Pour en savoir plus
Le texte à connaître : article L. 2143-4 du Code du travail
(modifié par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, art. 4).
«Dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif dans l’entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s’il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l’élection du comité social et économique et s’il compte au moins un élu dans l’un des deux autres collèges.
Ce délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. »
La solution juridique à connaître
Deux organisations syndicales (Cgt et Ugict-Cgt), affiliées à la même confédération interprofessionnelle nationale (Cgt), dès lors qu’elles ont présenté des listes distinctes dans des collèges différents (premier et second collèges), peuvent faire valoir qu’elles remplissent, ensemble, les conditions exigées par l’article L. 2143-4 du Code du travail pour la désignation d’un délégué syndical supplémentaire en raison de la présence d’élus dans au moins deux collèges.
Le tribunal d’instance qui a constaté que deux syndicats affiliés à la même confédération interprofessionnelle nationale ont présenté, lors des élections professionnelles, des listes distinctes dans deux collèges différents et ont obtenu, le premier des élus dans le premier collège et le second des élus dans le second collège, en a exactement déduit que le premier syndicat (Cgt), syndicat intercatégoriel, seul représentatif dans l’entreprise parmi les organisations syndicales affiliées à cette confédération ayant obtenu des élus dans le premier collège, pouvait désigner un délégué syndical supplémentaire.
L’affaire judiciaire à l’origine de la nouvelle solution
Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Tourcoing, 12 avril 2018) 1, le syndicat Cgt Transpole a désigné au sein de la société Keolis, à la suite des élections qui se sont déroulées le 23 mai 2017, quatre délégués syndicaux, dont l’un au titre des dispositions légales autorisant la désignation d’un délégué syndical supplémentaire aux organisations syndicales représentatives ayant obtenu des élus dans plusieurs collèges. Le syndicat Sud Transports urbains Nord – Pas-de-Calais a saisi le tribunal d’instance, le 7 décembre 2017, d’une demande d’annulation de ces désignations.
Examen des arguments (moyens)
Le syndicat Sud Transports urbains Nord – Pas-de-Calais fait grief au jugement de rejeter sa demande d’annulation de la désignation de quatre délégués syndicaux par le syndicat Cgt alors, selon le moyen, que deux syndicats affiliés à la même confédération ne peuvent créer deux sections syndicales distinctes au sens de l’article L. 2 142-1-1 du Code du travail, la création néanmoins de deux sections syndicales au moment de l’élection avec les moyens légaux afférents à la constitution de deux sections syndicales distinctes (quatre délégués syndicaux d’un côté, un représentant de section syndicale de l’autre côté, des panneaux syndicaux distincts, des locaux syndicaux distincts), les deux syndicats ayant concouru chacun pour leur représentativité syndicale en propre, ceux-ci ne peuvent à l’issue des élections revendiquer le principe de l’unicité de tendance pour la désignation d’un délégué syndical supplémentaire en application de l’article L. 2143-4 du Code du travail, que le tribunal en validant néanmoins la désignation d’un délégué syndical supplémentaire n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 2 142-1-1 et de l’article L. 2143-4 du Code du travail.
Réponse de la Cour
La loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui a abrogé la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient les syndicats affiliés à une confédération syndicale nationale représentative, n’a pas pour autant mis fin au rôle de l’affiliation syndicale à une confédération ou une union. La loi, en effet, a organisé un système de représentativité dit ascendant, qui conduit à additionner les résultats des votes obtenus par les organisations syndicales au sein des établissements, puis des entreprises, pour permettre le calcul de la représentativité des unions et confédérations syndicales au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Le législateur a ainsi admis l’existence d’un syndicalisme de tendance.
La Cour de cassation a, dans une décision du 12 avril 2012, reconnu le maintien du rôle de l’affiliation confédérale en affirmant que l’affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats au premier tour des élections des membres titulaires du comité d’entreprise constitue un élément essentiel du vote des électeurs (Soc., 12 avril 2012, pourvoi n° 11-22.290, Bull. 2012, V, n° 127, publié au Rapport annuel).
La Cour en déduit que lorsqu’il existe, au sein d’une même entreprise, plusieurs organisations syndicales affiliées à la même confédération, leur action a vocation à être commune et les suffrages obtenus s’additionnent. Elles ne peuvent cependant cumuler les prérogatives en les exerçant de manière concurrente.
Il en résulte que les organisations syndicales affiliées à une même confédération ne peuvent présenter qu’une liste de candidats, par collège, lors des élections professionnelles dans l’entreprise (Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 10-60.135, 10-60.136, Bull. 2010, V, n° 184), qu’elles ne peuvent constituer une liste commune pour organiser entre elles des répartitions négociées de suffrage (Soc., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-21.356, Bull. 2012, V, n° 145) et qu’elles ne peuvent désigner, ensemble, plus de délégués syndicaux que le nombre prévu par la loi ou par les accords collectifs (Soc., 10 mai 2012, précité).
Lorsque deux organisations syndicales affiliées à la même confédération ont, contrairement aux règles susvisées, présenté chacune sa propre liste dans le même collège, elles perdent le droit d’additionner les votes (Soc., 26 octobre 2011, pourvoi n° 11-10.290, n° 11-60.003, Bull. 2011, V, n° 245).
En revanche, lorsque deux organisations syndicales affiliées à la même confédération présentent des listes de candidats dans deux collèges différents, elles ne sauraient être considérées comme des organisations syndicales concurrentes et distinctes.
À cet égard, l’article L. 2143-4 du Code du travail dispose que, dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif dans l’entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s’il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l’élection du comité d’entreprise et s’il compte au moins un élu dans l’un des deux autres collèges. Il se déduit de la jurisprudence précitée que deux organisations syndicales, affiliées à la même confédération interprofessionnelle nationale, dès lors qu’elles ont présenté des listes distinctes dans des collèges différents, peuvent faire valoir qu’elles remplissent, ensemble, les conditions exigées par l’article L. 2143-4 du Code du travail pour la désignation d’un délégué syndical supplémentaire en raison de la présence d’élus dans au moins deux collèges.
En l’espèce, le tribunal d’instance a constaté que la société Keolis Lille employait un effectif compris entre 2 000 et 3 999 salariés, que le syndicat Cgt-Transpole et le syndicat Ugict-Cgt, tous deux affiliés à la Cgt, ont présenté, lors des élections professionnelles du 23 mai 2017, des listes distinctes dans deux collèges différents et ont obtenu, le premier un total de sept élus dans le premier collège et le second un total de deux élus dans le second collège.
Le tribunal en a exactement déduit que le syndicat Cgt Transpole, syndicat intercatégoriel, seul représentatif dans l’entreprise parmi les organisations syndicales affiliées à la Cgt ayant obtenu des élus dans le premier collège, pouvait désigner un délégué syndical supplémentaire.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
1. Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 9 mai 2019.
Demandeur : syndicat Sud Transports urbains Nord – Pas- de-Calais contre défendeur : Syndicat Cgt Transpole et autres.
Bibliographie
Michel Miné, Droit du travail en pratique, 2019/2020 (30e édition), Éditions Eyrolles (collection Le grand livre), 860 p., 39 euros.