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Les résultats des prochaines élections au Parlement européen seront importants pour l’évolution du droit européen. Ce droit européen est ambivalent et contradictoire comme le droit interne, notamment le Code du travail. Malgré l’idéologie de la concurrence qui envahit la production des règles européennes, malgré la pause imposée par les deux dernières Commissions et les reculs enregistrés, les “acquis communautaires” – qui résistent – et les progrès du droit européen – qui se poursuivent – sont des ressources à connaître et à mobiliser pour les “citoyens-travailleurs” dans les vingt-huit Etats de l’Union européenne et au-delà. C’est ici l’occasion de revenir sur le rôle du Parlement européen et sur quelques nouveautés.Michel CHAPUIS
Compétences de l’UE et des Etats
Les traités – depuis le traité de Rome, aujourd’hui avec le traité de Lisbonne, composé du Traité de l’Union européenne (Tue) et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (Tfue) – énoncent la répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres.
Certaines matières :
• relèvent de la compétence exclusive de l’UE (« la politique monétaire pour les Etats membres dont la monnaie est l’euro » ; « l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionne- ment du marché intérieur », etc. – Tue, art. 3) ;
• relèvent de la « compétence partagée » des Etats et de l’UE (il s’agit notamment de la politique sociale – Tue, art. 4) ; cependant, l’UE n’est pas compétente dans certains domaines de la politique sociale : l’UE ne peut pas prendre de mesures juridiques (directives, etc.) relatives aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out (Tfue, art. 153 § 5) ;
• relèvent de la compétence des Etat (le droit de la nationalité, l’état civil, etc.). Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux Etats membres (Tue, art. 4).
Ici s’applique le principe de subsidiarité (Tue, art. 5). Il consiste à réserver à l’échelon supérieur – l’Union européenne – ce que l’échelon inférieur – les Etats membres de l’UE – ne pourrait effectuer que de manière moins efficace.
Représentation des citoyens au Parlement européen
Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas (Tue, art. 9).
Le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative. Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen (Tue, art. 10).
Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans. Le Parlement européen élit parmi ses membres son président et son bureau (Tue, art. 14).
Rôle du Parlement européen en matière de droit social
Selon le traité (Tfue, art. 151), l’Union et les Etats membres ont pour objectifs « la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le pro- grès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions ».
En vue de réaliser ces objectifs, l’Union soutient et complète l’action des Etats membres dans les domaines suivants ( Tfue, art. 153 § 1) :
a) l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ;
b) les conditions de travail ;
c) la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;
d) la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail ;
e) l’information et la consultation des travail- leurs ;
f) la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du para- graphe 5 ;
g) les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union ;
h) l’intégration des personnes exclues du marché du travail ;
i) l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ;
j) la lutte contre l’exclusion sociale ;
k) la modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c).
A cette fin, le Parlement européen et le Conseil peuvent arrêter par voie de directive des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des Etats membres. La directive lie tout Etat membre quant au résultat à atteindre (Tfue, art. 288), tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens (transposition par la loi ou par accords collectifs ; mesure à adopter et mettre en œuvre en vue d’atteindre effectivement les objectifs fixés par les directives).
Les Etats membres doivent prendre toutes les mesures de droit interne nécessaires pour la mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l’Union (Tfue, art. 291).
Rôles du Parlement européen dans les procédures législatives (droit social)
Pour l’adoption des directives, plusieurs procédures existent :
• dans les domaines visés ci-dessus (art. 153 § 1, points « a » à « i »), le Parlement européen et le Conseil (des ministres) statuent conformément à la procédure législative ordinaire, après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions (le Parlement est ici codécisionnaire). La procédure législative ordinaire consiste en l’adoption d’une directive conjointement par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission (Tfue, art. 294);
• dans les domaines visés ci-dessus (art. 153 § 1, points «c», «d», «f» et «g»), le Conseil statue conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et desdits comités (le Parlement est ici seulement consulté) ;
• dans le domaine de la politique sociale, la Commission, avant de présenter des propositions, consulte les partenaires sociaux sur l’orientation possible d’une action de l’Union. Les partenaires sociaux peuvent informer la Commission de leur volonté d’engager le processus de négociation collective au niveau européen. En cas d’accord collectif conclu, sa mise en œuvre au niveau de l’Union intervient à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission. Le Parlement européen est ici seulement informé (Tfue, art. 154 et 155). Actuellement, le Parlement n’a pas l’initiative des textes (directives, notamment). Ce pouvoir d’initiative appartient à la Commission ( Tfue, art. 294).
Conformément à la procédure législative ordinaire, la Commission présente une proposition de directive au Parlement européen et au Conseil. Une « navette » a ensuite lieu entre ces deux instances (deux lectures, en règle générale). La directive est adoptée, ou non, à l’issue de cette procédure.
Le Parlement européen peut seulement, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte de l’Union pour la mise en œuvre des traités. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen (Tfue, art. 225).
Tout citoyen de l’Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un Etat membre ont le droit de présenter, à titre individuel ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union et qui le ou la concerne directement (Tfue, art. 227).
Autres fonctions importantes du Parlement européen
• Le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, la fonction budgétaire (Tue, art. 14).
• Le Parlement européen exerce des fonctions de contrôle politique, conformément aux conditions prévues par les traités (Tue, art. 14).
• Le Parlement européen peut, à la demande d’un quart des membres qui le composent, constituer une commission temporaire d’enquête pour examiner les allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union. L’existence de la commission temporaire d’enquête prend fin par le dépôt de son rapport. Les modalités d’exercice du droit d’enquête sont déterminées par le Parlement européen ( Tfue, art. 226).
• A partir de ces prochaines élections européennes de mai 2014, le Parlement européen élit le président de la Commission (Tue, art. 14). La procédure est la suivante : en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, pro- pose, dans un délai d’un mois, un nouveau candidat qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure ( Tue, art. 17 § 7).
« Le Parlement européen et le Conseil européen ont une responsabilité commune dans le bon déroulement du processus conduisant à l’élection du président de la Commission européenne. » (déclaration 11 annexée au traité de Lisbonne). Cette nouveauté est d’importance. En effet, le président de la Commission définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission (Tue, art. 17, § 6).
• Le Conseil, d’un commun accord avec le président élu, adopte la liste des autres personnalités qu’il propose de nommer membres de la Commission. Le choix de celles-ci s’effectue sur la base des suggestions faites par les Etats membres.
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« L’Europe joue-t-elle contre les travailleurs ? » à lire dans Libération