Conclusions du 17e congrès de l’UGICT-CGT

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 Conclusions du 17e congrès de l’UGICT-CGT
Dans un contexte de profonde crise démocratique et politique, nous sommes les seuls à pouvoir redonner l’espoir et permettre aux ICT de s’engager pour le progrès. [Conclusion du congrès par Sophie Binet, élue Secrétaire Générale Adjointe]

Un congrès de l’Ugict, c’est d’abord un style. On a eu le style Vichy, dans un opéra, où nous avons réussi à commémorer la résistance. Il y a maintenant le style Dijon, une semaine au vert, avec les orchidées, la pelouse et leurs habitants, dans la ville du ministre du travail. La preuve que l’Ugict sait être là où on ne l’attend pas. On place la barre haut pour le prochain congrès, il va falloir avoir de l’imagination pour faire plus inattendu

Un congrès de l’Ugict c’est l’occasion d’irriguer l’organisation avec nos travaux. Je voudrais remercier nos invités : nombreux membres de la direction confédérale, dirigeants de fédérations ou d’UD, responsables d’espaces et conseillers confédéraux, qui témoignent de ce que disait Boris PLAZZI hier : la volonté de toute la CGT de s’appuyer sur l’outil Ugict pour se déployer en direction des ICT.

Je retiendrai 3 mots clés pour résumer nos 4 jours de débat


Le rassemblement et les convergences,

à l’international, avec de nombreux invités du Sénégal à la Bulgarie, du Quebec à l’Espagne, en passant par l’Allemagne.

Loin des déclarations convenues, lors de la table ronde internationale nos camarades syndicalistes ont cherché à identifier les convergences que nous pouvions construire – à partir de notre document d’orientation qu’ils ont d’ailleurs lu et analysé dans le détail – . Alors qu’une oligarchie financière mondialisée cherche à imposer ses orientations à l’ensemble des peuples, et à nous faire payer la facture de la crise qu’ils ont eux-mêmes causé, c’est en nous appuyant sur notre orientation internationaliste et en construisant des convergences que nous réussirons à peser pour imposer un nouveau modèle de développement, de plein emploi qualifié solidaire.

Paula RUIZ TORRES, représentant l’UGT espagnole, nous disait que les jeunes, la génération la plus qualifiée, était aussi la plus maltraitée. Velichka MIKOVA, Bulgare, loin du cliché du plombier polonais ou Bulgare, nous expliquait que du fait de l’absence de reconnaissance des qualifications, c’était les salariés qualifiés qui se tournaient vers l’émigration. Elles illustraient le fait que nos catégories sont directement impactées par le lowcost. Alors que les élections européennes ont lieu ce dimanche, avec un risque d’abstention record, on peut dire qu’à l’Ugict au moins, le débat a eu lieu et passionne.

Cette table ronde nous a offert la réponse concrète aux interrogations sur l’Europe sociale : c’est en nous appuyant sur les convergences syndicales qui sont de plus en plus fortes, que nous réussirons à inverser le sens de la construction européenne, à rompre avec l’Austérité, la dérèglementation et le dumping.

Trop souvent cantonné à un exercice institutionnel de représentation, il nous faut, en nous appuyant sur ce que nous réussi à faire vivre avec cette table ronde, travailler après le congrès pour mieux articuler l’international à notre activité syndicale quotidienne, pour qu’il soit un outil pour donner confiance et espoir aux salariés.

Mais notre congrès a aussi été un signe de rassemblement au niveau national. Alors que nous traversons une période marquée par la division syndicale, nous avons accueilli les dirigeants de la quasi-totalité des organisations syndicales, de la CFDT Cadres à Solidaires, en passant par l’UNSA et l’UNEF. Travailler les contenus est un point d’appui pour construire le syndicalisme rassemblé.

 

2e mot clé, la culture du débat


Avec plus de 400 amendements, nous avons eu lors de notre congrès de nombreux débats – parfois vifs d’ailleurs – mais menés dans respect et en refusant les caricatures. Notre congrès est l’occasion de mesurer que l’Ugict, est une organisation où l’on se sent bien parce que la parole y est libérée. Alors que les ICT sont muselés dans l’entreprise, c’est un élément fondamental qu’il nous faut conserver et soigner. Les clowns ont encore recueilli l’unanimité, en nous permettant d’avoir des débats graves et sérieux, sans nous prendre au sérieux, en acceptant de rire de nous même. Je crois que c’est le sens des votes lors de notre congrès : 97% pour l’orientation, 99% pour le bilan d’activité, et une direction élue à près de 100%. Ces scores inédits – alors que nous commencions ce congrès avec un nombre record d’amendements – sont le résultat de la culture du débat et de la grande liberté de ton qui prévaut à l’Ugict.

 

3e mot clé, l’avenir

 

Alors que nous fêtons lors de ce congrès nos 50 ans, nous avons fait le choix de nous appuyer sur notre histoire pour ouvrir des perspectives et pour mieux nous tourner vers l’avenir. C’est ce qui a fondé le choix du slogan du congrès, « s’engager pour le progrès ». L’exposition, le film, la table ronde sur l’histoire et les perspectives du statut cadre nous ont permis de prendre la mesure des évolutions de notre milieu, qui, en 50 ans, est passé de 100 000 cadres, 4 millions aujourdhui avec une féminisation et une élévation du niveau de diplôme. L’avenir, c’est aussi ce qui a fondé nos choix de construction de la direction, avec une poursuite dans les objectifs que nous nous étions donnés à Vichy :

–       Le renouvellement, avec 37% d’entrants dans notre CE (alors que nous avions déjà renouvelé à 60% lors de notre congrès précédent) et 10 jeunes de moins de 35 ans

–       La féminisation –les clowns nous ont d’ailleurs fait remarquer qu’il allait falloir que l’on commence à protéger la place des hommes ! –

–       Le renforcement des territoires

Thierry Lepaon le disait dans son intervention et à la conférence de presse, la CGT, qui, il y a 50 ans, pourtant marquée par une culture ouvrière très forte, a fait le choix de faire confiance aux ICT et de leur donner les moyens de définir eux-mêmes leurs revendications et orientations, est fière du chemin parcouru.

Ni UGICT indépendante jouant le rôle d’une confédération bis, ni UGICT releguée au rôle de commission ou sous tutelle, la CGT est la seule à offrir aux ICT la possibilité de travailler leurs spécificités et de construire ensuite leurs convergences.

Dans un contexte morose, célébrer nos 50 ans aurait pu être l’occasion de sombrer dans la nostalgie. Nous avons réussi à en faire un point d’appui pour mieux nous tourner vers l’avenir et construire le syndicalisme de conquête dont les ICT ont tant besoin aujourd’hui pour renouer avec le progrès social.

Notre congrès était l’occasion de travailler, construire et débattre sur notre feuille de route pour les 3 années à venir.

En matière de vie syndicale et de déploiement d’abord. Nous avions fait le choix à Vichy de lancer des expérimentations pour mieux structurer l’activité spécifique, innover dans nos structures pour rompre avec l’isolement dont sont victimes les ICT. Nous sommes confrontés, comme toute la CGT, à la problématique des syndiqués isolés. 15% de nos syndiqués sont sans syndicat de rattachement du fait des trous dans la raquette de nos structures. Mais nous sommes aussi confrontés à l’isolement de nos syndiqués ICT dans les syndicats généraux.

La table ronde sur le déploiement a été l’occasion d’échanger autour des multiples expériences, les territoriaux de St Etienne qui cherchent à créer un syndicat regroupant les ICT des collectivités, l’Ile et Vilaine qui construit un syndicat spécifique multiprofessionnel, l’Ufict services public qui a élaboré une charte pour faciliter la vie syndicale entre syndicat général et syndicat ou section spécifique, l’UFCM qui a construit une formation sur le spécifique pour les secrétaires généraux des syndicats, les camarades de Vitry qui à l’occasion de la mobilisation du 15 mai dernier ont engagé un déploiement en direction des cadres dirigeants, ou encore les Côtes d’Armor avec une expérience de formation intergénérationnelle sur la communication.

Il faut maintenant développer ce travail à une toute autre échelle, passer de l’expérimentation à la généralisation, du prototype au développement industriel. Et pour ça, on veut bien du productivisme.

Les résultats électoraux nous le démontrent, il y a urgence à agir, il nous faut dépasser le constat et organiser l’activité spécifique de façon pérenne. Il n’est plus possible que le spécifique soit la dernière roue du carrosse, en terme de moyens syndicaux et de politique des cadres notamment.

Henri Krasucki le disait, un cadre qui rejoint les ouvriers, quel accueil, mais quelle fuite devant ses responsabilités.

Les territoires sont l’échelon à privilégier pour boucher les trous de notre raquette syndicale. C’est le sens du kit représentativité que nous avons construit et mis à disposition des UD et CD. Il nous faut maintenant le décliner pour les syndicats et l’adosser à une formation sur le spécifique pour les dirigeants de syndicats. C’est aussi le sens du tour de France Ugict que nous avons entamé et qu’il nous faudra continuer pour développer et renforcer nos CD.

Il nous faut prolonger la diversification du travail de l’Ugict pour couvrir tout notre champ et traiter les spécificités : des techniciens aux cadres, jusqu’aux cadres supérieurs.

Notre table ronde sur les techniciens nous a permis de mesurer l’ampleur du travail à accomplir, sur les qualifications, la formation professionnelle ou encore la carrière des techniciens. Notre sondage sur les techniciens et professions intermédiaires est inédit, personne ne s’intéresse à ces catégories, nous allons l’installer dans la durée avec la mise en place d’un baromètre des professions techniciennes, à l’image de ce que nous faisons sur les cadres.

Nous avions à Vichy fait des jeunes diplômés une priorité. il nous faut nous appuyer sur le travail revendicatif réalisé pour engager un déploiement en grand : donnons nous comme objectif que tout jeune qui arrive dans une entreprise dans laquelle nous sommes présent soit accueilli avec une information sur ses droits, qu’il soit stagiaire, étudiant salarié, apprenti ou jeune diplômé. Le président de l’UNEF, dans le prolongement des nombreuses actions menées en commun nous a proposé plusieurs pistes de travail, la balle est dans notre camp comme on dit.

Alors que notre pays traverse une crise démocratique grave, que le repli sur soi et la défiance vis-à-vis de tout ce qui est institutionnel augmente, rien ne remplace le contact avec les salariés et certainement pas un mail. Il nous faut retravailler sur nos temps militants, pour, face à la multiplication des réunions et consultations formelles et chronophages, privilégier le contact et le déploiement en direction des salariés. L’institutionnalisation du syndicalisme, nous en sommes aussi acteurs : un récent sondage indiquait que 80% des cadres s’ennuient en réunion, je me demande quel serait le résultat si nous interrogions nos syndiqués et militants. Le débat entre nous est fondamental, et ce congrès en est la démonstration. Mais ceci ne doit pas nous enfermer dans l’entre soi et être un prétexte pour ne pas nous déployer vers les salariés. Il nous faut adapter nos modes de fonctionnement aux attentes et aspiration des jeunes diplômés, femmes et ICT, qui, de plus en plus mis sous pression, ont moins de disponibilité pour l’action syndicale, et pour qui une journée de réunion ou une semaine de congrès est un luxe cher payé ensuite dans la charge de travail à rattraper.

Nous avons profité de notre congrès pour rendre public 2 sondages, sur les cadres et les tech, qui attestent de la forte dégradation de nos conditions de travail. Il nous faut en tirer les conséquences syndicales et revendicatives. Dans ce sondage, les ICT font preuve d’une grande lucidité, en particulier les femmes, et font bien la différence entre croissance financière et croissance économique. C’est de notre travail syndical que dépend la suite. Soit cette lucidité se transforme en fatalisme et en résignation, en lucidité désabusée. Soit, nous faisons déboucher cette lucidité sur de la combativité, en ouvrant des perspectives syndicales en démontrant que l’action collective est un levier pour transformer notre travail. Dans son rapport, Marie-José KOTLICKI pointait la triple démobilisation des ICT, dans l’entreprise où ils sont exclus des choix stratégiques par la finance, dans leur travail, vidé de sens par le Wall Street management, et socialement maintenant, avec les attaques sur les qualifications et la protection sociale. L’enjeu de notre syndicalisme, c’est bien la remobilisation.

Michel VAKALOULIS nous le disait, c’est d’un discours qui redonne espoir et envie de se projeter dont ont besoin nos catégories. Notre syndicalisme ne doit pas s’enfermer dans un rôle de Cassandre, qui fait la liste des mauvais coups et des reculs, mais donner les clés, et proposer des perspectives pour renouer avec le progrès.

Plus que jamais, c’est d’un syndicalisme de conquête dont nous avons besoin, car le meilleur moyen de résister c’est d’être à l’offensive et de proposer, d’avoir un coup d’avance, plutôt que de chercher à revenir à une situation antérieure.

Notre congrès a permis d’identifier des points d’appuis, en valorisant les luttes dans nos catégories qui souvent sont couronnées de résultats, des intermittents aux sages femmes, d’Amadeus à Disney. Les avancées syndicales que nous avons obtenues, la réglementation des stages, la reconnaissance du doctorat dans la loi, la création d’un statut pour les lanceurs d’alerte, sont des leviers pour donner confiance aux ICT dans l’action collective.

C’est le sens de notre feuille de route revendicative.

Nous nous sommes donnés 3 chantiers :

1- Se battre pour la reconnaissance des qualifications et pour lutter contre le caractère discriminant pour les métiers à prédominance féminine

2- Conquérir, dans le cadre du nouveau statut du travail salarié, un statut pour les cadres et les techniciens, des droits individuels garantis collectivement. Les ICT sont des salariés au même titre que les autres, avec le même accès à la protection sociale, c’est ce qui fonde notre défense du salaire socialisé et de l’Agirc. Mais les ICT, salariés qualifiés à responsabilité ne sont pas des salariés comme les autres. Il nous faut conquérir de nouveaux droits pour protéger et encadrer l’autonomie professionnelle

o   Un droit à la mobilité et au déroulement de carrière

o   Des droits permettant de se réapproprier et de redonner sens au travail : le droit de refus et d’alternative, s’appuyant sur le statut des lanceurs d’alerte et le droit à une évaluation fondée sur de justes critères

o   Des droits encadrant l’autonomie pour que la responsabilité ne se transforme pas en mise à disposition permanente, niant ce qui fonde la différence entre l’esclavage et le salariat, la garantie prévue par le contrat de travail du caractère temporaire du lien de subordination.

Ce statut ne doit pas être un slogan ou un horizon venu d’en haut, il s’agit, comme le disait Philippe Masson hier, de mettre en cohérence les pièces du puzzle. La première pièce du puzzle, c’est la campagne sur le droit à la déconnexion que nous lançons à la sortie de notre congrès. Cette campagne doit se traduire par des avancées syndicales concrètes et immédiates dans les entreprises et les administrations. Cette campagne, pour fonctionner, ne doit pas être menée du haut, mais déclinée et adaptée sur le terrain avec des revendications adaptées aux vécu et au besoin des salariés. Nous proposerons des outils, questionnaires, tracts, outils juridiques, avec une rencontre de nos élus et mandatés dans les prochains mois. Un bilan de l’avancée de la campagne sera réalisé à chacune de nos CE. Nous proposons au congrès de mettre cette campagne en débat dans l’ensemble de nos structures de proximité de façon à ce qu’elle puisse être déclinée dans un maximum d’entreprises et d’administrations.

3-3ème enjeu, définanciariser l’entreprise, se la réapproprier pour faire primer la communauté de travail sur la société de capitaux.

Un mot pour finir sur les élections de la fonction publique. Le sondage démontre une forte dégradation pour nos catégories dans la fonction publique. Si nous voulons gagner les élections, il va falloir y aller sur le spécifique, traiter les enjeux de management, de reconnaissance des qualifications, de charge et d’intensification du travail, d’éthique professionnelle et de sens du travail. L’UGICT et ses UFICT seront au rendez-vous pour travailler sur ces sujets.

Nous achevons notre congrès avec une organisation plus rassemblée que jamais.

Ca tombe bien car la feuille de route est ambitieuse.

Dans un contexte de profonde crise démocratique et politique, nous sommes les seuls à pouvoir redonner l’espoir et permettre aux ICT de s’engager pour le progrès.

Alors vive l’Ugict et vive la CGT. 50 ans après, ce n’est qu’un début continuons le combat !

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