Loi du 4 août 2014 “Pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes”

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Loi du 4 août 2014 “Pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes”
Le projet de loi pour “l’égalité réelle entre les femmes et les hommes” a été définitivement adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale en cette date anniversaire de la nuit du 4 août 1789 au cours de laquelle l’Assemblée constituante a aboli les privilèges. Cette loi est inédite dans son champ d’application : c’est en effet la première fois qu’une loi s’attaque aux inégalités entre les femmes et les hommes partout où elles se manifestent : travail, foyer, séparations, violences, responsabilités, médias, etc.
Michel CHAPUIS

Plusieurs dispositions sont prévues dans le domaine de l’activité professionnelle salariée et dans des domaines qui ont des incidences sur la vie professionnelle :
• pour l’égalité des rémunérations et des parcours professionnels : une négociation unique et globale sur l’égalité professionnelle est créée ;
• les entreprises qui s’obstinent à ne pas respecter leurs obligations en matière d’égalité professionnelle seront privées d’accès à la commande publique, à compter du 1er décembre 2014 (article 16 de la loi) ;
• les actions de promotion de la mixité des métiers, de la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle seront éligibles aux fonds de la formation professionnelle ;
• pour favoriser l’implication des pères et mieux partager les responsabilités parentales : la réforme du congé parental sera applicable au 1er octobre 2014;
• les conjoints des futures mères seront mieux protégés pendant la période suivant la naissance ;
• ils (ou elles) seront autorisés à s’absenter de leur travail pour accompagner la mère à trois examens échographiques ;
• la législation sur la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles est renforcée (notamment article 42 de la loi) ;
• pour protéger les femmes victimes de violences, l’ordonnance de protection est renforcée et sa durée prolongée de 4 à 6 mois. L’éviction du conjoint violent du domicile du couple devient la règle.
Le téléphone    « grand    danger », déjà expérimenté dans quelques départements, est généralisé pour protéger les victimes de violences conjugales ou de viols ;
• les femmes étrangères victimes de violences seront mieux protégées (articles 45 à 49 de la loi) ;
• pour faire reculer les stéréotypes sexistes, le Csa sera désormais compétent pour veiller à la juste représentation des femmes dans les médias. Les jeunes filles seront protégées des dommages de l’hypersexualisation, et les propos sexistes et homophobes sur Internet seront mieux identifiés et combattus ;
• pour protéger le droit des femmes à s’informer sur l’Ivg et mettre le droit en conformité avec la pratique en supprimant la référence à la notion de détresse dans le cadre d’une demande d’Ivg.

Plusieurs nouveautés importantes dans les textes sont à signaler
Négociations de branche sur les classifications

«Lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels font de sa réduction une priorité. » A l’occasion de l’examen mentionné au premier alinéa, les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail sont analysés afin d’identifier et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes et afin de garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariés.» « A l’issue de ces négociations, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels remettent à la Commission nationale de la négociation collective et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes un rapport sur la révision des catégories professionnelles et des classifications, portant sur l’analyse des négociations réalisées et sur les bonnes pratiques.» (Article L2241-7 du Code du travail.) Il s’agit de supprimer des grilles de classification les discriminations indirectes causées par certains critères d’évaluations des emplois.

Négociation annuelle globale sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et sur la suppression des écarts de rémunération entre femmes et hommes

« L’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. Cette négociation s’appuie sur les éléments figurant dans les rapports prévus aux articles L2323-47 et L2323-57 (rapport annuel au CE), complétés par les indicateurs contenus dans la base de données économiques et sociales mentionnée à l’article L2323-7-2 du présent Code et par toute information qui paraît utile aux négociateurs.
» Cette négociation porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, sur le déroulement des carrières, les conditions de travail et d’emploi et, en particulier, celles des salariés à temps partiel, sur l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et sur la mixité des emplois.
» Cette négociation porte également sur l’application de l’article L241-3-1 du Code de la Sécurité sociale et sur les conditions dans lesquelles l’employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations.
» Elle porte enfin sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.» « Lorsqu’un accord comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l’entreprise, l’obligation de négocier devient triennale. La mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes est suivie dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs.»
« En l’absence d’accord, la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs porte également sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.» (Article L2242-5 du Code du travail.)
« A défaut d’initiative de l’employeur, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une des organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise. »    (Article    L2242-5    du Code du travail.)

Rapport annuel au comité d’entreprise complété

« Il analyse les écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de leur âge, de leur qualification et de leur ancienneté. Il décrit l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise.» (Articles L2323-47 et article L2323-57 du Code du travail.)

Mesures concernant le conjoint de la femme enceinte

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant. » (Art. L1225-4-1 du Code du travail.)
« Le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires au maximum. »    (Article L1225-16 du Code du travail.)

Evaluation sexuée des risques professionnels (pour mettre fin à la sous-évaluation des risques auxquels sont exposées les femmes dans les entreprises)

Dans le « Document unique d’évaluation des risques » (Duer), « Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.» (Article L4121-3 du Code du travail.)

Congés pour événements familiaux

« Quatre jours pour la conclusion d’un pacte civil de solidarité.» (Article L3142-1 du Code du travail.) Pour faire de l’égalité une politique publique transversale impliquant l’Etat comme les collectivités locales, le champ des politiques publiques d’égalité est désormais défini. L’Etat et les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée. Ils veillent à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions. La politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes comporte notamment :
1°) des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité ;
2°) des actions visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ;
3°) des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes ; 4°) des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse ;
5°) des actions de lutte contre la précarité des femmes ;
6°) des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers ;
7°) des actions tendant à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales ;
8°) des actions visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ;
9°) des actions visant à garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et leur égal accès à la création et à la production culturelle et artistique, ainsi qu’à la diffusion des œuvres ;
10°) des actions visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués.

Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, Le Droit du travail en pratique, Eyrolles, Paris, 26e éd., 2014, 702 p., 34 euros.

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