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Les comités d’experts des instances internationales examinent la conformité des dispositions légales et des pratiques internes au regard des textes internationaux ratifiés par chaque Etat. Ainsi, le Comité européen des droits sociaux (Ceds) du Conseil de l’Europe a rendu ses conclusions 2014 concernant le droit français au regard de la Charte sociale européenne révisée, notamment en matière de temps de travail (suivi des réclamations n° 55/2009 Cgt c/ France et n°56/2009 Cfe-Cgc c/ France).
Forfaits jours
Le Comité prend note de l’arrêt du 29 juin 2011 dans lequel la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que la violation par l’employeur des dispositions relatives aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés soumis au régime du forfait annuel en jours ne remettait pas en cause la validité du système lui-même, mais ouvrait droit à des dommages-intérêts pour le salarié. En outre, les défaillances de l’employeur qui privent le salarié de toute protection de sa santé annule l’effet de la convention de forfait en jours conclue avec le salarié.
Les dérogations aux dispositions relatives à la durée du travail s’inscrivent nécessairement dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur et toute convention individuelle de forfait en jours doit prévoir des garanties de respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
L’arrêt du 26 septembre 2012 a indiqué que l’accord collectif devait prévoir des outils de contrôle régulier de la charge de travail des salariés en forfait jours et a réitéré l’exigence d’un suivi régulier et précis de l’activité des salariés au forfait jours, en insistant sur la nécessité pour l’accord collectif l’ayant institué de garantir une charge de travail raisonnable ainsi qu’une bonne répartition du travail dans le temps.
L’arrêt du 24 avril 2013 a précisé que la convention de forfait en jours est nulle dès lors que les dispositions de l’accord d’entre- prise et celles de la convention collective ne sont pas de nature à garantir que la charge de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps du travail du salarié.
La Cour a considéré que les clauses relatives au forfait jours qui figuraient dans ces conventions collectives ne répondaient pas à ces conditions. Les accords individuels relatifs au forfait en jours conclus avec les salariés sur la base de ces conventions collectives ont dès lors également été annulés. Le Comité constate que la jurisprudence de la Cour de cassation donne des assurances quant au respect de la durée du travail raisonnable des salariés relevant du forfait jours. Il considère par conséquent que l’article 2.1 de la Charte sera respecté lorsque toutes les conventions collectives concernées auront été modifiées conformément à l’arrêt de la Cour. Aussi, le Comité demande au gouvernement le nombre exact de conventions collectives qui ont été modifiées après cet arrêt. Il demande en particulier si les nouvelles limites de durée du travail quotidienne et hebdomadaire qui sont désormais fixées pour les salariés relevant du forfait jours sont identiques à celles prévues par le Code du travail.
Astreintes
Le Comité a estimé que l’assimilation des périodes d’astreinte durant lesquelles aucun travail effectif n’est réalisé à du temps de repos constituait une violation de l’article 2.1 de la Charte. Le Code du travail définit l’astreinte comme une période pendant laquelle le salarié a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité, afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. Exception faite de la durée d’intervention, la période d’astreinte est décomptée dans les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Les astreintes sont mises en place par des conventions collectives ou des accords d’entreprise ou d’établissement.
D’après le rapport remis par le gouverne- ment, il est indéniable que l’astreinte ne constitue pas une forme de repos comme les autres. Aussi le recours à l’astreinte est-il encadré par des dispositions très strictes : l’astreinte doit être mise en place par accord collectif, elle suppose le respect absolu des repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que l’octroi aux salariés concernés de contre- parties financières ou d’un repos supplémentaire, tel que défini par l’accord collectif ou, à défaut, par l’employeur.
Le Comité prend note de la circulaire Drt 2003-06 du 14 avril 2003 qui dispose que, lorsqu’une intervention a lieu pendant la période d’astreinte et que le salarié n’a pas encore bénéficié de la totalité des périodes de repos minimales prévues par le Code du travail, celles-ci doivent être entièrement données à l’issue de l’intervention.
Le Comité estime qu’une assimilation des périodes d’astreinte, en tout, au temps de repos porte atteinte au droit à une durée raisonnable du travail, qu’il s’agisse d’un temps de garde sur le lieu de travail ou d’une période d’astreinte à domicile.
Le Comité note que la situation qui a été précédemment jugée non conforme à la Charte n’a pas changé. En outre, le Comité considère que le suivi donné à la réclamation n° 56/2009 n’a pas mis la situation en conformité. Par conséquent, le Comité réitère sa conclusion de non-conformité. Le Comité demande à être plus amplement informé des positions innovantes développées par la France concernant la part inactive de la période d’astreinte. Il demande, en particulier, si les périodes d’inactivité au cours de l’astreinte sont comptabilisées, en tout ou en partie, comme temps de repos. Le Comité conclut que la situation de la France n’est pas conforme à l’article 2.1 de la Charte au motif que les astreintes durant lesquelles aucun travail effectif n’est réalisé sont assimilées à des périodes de repos.
BIBLIOGRAPHIE
• Michel Miné et Daniel Marchand, Le droit du travail en pratique, mars 2015, 27e édition, Eyrolles, Paris, 717 Pages, 34 euros.