre à grande échelle, il convient de continuer les recherches visant à optimiser la capture du CO2 sur les sites de grande production (centrales, cimenteries) et le stockage à relativement grande échelle y compris dans les formations géologiques. De plus le CO2 peut être valorisé, bien plus qu’on ne le fait aujourd’hui en tant que source de carbone, dans des procédés chimiques conduisant à sa conversion en molécules organiques d’intérêt, en polymères. Ces procédés peuvent consister en une transformation directe du CO2 ou en sa réduction par l’hydrogène. Les recherches dans ce domaine doivent être renforcées pour améliorer et diversifier les synthèses de carburants à partir du CO2 et d’hydrogène, améliorer et diversifier la synthèse de molécules organiques à partir du CO2 pour l’industrie chimique.

Pour le stockage de l’énergie, qui peut se faire sous forme mécanique, chimique/électrochimique ou thermique, c’est aujourd’hui le stockage mécanique utilisant le pompage de masses d’eau ensuite turbinées pour restituer l’énergie stockée qui est le plus utilisé. Une autre méthode repose sur la compression d’air. Une grande variété de méthodes est disponible pour stocker l’énergie sous forme chimique : batteries électriques, production d’hydrogène par électrolyse puis restitution de l’énergie par le biais d’une pile à combustible ou d’une turbine à gaz, production d’hydrogène pour la synthèse de combustibles liquides ou gazeux. Enfin, le stockage sous forme thermique est bien adapté à l’énergie solaire à concentration et peut permettre de prolonger la production l’électricité après la période diurne d’ensoleillement. Les recherches doivent porter sur les possibilités de mise en place de station de pompage dans des configurations de faible élévation, sur l’extension des limites physiques du stockage électrochimique de l’électricité. Des recherches sont nécessaires notamment pour les applications liées au transport, le stockage sous forme d’hydrogène avec conversion par pile à combustible haute et basse température ou par turbine à combustion dans le cadre d’un cycle combiné et les possibilités d’utiliser l’hydrogène pour la fabrication de carburants synthétiques.

L’efficacité dans l’utilisation de l’énergie n’est pas moins importante que l’efficacité dans la production d’énergie.

Pour le bâtiment, en attendant les réseaux dit intelligents, il est nécessaire d’accroitre l’effort de recherche sur les composants avancés (enveloppes multifonctionnelles à propriétés variables pilotées, organes de commande des consommations) ; l’intégration aux bâtiments de ces composants ; les modes de synergie énergétique (récupération de chaleur ou de froid, interfaces bâtiments/véhicules).

Pour les véhicules, les progrès passeront à la fois par des évolutions incrémentales (par exemple réduction des résistances au mouvement à travers la poursuite des évolutions tendancielles en matière de pneumatiques et de trainée aérodynamique) ou en rupture (permettant par exemple de diviser par deux ou plus les consommations tout en conservant des véhicules multi-usages). Une option réside dans l’apparition de véhicules dédiés, principalement urbains. Il y a l’utilisation de matériaux innovants, notamment en matière de couts de fabrication et d’usage, et les réductions substantielles des consommations d’énergie, la substitution de carburants pétroliers par des biocarburants ayant un bon bilan en termes d’émissions de gaz à effet de serre, les véhicules électriques ou encore des véhicules à hydrogène. Les transports de personnes, l’évolution des caractéristiques techniques des véhicules et les technologies de l’information sont intimement liés.

L’ANCRE présente les sujets suivants comme prioritaires :

  • Le stockage statique centralisé et décentralisé de l’électricité,
  • Le stockage embarqué de l’électricité,
  • L’hybridation des réseaux électricité-gaz-chaleur
  • Mise en œuvre de sites industriels intégrés
  • Optimisation et mobilisation des ressources en biomasse
  • Capture, séquestration ou recyclage du CO2
  • Développement du chauffage urbain
  • Véhicules à moteur thermique à 2 l/100km,
  • Diffusion des véhicules électriques ou à hydrogène
  • Production d’hydrogène bas carbone
  • Pompes à chaleurs haute et très haute température
  • Éolien offshore flottant

Cette liste, qui date de 2012, présente les principales programmes de recherche et est orientée applications mais n’est pas exhaustive. On peut aussi citer les recherches dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture, sur la méthanation, sur les évolutions sociétales liées à l’extension du partage des usages ou de l’économie circulaire sans oublier les études d’impacts. Certains prédisent une troisième révolution industrielle induite par les impressions 3D, les machines autoréplicatives, l’opensource hardware et les objets connectés en oubliant au passage la question des matières. Tous cela impactera la demande et la fourniture d’énergie.

La loi voté la semaine dernière, qui comporte par ailleurs des aspects très négatifs, reconnait, je cite que “la recherche et l’innovation constituent un axe majeur de la politique de transition énergétique. Elles contribuent notamment à répondre aux défis de la sécurité énergétique, du soutien de la compétitivité globale de l’économie, de la préservation de la santé humaine et de l’environnement, de la limitation du risque climatique, de la gestion économe des ressources, de l’accroissement de l’efficacité énergétique, du développement des énergies renouvelables et de la cohésion sociale et territoriale”.

En guise de conclusion, on voit que le champ est très vaste mais que le problème réside dans la mise en oeuvre.

Recherche, Industrie et Emploi

Intervention de Sylvain DELAITRE (Fédération CGT de la Métallurgie).

Voir le diaporama

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 Comment intégrer les recherches, entre transition et société ?

 Intervention de Philippe SOULIER (IR CNRS, SNTRS-CGT, collectif RESE-UGICT).

Quelle place pour la recherche en SHS (Sciences « humaines et sociales ») dans la question de la transition énergétique ? Pour une intégration des recherches, et des actions, entre « énergie » et « société ».

Lire le texte de l’intervention

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Introduction présentant la place de cette intervention, et annonçant le plan de l’exposé, qui se propose d’organiser une série de réflexions générales sur le thème de cette journée sur les enjeux de la recherche :

Je vais développer mon intervention en trois points :

  • A/ la distinction (non pour les opposer mais au contraire pour en montrer l’indispensable articulation) des recherches concernant les innovations industrielles des recherches théoriques fondamentales.
  • B/ Ensuite, j’aborderai en quoi des disciplines aussi éloignées en apparence des aspects techniques et industriels que les Sciences de l’homme et de la sociétépeuvent (et doivent) apporter à ces recherches dans le cadre du débat sur la « transition énergétique »
    • Ce point étant ici le plus important, je le déclinerai en deux parties :
      • B.1 : état actuel et officiel de la question, en termes d’applications dans les recherches énergétiques
      • B.2 : Une autre manière de voir les choses par et avec les recherches en SHS.
  • C/ Enfin, je terminerai par cette notion de Transition énergétique qui dépasse de loin la question de l’énergie car c’est une question, avant tout, de choix de société, et par la place que peut et doit occuper notre CGT dans ce débat.

A/ Recherche fondamentale et recherche industrielle :

A.1 : Pour des raisons fonctionnelles générales (objectifs, organisation et financements), on a l’habitude de distinguer la recherche fondamentale de la recherche industrielle alors même qu’elles sont étroitement dépendantes l’une de l’autre :

  • La recherche fondamentale cherche à savoir établir autrement les constats et les données du connu, à formuler autrement les questions, à repérer les potentialités du hasard (la sérenpidité) autant qu’à tirer les enseignements des impasses, à chercher au-delà du connu et donc, finalement, à établir et transmettre de nouvelles connaissances autant que de nouvelles manières de voir.
  • La recherche industrielle consiste à savoir s’approprier ces nouvelles connaissances pour apporter de nouvelles réponses aux besoins de l’industrie, de la production et de la société, à court et long termes. Précisons que, dans ce cadre de « recherche industrielle », des chercheurs, voire des ingénieurs et techniciens, peuvent aussi se trouver face à des « découvertes » non prévues, et savoir en exploiter les potentialités.

Dans l’une comme l’autre, on peut reconnaître deux volets : le premier, le plus courant, est celui qui multiplie systématiquement les manipulations, analyses et expériences pour affiner et explorer les secteurs de recherche et les protocoles de mise en œuvre ; le second, plus rare, s’appuie sur ce premier volet indispensable et permet, grâce à des circonstances particulières ou/et à un chercheur particulier, de trouver de nouveaux champs de réflexion pouvant amener à un nouveau paradigme. C’est le cas, par exemple de la révolution copernicienne et de toutes celles qui ont modifié de manière radicale les processus de pensée et de compréhension du monde, chez les chercheurs ou dans la société.

A.2 : Leurs relations :

Comme l’illustre l’image de Claude Aufort, les recherches fondamentales garnissent des étagères sur lesquelles ceux qui veulent développer de nouveaux produits peuvent venir se servir. D’une manière générale, la recherche se nourrit de collaborations entre tous et non de compétitions fermées sur soi.

  • Soulignons d’abord que, si la recherche industrielle a vocation à être financée et organisée par le secteur productif marchand, la recherche fondamentale ne dispose que des fonds publics pour ses activités.
  • Il faut également relever que, dans leurs interactions :
    • 1. Les impératifs de la production en recherche industrielle vont souvent à l’encontre du temps induit par les « prises de» dont la recherche fondamentale fait son quotidien
    • 2. Par ailleurs, les recherches fondamentales comportent explicitement de larges secteurs qui s’inscrivent, sur le très long terme, dans des perspectives d’éventuels développements industriels en aval, alors même que nous ne pouvons les définir précisément en amont.
  • C’est une question
    • d’échelle
    • de temps
    • et de conceptualisation.

On voit par ces quelques indications que ces deux volets des recherches sont étroitement dépendantes l’une de l’autre, même si cela n’apparaît pas toujours au quotidien.

Pour terminer ce survol, on peut dire que sans une recherche fondamentale dynamique et soutenue par des investissements publics pérennes, la recherche industrielle manque de socle pour son développement.

Et que sans recherche industrielle performante, la recherche fondamentale manque souvent cruellement d’interlocuteur pour sa propre évolution.

A3/ Relations « recherche » et « société » en général :

            Qu’il s’agisse de recherche fondamentale ou de recherche industrielle, la question des relations entre recherche et société se pose dans les mêmes termes, et on peut évoquer ici certains aspects généraux de ces relations :

  • Les relations entre « Sciences » et « Société » ont toujours été un sujet à la fois de tension et d’adhésion, reflétant un sentiment soit de méfiance, soit de confiance (mécanisation, automatismes, vaccinations, génétique, OGM, nano technologies, nucléaire,…).
    • Cela peut, dans un sens, se traduire par un rejet dont les domaines évoluent en fonction des époques, des connaissances du sujet, et des conséquences des modalités d’application sur la société.
    • Cela peut aussi, à l’inverse, se traduire par une soif de connaissances et encore plus par un besoin de comprendre les mécanismes amenant aux nouvelles connaissances. Ces démarches d’appropriations étant le plus souvent le meilleur vecteur de lutte contre les obscurantismes de toutes périodes de l’histoire.
      • C’est donc dans l’intérêt des sociétés autant que d’eux- mêmes, que les chercheurs doivent rendre largement compte de leurs travaux.
      • Qu’il s’agisse d’adhésion ou de rejet, les opinions des uns et des autres doivent reposer sur l’appropriation raisonnée de l’information, de la connaissance, le débat, et non sur la « croyance aveugle et dogmatique », qu’elle soit positive ou négative.

         

  • Ceci est d’autant plus important que les relations entre société et recherche incluent entre la question de « qui doit établir les objectifs, programmes et les orientations de recherche » ?
    • Il est légitime de penser que les besoins sociaux de chacun, voire des industries de production, doivent rentrer dans les préoccupations des chercheurs et des « dé» (qui font partie intégrante des membres de la collectivité sociale),
    • Il est non moins légitime (et indispensable) que les programmes et thèmes de recherches soient laissés à l’initiative des chercheurs eux-mêmes et de la communauté scientifique. Seuls ceux-ci peuvent en appréhender la pertinence alors que, les résultats n’en étant pas connus à l’avance, la société en général ne peut en avoir l’idée.
    • Les systèmes délégataires et représentatifs doivent être contrôlés en fonction des objectifs et de l’intérêt commun, soutenus par les analyses des comités d’éthique des différents secteurs de la recherche.

       

B/ La place des SHS (= Sciences de l’homme et de la société) Que peut-elle être, plus précisément, dans la recherche en général et dans cette relation entre « fondamental » et « industriel » ?

  • Tout d’abord, que sont les SHS : ce sont celles de l’archéologie, de l’histoire et de la préhistoire, de la géographie, de la sociologie, de la philosophie, des sciences économiques, politiques et juridiques, de l’anthropologie sociale ou cognitive … de l’homme donc et de ses sociétés en général, à travers les temps et les espaces.
  • Pour et par toutes ces disciplines, il s’agit, au-delà de l’établissement des connaissances, d’ouvrir d’autres perspectives, d’avoir une approche citoyenne, critique et constructive – donc informée pour tous – de notions aussi essentielles et permanentes que : le progrès, le bien-être, les rapports entre société et environnement, entre individu et collectif, voire la nature même de l’humain dans sa diversité et son avenir, immédiat et à très long terme.
    • Sujet particulièrement sensible et transdisciplinaire au moment du développement des nano et bio technologies qui modifient les perspectives en matière de génétique, de reconstruction et de reproduction de l’espèce et du genre Homo lui-même.
  • Remarquons que les chercheurs en SHS font eux même, comme tous les chercheurs, partie de la société et qu’ils en subissent les effets culturels, que ce soit ceux de l’idéologie dominante ou ceux qui s’y opposent.

Récapitulons en trois points :

  • Nouvelles connaissances, histoire de la recherche et éthique sectorielle sont à la base des réflexions et élaborations des programmes en Sciences de l’Homme et de la Société.
  • Sans recherche fondamentale en SHS, condition même d’un débat critique et citoyen informé, la société n’assure pas son avenir.
  • Les SHS concernent aussi bien la recherche fondamentale que la recherche industrielle, dans laquelle les applications sont infinies.

Et abordons enfin le cas des recherches dans le domaine des énergies :

B.1 : D’abord vue côté applicatif de la SNRI (stratégie nationale de recherche et innovation) :

Hélas, force est de constater que seule les perspectives applicatives (industrielles et sociétales), sont promues actuellement par le gouvernement et le MESR.

Or, contrairement à leurs vœux, élaborés avant tout pour les besoins et les attentes des grands groupes financiers et industriels, nous ne sommes pas là simplement pour « accompagner » les avancées technologiques.

Surtout si c’est sans distinction ni sens critique en les promouvant dans la population pour les seuls intérêts financiers de l’économie marchande.

Cependant, c’est bien ce à quoi la tendance actuelle, mise en place aussi bien par Valérie Pécresse sous Sarkozy que Geneviève Fioraso sous Hollande, voudrait souvent nous réduire dans le cadre de la SNRI mise en place dans le contexte européen de la convention de Lisbonne…

Deux exemples actuels : le programme H2020 et le grand projet CNRS de « Défi transition énergétique »

B.1.1 : Le programme H2020 (qui signifie « Horizon année 2020 ») : présenté officiellement par le ministère en décembre 2013, il se développe en six « Défis sociétaux »

dont trois sont de nature « énergétique » :

  • Energies sûres, propres et efficaces,
  • Transports intelligents, verts et intégrés,
  • Lutte contre le changement climatique, utilisation efficace des ressources, matières premières,

Et trois très généraux :

  • Santé, évolution démographique et bien-être,
  • Sécurité alimentaire, agriculture durable, recherche marine et maritime, bioéconomie,
  • Sociétés sûres : protéger la liberté et la sécurité de l’Europe et de ses citoyens.

Avec une telle liste (au vocabulaire « consensuel-langue-de-bois »), on voit que les SHS sont partout et apparaissent comme stratégiquement indispensables !

Or, ces défis ne sont pas issus de la communauté des chercheurs mais correspondent bien aux objectifs politiques du gouvernement (SNRI) et du Secrétariat à la recherche (Fioraso).

De plus, trois impératifs « tendance » pour être éligible à ces financements donnent le ton :

  • excellence (voir le côté pervers de cette notion, souligné par le Comité d’éthique du CNRS),
  • gouvernance à l’échelle internationale (y compris en faisant appel à des « cabinets de management » privés)
  • efficacité sociale mesurable dans les 2 ans ! (comme si on pouvait connaître à l’avance l’impact réel d’une recherche dont on ne connait pas précisément les résultats).

B.1.2. : Le programme « défi transition énergétique » du CNRS :

Ce programme a été présenté dans la foulée dans un premier colloque tenu au siège du CNRS en janvier 2014.

  • Objectifs : « explorer de nouvelles voies et proposer des solutions scientifiques et technologiques originales susceptibles d’apporter à terme des réponses au défi de la transition énergétique »
    • « Approche intégrative, avec la prise en compte des conséquences sociales et des politiques publiques envisageables, des impacts environnementaux et de la disponibilité des ressources ».
  • Modes d’action
    • Projets exploratoires : (1 an)
      • Nouveaux concepts, nouvelles voies (peu d’équipes, financements 10 à 20k€ par an)
    • Projets fédérateurs : (3 à 5 ans)
      • Grands enjeux, très interdisciplinaire (beaucoup d’équipes, 50 à 100 k€ par an)

On est là dans le très court terme en matière de recherche, strictement applicatif, voire auxiliaire en ce qui concerne les SHS !

B.1.3. : Ces programmes et ces orientations montrent explicitement ou implicitement la volonté de mêler les SHS aux autres champs de la recherche. En soi, c’est évidemment positif.

Cependant, la durée de ces programmes, leurs budgets et leurs orientations montrent que la recherche est maintenant clairement contrainte par le politique et les lobbies industriels.

Mais le problème essentiel est que cette orientation ne vient pas s’ajouter aux autres, mais s’y substituer.

En effet, on constate de plus en plus que si la recherche en SHS sort de ces « clous », elle n’a plus de crédits et risque de se voir explicitement désavouée.

Or, en SHS comme ailleurs, autant que de financements, nous avons besoin de liberté aussi bien dans le rythme des travaux que dans les domaines à explorer.

B.2. : Une vraie valeur pour les SHS :

C’est pourquoi, à l’opposé de ces injonctions, nous défendons l’idée que les Sciences de l’homme et de la société sont là pour conduire des investigations sur le fond et le long terme, sur des notions aussi capitales (pour le thème qui nous réuni aujourd’hui) que les besoins, les risques et les usages des énergies.

B.2.1. : Notion de progrès :

Depuis déjà longtemps, les positions de Jacques Ellul et d’André Leroi-Gourhan, anthropologues des techniques engagés dans le domaine social dans les années 50 et 60 du siècle passé, et réfléchissant sur les notions de « progrès » ont montré que l’homme ne peut être dépassé par le progrès technique en soi (car c’est lui qui le met en place) mais peut être dépassé par son propre usage des techniques. C’est donc la société et son mode d’organisation et non la technique qui sont en cause.

B.2.2. : Notion de besoin : à définir en termes de demande réelle et non d’offre expansive.

Les seuls vrais besoins vitaux des hommes (c’est-à-dire communs à l’espèce et nécessaire à sa reproduction) sont l’air, l’eau et la nourriture, voire le territoire.

Auxquels s’ajoutent, puisque nous somme des humains vivant en sociétés diversifiées, les besoins sociétaux les plus divers, et parfois opposés, selon les groupes et les cultures.

Parmi ces besoins, ceux en énergie (depuis que l’homme maîtrise le feu) sont à la charnière entre besoins vitaux et besoin sociétaux tant les usages sont, par définition, culturels et sociétaux. C’est pourquoi les questions de l’énergie, de sa production à sa consommation, sont au cœur des approches en SHS.

B.2.3. : notion de risque

Qui dit recherche prospective, dit identification des risques, de leur échelle, de leur source et de leurs effets.

Exemples :

  • Risques vitaux : pénurie des réponses aux besoins vitaux, risques épidémiologiques, accidents énergétiques (dont nucléaires, mais pas que).
  • et sociaux : guerres et conflits, régimes dictatoriaux, fracture énergétique, alimentaire, informatique, éducative, etc.

Précisons, là aussi, que les « risques » ne sont pas tant techniques et scientifiques en soi, que de la responsabilité des sociétés à la mise en œuvre des processus de production.

B.3. : Aujourd’hui, après des millénaires de transformations techniques et sociales des processus de production, mais aussi de consommation, nous en sommes à une nouvelle ère :

  • avec la perspective de l’épuisement (ou de l’inaccessibilité) des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz ou uranium) ou des terres et minéraux rares entrant dans la composition des productions actuelles et futures,
  • avec les prémisses irréversibles de changements climatiques qui vont bouleverser des géostratégies à l’œuvre depuis plus d’un siècle (accessibilité et exploitation des territoires, que ce soit pour l’habitat ou les ressources en matières premières, minérales et végétales),

→ les questions doivent donc – maintenant et impérativement – être formulées à une autre échelle de temps et d’espace.

Ce changement de perspective correspond à deux phénomènes conjoints :

  • les phénomènes sont planétaires et concernent toutes les populations, immédiatement ou à très court terme
  • les consciences des peuples et les positions des gouvernements ont tendance à se mondialiser, que ce soit par le vecteur de rassemblements internationaux périodiques ou par les techniques modernes de communication (avec tout ce que cela permet également quant à captation des courants de l’info par une minorité, dans un combat idéologique d’autant plus présent quand il semble ne pas exister !).

Il s’agit donc d’inscrire nos réflexions, nos propositions et nos actions dans ces cadres.

C/ Notion de « transition » :

C.1. : au premier degré, le mot implique l’idée d’un état intermédiaire entre deux situations.

De fait, on pourrait presque penser que nous sommes en permanence en phase de transition depuis les premiers millénaires de l’humanité, il y a plusieurs millions d’années !

Depuis le 19e siècle, on a coutume en effet à voir se succéder un âge de pierre, du feu, puis de bronze, de fer, de la vapeur, de l’électricité etc. jusqu’à l’âge nucléaire (et ses différentes « générations »[1]) auquel devrait, pour certains, succéder celui des énergies dites renouvelables au terme d’une « transition énergétique »… qui nous feraient prendre une salutaire bifurcations nous écartant de cette ligne droite expansive.

Soulignons que si on prend au pied de la lettre cette notion de « transition », cela impliquerait au moins un objectif à atteindre, et un calendrier qui résulterait d’une combinaison complexe entre des échelles de temps et d’espace.

  • C.1.1. : échelles d’espace : l’espace est double, géographique et social, avec la nécessité de prendre en compte les évolutions aux échelles locales, continentales, océaniques et planétaires, voire atmosphériques et stratosphérique au point où en sont les occupations de l’espace…
  • C.1.2. : échelles de temps : du temps immédiat (celui du ressenti quotidien), du temps court (la génération), du temps long humain pensable (le siècle), du temps long géologique « impensable » (le pluriséculaire, le millénaire et au-delà)

Ces notions et échelles d’espace et de temps concernent aussi bien les questions de « besoin » des humains – de tous les humains – et les impacts et conséquences sur l’espace, que les capacités à produire de l’énergie et les modalités de sa consommation.

C.2. : Au deuxième degré, à y regarder de plus près, on constate non pas des « transitions » entre des ères technologiques qui se succéderaient, mais une progressive accumulation de solutions, qui se combinent dans des formules diverses, au gré des politiques industrielles mises en place par les régimes gouvernementaux.

On doit ajouter – mais c’est une constante depuis les débuts de l’humanité et à la suite de chaque nouvelle technologie permettant de développer les capacités en énergie – que les consommations planétaires cumulées en énergie ne cessent d’augmenter (globalement ET pour tous les secteurs) sous le double facteur

  • de la croissance démographique (quelles que soient les conséquences des catastrophes sanitaires ou guerrières)
  • et de la consommation énergétique (laquelle est, depuis le 19e siècle, bien plus tributaire des politiques d’offre de la part des producteurs que de celles de considérations des demandes réelles des populations).

D/ Les conditions du changement :

D.1./ Définir des objectifs

Il semble bien, aujourd’hui, que nous ne puissions échapper à la nécessaire maîtrise des consommations énergétiques, que ce soit par l’optimisation des modes de production et de consommation, par l’organisation des contrôles (techniques, institutionnels et citoyens) sur les filières de productions, ou par un nouvel équilibre impliquant une baisse drastique des demandes pour certains, condition d’une mise à niveau pour d’autres. Il est fort probable que, pour arriver à une solution durable et équitable, nous soyons contraints à combiner « sobriété » et « efficacité » énergétiques. La sobriété est avant tout une question culturelle de choix de société, l’efficacité est avant tout une question technique et scientifique.

Dans un cas comme dans l’autre, il est nécessaire de faire progresser les recherches, fondamentales et industrielles.

En marge de ces réflexions, on peut aussi imaginer un scénario par lequel « un jour » nous saurions produire et stocker sans limite de l’énergie pour tous, ce qui supprimerait toute idée de « crise énergétique ». Mais est-ce bien raisonnable, voire souhaitable ? C’est une question qui vaut d’être soulevée, donc à débattre…

On peut aussi dire que nous ne pouvons pas envisager de changement de mode énergétique avant une transformation sociale radicale et planétaire… mais, là aussi, est-ce réaliste ?

Quoiqu’il en soit, nous sommes dans l’urgence car croissance démographique et changement climatique se combinent déjà pour augmenter les flux migratoires de réfugiés climatiques, que ce soit aux échelles nationales ou internationales.

Quelles que soient les options suivies, ce sont au final des choix de société.

D.2. / Etablir des modalités de mise en œuvre :

Or, une difficulté, de fond, pour construire des propositions comme pour les mettre en œuvre, est que les rythmes

  • du changement climatique (aux effets différents selon les latitudes et les géographies)
  • de la recherche (et en comptant le temps réel entre découverte initiale et application effective),
  • des modalités industrielles (et d’adaptation des chaines et filières de production en général)
  • des réglementations internationales (et de leurs cohérences)
  • et de la vie quotidienne des uns et des autres (dans leur diversité),

… ne sont pas les mêmes.

Dans tous les cas, là aussi, ce sont des choix de société, et les recherches en Sciences de l’Homme et de la Société sont indispensables.

 

Conclusion :

Le programme est chargé, car il faut non seulement penser, trouver et imposer au plus vite des solutions réalistes et viables, mais créer les conditions sociétales pour que ces solutions puissent être effectives pour tous, et dans le long terme des générations à venir !

Pour cela, les Sciences de l’homme et de la société, grâce aux connaissances nouvelles qu’elles apportent sans cesse sur nous-mêmes, sont là pour nous permettre de réfléchir autrement en replaçant cette réflexion dans un contexte historique et sociétal.

La transition énergétique sera sociétale et sociale ou ne sera pas, car c’est avant tout un choix de société pour tous et par tous… Les SHS sont partie prenante de ce débat.

Pour cela aussi, la CGT est un outil social d’envergure regroupant des militants de toutes les branches concernées, de la recherche comme de l’industrie, de la physique et de la chimie comme de l’agriculture ou des SHS, des producteurs comme des consommateurs.

Ce n’est certes pas la seule CGT qui va trouver les solutions miracles : d’abord ça n’existe pas, ensuite, les solutions pérennes ne peuvent être que collectives et évolutives en fonction des situations nouvelles.

Remarquons simplement que cette notion de « transition énergétique », quel qu’en soit le contenu commun, quelles que soient les intentions que chacun veut y mettre, est certainement un très bon vecteur (car, pour le moment, médiatiquement porteur) pour poursuivre le débat sur des bases concrètes. Et cette journée montre bien que ce débat doit avoir lieu déjà dans la CGT. Dans, c’est-à-dire entre nos syndicats et nos fédérations, que ce soit à l’échelle des secteurs professionnels et de production, ou aux différentes échelles territoriales (national, régional, départemental, local et de site).

C’est ce que nous faisons aujourd’hui et devons continuer à faire urgemment.

Conclusions de la journée

 par Sylviane LEJEUNE , Secrétaire Nationale de l’Ugict-CGT.

Lire le texte de l’intervention

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Cette journée a permis d’exprimer à plusieurs voix les enjeux que recèle la transition énergétique envisagée ici sous l’angle de la Recherche.

Cela a été dit, la loi qui a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale ne répond pas aux enjeux qui sont posés. Elle a le contenu qu’on lui connaît, et même si l’on a réussi à faire entendre l’intérêt d’engager une réflexion sur certains aspects que la démarche ignorait, cette loi a ce contenu-là, parce que le débat n’a pas vraiment eu lieu.

Réchauffement climatique, transition énergétique sont des questions auxquelles la population est sensible, mais le traitement le plus courant de celles-ci, le plus médiatisé ne permet pas un débat qui ne soit pas schématique. Le débat est escamoté. Or on l’a vu, la transition énergétique ne souffre pas de simplification.

Les lobbys de toute sorte ne créent pas les conditions d’une véritable appropriation qui permettraient de tracer des perspectives répondant aux défis qui sont posés pour une maîtrise et une efficacité énergétique en réponse aux besoins sociaux inéluctablement croissants (accès à l’énergie pour tous, développement des activités industrielles, développement bien sûr de la recherche pour une politique énergétique…) dans le contexte nouveau des impératifs environnementaux.

Nous avons, la CGT, notre part de responsabilité dans ce débat, en tant qu’organisation syndicale de salariés : la journée a montré que partout où nous sommes, nous sommes en capacité d’analyser les possibles, les limites et en capacité aussi de formuler des propositions.

Sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui « la recherche pour la transition énergétique », cela a été pointé par plusieurs intervenants, le contexte de sous-investissement dans la recherche industrielle, d’austérité, de réduction des moyens de la recherche publique dans les organismes, les universités et les EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial) compromet objectivement les réponses qui seront apportées à ce dossier comme à d’autres, l’exemple de la recherche médicale a été cité.

Les politiques en vigueur sont contraires à ce qu’il faut faire aujourd’hui pour le développement, pour la relance, pour sortir de la crise.

Daniel Steinmetz l’a rappelé, la France bat des records pour les aides publiques aux entreprises, les niches fiscales pour la recherche, mais la part du PIB qui lui est consacrée n’a toujours pas atteint l’objectif pourtant peu élevé des 3 %.

Notre pays souffre d’un nombre insuffisant de docteurs formés chaque année. En comparaison aux autres pays, ce sont 10 000 docteurs formés annuellement contre 15 000 en Grande Bretagne et 26 000 en Allemagne.

Et malgré cela, à la mobilisation puissante des chercheurs du 17 octobre (faisant suite à des semaines d’actions diverses, mouvement qui se construit depuis quelques mois) qui souligne l’état dramatique, inquiétant de l’emploi scientifique en France, à l’interpellation responsable des 600 directeurs de laboratoires qui réclament un plan pour l’emploi scientifique, François Hollande répond « le crédit impôt recherche sera sur les trois prochaines années dans les mêmes dispositions qu’aujourd’hui ».

Il ajoute même « et nous essaierons même d’alléger les contrôles qui suivent ces facilités » !

Il fait dans cette même intervention référence aux réformes lancées sur le regroupement des universités pour en faire des pôles d’excellence et d’innovation. Il cite la réforme territoriale pour évoquer la suppression des échelons administratifs, entendons simplification.

Il ajoute enfin à cette liste l’idée d’Emmanuel Macron d’un actionnariat salarié pour intéresser davantage les personnels au succès de leurs entreprises investis dans l’innovation.

Voilà la réponse présidentielle aux revendications des chercheurs, le cadre est posé, ou plutôt réaffirmé.

Ce débat sur la transition énergétique se fait sur fond de démantèlement de la recherche, de pilotage de celle-ci par les grands groupes qui organise la captation, et des financements, et des produits de la recherche.

Il se fait dans un contexte de déréglementation du travail, dans certains secteurs comme le transport, dont l’importance dans ce dossier de la transition énergétique a été soulignée par plusieurs d’entre vous, par le développement d’une économie low-cost qui entraîne notre pays dans une évolution forcément défavorable à un développement durable digne de ce nom.

Poser la question de la transition énergétique, de la recherche qui lui est liée, c’est bien entendu interroger les formes et les finalités de la production. Cela suppose de répondre à la question induite dans bien des interventions de cette journée mais clairement posée par Claude Aufort : la régulation de l’énergie par le marché peut-elle perdurer ?

On l’a vu, les interrogations sont présentes, mais aussi le souci de ne pas apporter de réponse à l’emporte-pièce à des questions trop souvent traitées de manière schématique dans un débat qui opposerait les défenseurs de la planète et les autres, et parmi ces derniers les tenants du nucléaire.

Pascal Janots, faisant référence à un débat de la FMTS, a fait part de ses réflexions sur le débat engagé sur l’arrêt du nucléaire et a rappelé l’importance de s’y attarder et d’en mesurer les conséquences. Cette question est loin de faire l’unanimité, nous le savons, la question des risques est posée. Pascal a énuméré un certain nombre de propositions. D’autres intervenants ont eux aussi souligné la nécessaire maîtrise de la sécurité nucléaire, mettant également en évidence le risque que représenterait la réduction de cette énergie.

Des camarades ont proposé de dépasser le constat, de s’orienter plus précisément sur des propositions concrètes.

Notre journée d’étude ne s’est pas contentée d’établir un constat. Beaucoup de questions ont été soulevées, le cadre d’une journée ne peut épuiser un débat de cette ampleur.

Nous avions et avons toujours besoin d’échanger des informations sectorielles, l’analyse faite par les syndicats est utile à tous pour tracer des perspectives revendicatives. Ces états des lieux ne se limitent pas à des constats, ils s’appuient sur des luttes en cours qui les unes et les autres fédèrent un mouvement dans une même orientation : la lutte du secteur ferroviaire contre l’ouverture à la concurrence au printemps dernier comme les mobilisations en cours dans le transport, celle des pilotes d’Air France contre le développement du low-cost, celle des chercheurs pour l’emploi scientifique, pour ne citer que ces luttes.

Toutes ces luttes, à l’image de beaucoup d’autres, posent la question de la finalité du travail, la nécessaire valorisation du travail, la reconnaissance de l’emploi, et tout particulièrement de l’emploi qualifié, la question de l’engagement, de l’expertise, du respect de la qualité, posent bien entendu la question de la valorisation de la recherche, sans oublier le problème de l’attractivité des carrières scientifiques dans notre pays.

Le développement que nous revendiquons suppose : plus de démocratie, le droit d’interroger et de réorienter les choix stratégiques, une intervention et donc des droits nouveaux pour les salariés, une maîtrise publique des choix et les conditions d’un débat citoyen.

Notre collectif « Recherche » animé par l’Ugict-CGT a déjà travaillé un ensemble de propositions sur les besoins de la recherche, en lien avec le développement. Elles ne sont pas forcément connues, ni assez exploitées. Le collectif produit régulièrement des analyses et réfléchit à des perspectives revendicatives qui ont besoin d’être plus partagées, discutées…

Le collectif va tirer les enseignements de cette journée. Tous les documents, les exposés des intervenants seront mis en ligne très rapidement sur le site de l’Ugict pour permettre à chacun d’en exploiter les contenus et un compte rendu dans Cadres Infos est prévu.

Nous avons besoin de poursuivre le débat et le travail sur cette question «  Recherche et Transition énergétique », plus largement sur l’ensemble du dossier de la « Transition énergétique ».

Cette journée aura de mon point de vue contribué au travail que doit engager la CGT.

Des propositions pour des suites ont émergé

  • Multiplier les débats partout où l’on peut.
  • Engager un travail interfédéral, notamment sur les questions des filières industrielles et les besoins revendicatifs, à partir de cet axe recherche-transition énergétique.
  • Regarder dans les régions à impulser le même type d’initiative.
  • Le besoin aussi d’anticiper sur les territoires, et notamment en lien avec nos mandats dans les CESER, les enjeux revendicatifs de l’emploi et de la formation induits par les besoins liés à la transition énergétique.

Je me permets de souligner que l’un des atouts, et non des moindres, de cette journée aura été de permettre la rencontre et des échanges entre les secteurs industriels, la recherche privée et publique.

Enfin j’invite les militants qui souhaiteraient rejoindre le collectif confédéral « Recherche » à le faire sans hésitation et à se rapprocher de Dominique Ghaleb et de moi-même. Nous avons notamment besoin de renforcer la participation des secteurs industriels.

Je vous remercie pour votre participation à cette journée et je remercie encore tout particulièrement les fédérations et les UFICT qui y ont contribué et tous les intervenants.

 

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