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Selon la Cour de cassation, « le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées » (Cassation sociale, 14 nov. 2018, société Adeihr Agp c/ M. Y.).
Ainsi, la cour d’appel, ayant constaté que la charge de travail du salarié, qui avait donné lieu au paiement d’heures supplémentaires pour la période de mai à décembre 2012, avait été maintenue puis accrue pendant la période postérieure, a fait ressortir, peu important l’absence d’autorisation préalable de l’employeur que la réalisation de nouvelles heures supplémentaires avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à l’intéressé. Dans cette affaire, M. Y., employé en qualité de technicien, s’est engagé, par avenant, à solliciter l’autorisation préalable de l’employeur avant d’effectuer des heures supplémentaires ; invoquant l’existence d’heures supplémentaires non payées, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Le pourvoi de l’employeur contre l’arrêt de la cour d’appel le condamnant au paiement de sommes à titre de rappel d’heures supplémentaires est rejeté. L’employeur invoquait plusieurs arguments qui ne sont pas retenus :
1°/ que l’employeur n’est tenu au paiement que des seules heures supplémentaires accomplies avec son accord, au moins implicite, ou rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié ; qu’il s’ensuit que le salarié refusant de déférer à son obligation contractuelle de solliciter préalablement à l’exécution d’heures supplémentaires l’accord exprès de l’employeur à leur accomplissement n’a pas droit à leur paiement ; qu’en faisant dès lors droit au paiement des heures supplémentaires réclamées par M. Y., quand elle constatait, d’une part, que « l’employeur avait exigé qu’il donne son autorisation à l’accomplissement d’heures supplémentaires », d’autre part, que M. B. reconnaissait que des heures supplémentaires qu’il avait accomplies avec M. Y. l’avaient été « sans avoir jamais sollicité au préalable l’autorisation de les effectuer » et, enfin, que « des heures supplémentaires ont été effectuées sans l’accord de l’entreprise », ce dont il résultait que le salarié n’avait, au moins pour partie des heures supplémentaires dont il réclamait le paiement, jamais sollicité l’accord de l’employeur cependant qu’il en avait l’obligation contractuelle formelle, la cour d’appel a violé les articles L.3121-22 et L.3171-4 du Code du travail ;
2°/ que la société Adeihr Agp soutenait qu’il était contractuellement fait inter- diction à M. Y. d’exécuter la moindre heure supplémentaire en l’absence d’une demande expresse émanant de l’employeur, ce dernier se trouvant ensuite dans l’obligation – à raison du non-respect par le salarié de cette obligation, qui lui avait pourtant été rappelé par courrier – de le mettre en demeure de cesser d’exécuter des heures supplémentaires non commandées, puis de le sanctionner par un avertissement au vu du caractère persistant du comportement de l’intéressé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’employeur, qui exigeait son accord préalable et exprès à l’exécution de toute heure supplémentaire, n’admettait pas les réclamations du salarié au titre des heures supplémentaires par lui réalisées, ne les estimant pas justifiées ; qu’en s’abstenant de rechercher si l’opposition ainsi manifestée par l’employeur à l’exécution des heures supplémentaires, par voie de courrier, de mise en demeure et d’avertissement, ne permettait pas d’exclure tout accord implicite à l’exécution des heures supplémentaires réclamées, et ainsi tout droit à paiement de ces dernières, la cour d’appel a privé sa décision de base légale…
3°/ qu’en allouant à M. Y. un rappel d’heures supplémentaires, motif pris que, « certes, des heures supplémentaires ont été effectuées sans l’accord de l’entreprise, mais le salarié a exposé qu’il s’agissait de terminer en urgence les réparations au sein d’une cuisine de restaurant, qui ne pouvaient attendre, en sorte qu’il préférait achever ses réfections, le jour même, plutôt que de les reporter au lendemain, ce qui aurait vivement déplu aux clients et qui l’aurait contraint à rester une journée supplémentaire sur place », la cour d’appel, qui a uniquement relevé l’existence d’une préférence du salarié à l’exécution immédiate de travaux destinée à lui éviter de revenir sur le chantier le lendemain, sans donc caractériser, ce faisant, que les heures supplémentaires étaient rendues nécessaires par la charge de travail qui lui était confiée et la nature des tâches à effectuer, a – derechef – privé sa décision de base légale…
4°/ qu’en affirmant, pour dire que « le gérant savait pertinemment que des heures supplémentaires indispensables avaient été accomplies par M. Y. », que « la continuation de son travail entraînait nécessairement au moins la même charge de travail, d’autant plus qu’à compter du 1er février 2014, il a perçu une prime de responsabilité pour le service après-vente et pour exercer des responsabilités supplémentaires », la cour d’appel a statué par des motifs d’ordre général et abstrait… Une autre décision récente va dans le même sens : « la cour d’appel, en constatant que la gérante de la société avait été alertée du surcroît d’activité auquel devait répondre la salariée ainsi que de la nécessité de revoir l’organisation de l’entreprise afin de la soulager et qu’aucun changement organisationnel n’était postérieurement intervenu, a fait ressortir que les heures supplémentaires avaient été réalisées avec l’accord implicite de l’employeur » (Cassation sociale, 12 sept. 2018, société Gauthier c/ Mme Y.).
Bibliographie
Michel Miné, Le Grand Livre du droit du travail en pratique, 29e édition,Eyrolles,2018.