Pour en savoir plus
Par un arrêt du 31 décembre 2012, la cour administrative d’appel de Paris demandait l’avis du Conseil d’Etat en lui posant deux questions, comme le lui permet la loi. En effet, il lui semblait nécessaire de disposer des réponses de cette juridiction avant de statuer sur la demande de Mme S… tendant à l’annulation d’un jugement du tribunal administratif de Paris, lequel avait rejeté sa demande relative,d’une part, à l’annulation de la décision du recteur de l’académie de Paris en date du 14 septembre 2007 prononçant son licenciement à compter du 1er décembre 2007 ; et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à celui-ci de la réintégrer dans ses fonctions de professeur contractuel de l’Education nationale. Ces deux questions sont :
1°) un agent public bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée peut-il être licencié au (seul) motif qu’un fonctionnaire titulaire doit occuper l’emploi sur lequel il a été recruté ?
2°) si oui, l’employeur n’a-t-il cependant pas l’obligation, avant de pouvoir procéder légalement au licenciement, de chercher à reclasser l’agent sur un autre emploi (et lequel) ? Pour le Conseil d’Etat, en vertu des dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, constituant le titre Ier du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales, les emplois permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, sauf dérogation prévue par la loi et à l’exception des emplois réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, « occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ».
L’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat autorise le recrutement d’agents contractuels, pour les administrations de l’Etat, dans les cas suivants : « 1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’Etat à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient. »
Les agents recrutés sur le fondement de ces dispositions sont engagés par des contrats à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans, renouvelables par reconduction expresse. Aux termes des dispositions ajoutées à l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 par la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de trans- position du droit communautaire dans la fonction publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique: « La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si, à l’issue de la période maximale de six ans mentionnée à l’alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. »
Un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté
Ainsi, répond le Conseil d’Etat, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu’il n’a permis le recrutement d’agents contractuels qu’à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou, par application des dispositions issues de la loi du 26 juillet 2005, de contrats à durée indéterminée.
Par suite, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté lorsque l’autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi. L’administration peut, pour ce motif, légalement écarter l’agent contractuel de cet emploi.
Une obligation de recherche de solution de reclassement de l’agent en CDI
Pour autant, prévient le Conseil d’Etat, il résulte toutefois d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du Code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant, de chercher à reclasser l’intéressé.
Dans l’attente des décrets prévus par l’article 49 de la loi du 12 mars 2012, la mise en œuvre de ce principe implique que l’administration, lorsqu’elle entend pourvoir par un fonctionnaire l’emploi occupé par un agent contractuel titulaire d’un contrat à durée indéterminée, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi. L’agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non titulaires de l’Etat, des dispositions des titres XI et XII du décret du 17 janvier 1986, que si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant, ou si l’intéressé refuse la pro- position qui lui est faite (2).
(1) Avis n° 365139 du 25 septembre 2013, publié au Journal officiel du 28 septembre 2013.
(2) Ces dispositions sont également applicables aux agents soumis au statut de la fonction publique territoriale et à ceux de la fonction publique hospitalière.
Pas d’obligation de recherche de reclassement ou, à défaut, de licenciement pour la collectivité postérieurement au terme du contrat de son agent
Ni le principe général de reclassement des salariés devenus physiquement inaptes à leur emploi, ni les dispositions réglementaires applicables aux agents non titulaires des collectivités territoriales ne s’appliquent à une collectivité qui n’est plus en situation d’employeur.
Par conséquent, la collectivité n’est pas tenue, postérieurement au terme du dernier contrat de son agent, de rechercher son reclassement ou, à défaut, de le licencier (1).
(1) Cour administrative d’appel de Paris, 2 avril 2013, requête n° 10PA05079.
Reprise d’une activité privée par une personne publique et fixation de la rémunération des salariés transférés
Lors du transfert des activités d’une personne privée à une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, la reprise de la rémunération prévue dans le contrat du salarié de droit privé n’est légalement possible que si elle peut être regardée, même corrigée de l’ancienneté, comme n’excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l’autorité administrative compétente de fixer en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l’agent non titulaire, de sa qualification, de son ancienneté et de la rémunération des agents titulaires exerçant des fonctions analogues et justifiant d’une ancienneté comparable (1).
(1) Conseil d’Etat, 25 juillet 2013, requête n° 355804.
Recrutement possible d’un agent non titulaire à temps non complet pour pourvoir temporairement à la vacance d’un emploi
La possibilité de conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet dans les communes de moins de mille habitants n’exclut pas le recrutement d’agents non titulaires à temps non complet pour pourvoir temporairement à la vacance d’emploi (1).
(1) Cour administrative d’appel de Versailles, 24 janvier 2013, requête n° 11VE01302.