Harcèlement sexuel et moral

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Harcèlement sexuel et moral
Le cadre défini par le statut général de la fonction publique
Les articles 6 ter et 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires visent à protéger le fonctionnaire contre le harcèlement sexuel et contre le harcèlement moral.
Edoardo MARQUÈS

S’agissant du harcèlement sexuel, les dispositions de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 pré- citée ont été modifiées et reprennent désormais la nouvelle définition du délit de harcèlement sexuel prévue par l’article 222-33 du Code pénal.
Outre la symétrie adoptée avec le Code pénal sur les éléments constitutifs de l’incrimination, la nouvelle rédaction de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée a retenu la même présentation que l’article 6 quinquies de cette loi relatif au harcèlement moral.
Ainsi, aucune mesure de rétorsion en lien avec le harcèlement – concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation – ne peut être prise à l’égard d’un agent public qui a subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel, y compris si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, qu’il ait engagé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou une action en justice visant à faire cesser ces faits ou agissements, qu’il ait témoigné de tels faits ou agissements, ou qu’il les ait relatés.
Par ailleurs, la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 introduit la notion d’« identité sexuelle » à l’article 6 du titre I du statut général comme motif de non-discrimination.
S’agissant du harcèlement moral, il est défini de la même façon dans les dispositions statutaires de la loi du 13 juillet 1983 précitée et dans le Code pénal (article 222-33-2).
L’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précise la nature et l’origine des agissements de harcèlement moral, ainsi que les sanctions applicables à leurs auteurs. Il condamne les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale de l’agent, ou de compromettre son avenir professionnel.
Ces agissements sont interdits, qu’ils soient exercés par l’employeur, un supérieur hiérarchique ou entre collègues.

Pour caractériser le harcèlement moral, plusieurs éléments doivent être réunis

Des agissements répétés de harcèlement moral :
il s’agit du caractère répétitif des actes. Un acte pris isolément, même grave, ne peut être qualifié de harcèlement moral.

Une dégradation des conditions de travail : ces agissements ont des conséquences néfastes sur les conditions de travail, sans que l’élément intentionnel de l’auteur des faits soit requis. Le harcèlement est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (1).

Une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel de l’agent : à titre d’exemple, s’est rendu coupable de harcèlement moral un employeur qui avait entamé à l’encontre d’un agent une procédure de révocation, puis abandonné cette procédure après un avis défavorable de la com- mission administrative paritaire, dès lors que son changement d’avis n’était pas guidé par de la clémence. En l’espèce, le juge a condamné l’employeur qui avait également retiré à l’agent une partie de ses responsabilités et mis en œuvre, puis abandonné, le projet de le faire recruter dans une autre administration pour des raisons étrangères à des réorganisations de service rendues nécessaires par des difficultés financières. En outre, les agissements constitutifs de harcèle- ment moral, notamment ceux qui sont inhérents à la carrière, tels que la perte de traitement, d’avancement ou la « stagnation salariale » (2), doivent donner lieu à une indemnisation du préjudice matériel subi par l’agent.
La loi protège l’ensemble des personnes qui ont été confrontées à une situation de harcèlement moral. Sont ainsi visés les agents :
• qui ont « subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral » ;
• qui ont « exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements » ;
• qui ont « témoigné de tels agissements » ou qui les ont « relatés ».

Il s’agit donc de protéger non pas uniquement la personne harcelée, mais aussi toute personne ayant témoigné ou dénoncé des faits de harcèlement.
Comme pour le harcèlement sexuel, la loi organise une protection contre toute mesure de rétorsion en lien avec le harcèlement. Il peut s’agir notamment des mesures concernant le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affecta- tion, la mutation.

En cas de recours devant le juge administratif, celui-ci, pour apprécier s’il y a effectivement eu harcèlement moral, doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel le harcèlement est reproché et de l’agent qui estime en avoir été victime. Cependant, lorsque l’existence du harcèlement moral est établie, il ne peut pas être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui (3).

Le juge a également précisé qu’un agent ne peut être sanctionné disciplinairement à la suite d’une dénonciation publique de faits constitutifs de harcèlement moral, même si cette dénonciation discrédite l’administration, sauf s’il manque à son devoir de réserve. En effet, une sanction est justifiée si, dans ses propos, l’agent accroît abusivement le discrédit porté sur l’administration en effectuant des descriptions ou des critiques qui excèdent, par leur tonalité et leur contenu, le cadre dans lequel les faits de harcèlement se sont produits, le cercle des personnes impliquées et le contexte qui l’a rendu possible (4).

Les obligations de l’employeur

La protection fonctionnelle

Le harcèlement sexuel ou moral est susceptible d’ouvrir droit à la protection fonctionnelle (5). En effet, le juge administratif a eu l’occasion de poser le principe selon lequel un fonctionnaire victime de harcèlement moral doit pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (6). Le ministre de la Fonction publique a notamment précisé quels moyens l’administration devait alors mettre en œuvre pour faire cesser une situation de harcèlement moral (7).

Une obligation de prévention

Lorsque l’administration est informée précisé- ment par l’agent de faits qui vont se produire ou qui n’ont pas pris fin, elle doit mettre en œuvre les moyens les plus appropriés pour éviter ou faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire est exposé. Dans la pratique, pour les cas où l’administration est en mesure d’établir la responsabilité de l’auteur du harcèlement, l’octroi de la protection fonctionnelle dans le cadre de la jurisprudence peut se traduire par des mesures de changement d’affectation, d’éloignement ou de suspension des fonctions. L’administration peut également engager une procédure disciplinaire contre l’agresseur si celui-ci est un agent public.

Une obligation d’assistance

Cette assistance est juridique. Il s’agit d’apporter à l’agent une aide dans les procédures judiciaires entreprises, notamment devant les juridictions pénales.

Une obligation de réparation

La mise en œuvre de la protection accordée à l’agent par son administration ouvre à ce dernier le droit d’obtenir directement auprès d’elle le paiement de sommes couvrant la réparation du préjudice subi du fait des attaques, avant même que l’agent ait engagé une action contentieuse contre l’auteur de l’attaque (8).
Ce principe a pour prolongement l’obligation faite à l’administration d’indemniser l’agent lorsque l’auteur des attaques ne règle pas le montant des dommages et intérêts auxquels il a été condamné, soit parce qu’il est insolvable, soit parce qu’il se soustrait à l’exécution de la décision de justice.
Sans se substituer à l’auteur du préjudice, l’administration, saisie d’une demande en ce sens, doit assurer à l’agent une juste réparation du préjudice subi du fait des attaques. Il lui appartient alors d’évaluer le préjudice. Cette évaluation s’opère sous le contrôle du juge administratif. En outre, l’administration n’est pas liée par le montant des dommages-intérêts alloués par le juge pénal (9).

La suspension

La mesure de suspension est une mesure préventive ; il s’agit souvent d’une mesure d’éloigne- ment du service, dictée par l’urgence, destinée à mettre fin au trouble que pourrait créer, au sein du service, la présence du fonctionnaire en cause. Une telle mesure, à laquelle l’agent doit se conformer, n’a d’autre objet que de préserver l’intérêt du service.

Les sanctions disciplinaires

Outre les sanctions civiles ou pénales, des sanc- tions résultant de poursuites disciplinaires peuvent être prononcées contre un agent ayant commis des actes de harcèlement sexuel ou moral. Toute per- sonne ayant procédé ou enjoint de procéder à des faits de harcèlement sexuel ou à des agissements de harcèlement moral est donc passible d’une sanction disciplinaire. En outre, les procédures dis- ciplinaires, civiles et pénales sont indépendantes les unes des autres.

(1) Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-41497.
(2) CE, 22 février 2012, n° 343410.
(3) CE, 11 juillet 2011, n° 321225.
(4) CAA Marseille, 27 septembre 2011, n° 09MA02175.
(5) Circulaire FP n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics.
(6) CE, 12 mars 2010, n° 308974.
(7) Quest. écr. AN n° 61894 du 27 octobre 2009.
(8) CE, 18 mars 1994, Rimasson, n° 92410.
(9) CE, 17 décembre 2004, Barrucq, n° 265165.

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