Lanceurs d’alerte – Une meilleure protection

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Lanceurs d’alerte - Une meilleure protection
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique marque un progrès significatif pour la protection des lanceurs d’alerte (ses dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel DC 8 décembre 2016). Cette loi répond à une recommandation du Conseil de l’Europe.
Michel CHAPUIS

La loi du 9 décembre 2016 – article 6 donne une définition intéressante du lanceur d’alerte :

Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.

Article 7
Le chapitre II du titre II du livre Ier du Code pénal est complété par un article 122-9 ainsi rédigé :
« Art. 122-9. – N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

 

La loi du 9 décembre 2016 – article 8 prévoit une procédure d’alerte graduée en trois étapes :

I. – Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.
En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.

II. – En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public.

III. – Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

IV – Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte.

Article 9

I. – Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements, dans les conditions mentionnées à l’article 8, garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de celui-ci.
Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.

II. – Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

 

La loi du 9 décembre 2016 – article 10 prévoit une protection pour les lanceurs d’alerte contre les mesures de représailles de l’employeur (des dispositions sont prévues pour les fonctions publiques) :

I. – L’article L. 1132-3-3 du Code du travail est ainsi modifié :


1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de
formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

2° La première phrase du second alinéa est ainsi rédigée :
« En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. » […]

Article 12

En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte au sens de l’article 6, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes dans les conditions prévues au chapitre V du titre V du livre IV de la première partie du Code du travail.

Article 13

I. – Toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement aux personnes et organismes mentionnés aux deux premiers alinéas du I de l’article 8 est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

II. – Lorsque le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction est saisi d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte, le montant de l’amende civile qui peut être prononcée dans les conditions prévues aux articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale est porté à 30 000 euros.

 

La loi du 9 décembre 2016 – article 14 organise l’intervention du Défenseur des droits au soutien du lanceur d’alerte. Le Défenseur des droits est chargé d’orienter et de protéger les lanceurs d’alerte :

I. – Le Défenseur des droits peut accorder, sur sa demande, à une personne physique qui engage une action en justice en vue de faire reconnaître une mesure défavorable prise à son encontre au seul motif du signalement qu’elle a effectué en application de l’article 6 une aide financière sous la forme d’une avance sur les frais de procédure exposés.
L’aide financière prévue au premier alinéa du présent article peut être accordée sans préjudice de l’aide juridictionnelle perçue en application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Cette aide peut être refusée lorsque les faits n’ont pas été signalés dans les conditions prévues au présent chapitre.
Le montant de cette aide est déterminé en fonction des ressources de la personne et en tenant compte de la nature de la mesure défavorable dont elle entend faire reconnaître l’illégalité lorsque cette mesure emporte privation ou diminution de sa rémunération. Il est diminué de la fraction des frais de procédure prise en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection équivalent.


II. – Indépendamment des actions en justice engagées par une personne physique afin de faire valoir ses droits, le Défenseur des droits peut lui accorder un secours financier temporaire s’il estime qu’en raison du signalement qu’elle a effectué dans les conditions énoncées au présent chapitre, elle connaît des difficultés financières présentant un caractère de gravité et compromettant ses conditions d’existence.

III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

Dans l’attente de la publication du décret en Conseil d’État, le Défenseur des droits entend d’ores et déjà protéger la confidentialité des échanges.
Le signalement d’une alerte devra lui être adressé par la Poste par écrit sous double enveloppe.

Tous les éléments de la saisine doivent être insérés dans une enveloppe fermée – dite enveloppe intérieure – qui sera insérée dans une seconde enveloppe adressée au Défenseur des droits, dite enveloppe extérieure.
Sur l’enveloppe intérieure figurera exclusivement la mention suivante : « Signalement d’une alerte au titre de la loi du 9 décembre 2016 effectué le [date de l’envoi] »
Sur l’enveloppe extérieure figurera l’adresse d’expédition :

Défenseur des droits

Libre réponse 71120
75342 PARIS Cedex 07


Le respect de ces modalités d’envoi est impératif afin de garantir la confidentialité des informations transmises.
Un accusé réception sera adressé à l’auteur de l’envoi comportant un numéro identifiant qui sera ensuite utilisé pour les échanges avec le Défenseur des droits. Pour protéger la confidentialité des échanges, tous les courriers adressés ensuite au Défenseur des droits devront suivre la même procédure de double enveloppe.

 

Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, Droit Du travail en pratique, 2016 (28 édition), éditions Eyrolles (coll. le grand livre), 760 p.

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