Fonction publique : Rémunération des contractuels

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Fonction publique : Rémunération des contractuels
Les contractuels de la fonction publique doivent être rémunérés sur la base d’un traitement indiciaire et bénéficier de l’ensemble des compléments de rémunération.
Edoardo MARQUÈS

Par une décision du 30 mai 2016 (1), le Conseil d’Etat précise que les contractuels des collectivités territoriales et de leurs établissements publics occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu’aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Par ailleurs, il indique que les stipulations du contrat d’un agent qui fixent sa rémunération sur la base d’un taux horaire appliqué au nombre d’heures de travail effectuées et excluent le versement de tout complément de rémunération méconnaissent ces dispositions.

En l’espèce, Mme A., psychologue contractuelle rémunérée sur la base d’un taux horaire, affectée sur emploi permanent à la ville de Saint-Denis (Seine-Saint- Denis) dans les services de la commune depuis 1982 et liée à cette collectivité depuis le 1er juillet 1994 par un contrat à durée indéterminée, avait demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune avait rejeté sa demande du 15 novembre 2010 tendant à la modification de son contrat afin que sa rémunération soit fixée par référence à un traite- ment indiciaire et qu’elle bénéficie des primes, du régime indemnitaire et des avantages divers des agents occupant des fonctions équivalentes.

Par le jugement n° 1102122 du 24 mai 2012, le tribunal administratif de Montreuil avait annulé cette décision. Puis, par l’arrêt n° 12VE02719 du 13 mars 2014, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la commune de Saint-Denis contre le jugement du 24 mai 2012. La commune de Saint-Denis se pourvoit alors en cassation et demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 mars 2014.

 

Dans une seconde procédure, le même agent contractuel avait demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser une somme de 31 714,76 euros, assortie des intérêts et des intérêts capitalisés, correspondant au paie- ment de diverses indemnités auxquelles elle estime pouvoir prétendre en qualité d’agent de la commune. Par le jugement n° 1004044 du 24 novembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté sa demande. Puis, par l’arrêt n° 12VE00464 du 13 mars 2014, la cour administrative d’appel de Versailles avait rejeté l’appel formé par Mme A. contre le jugement du 24 novembre 2011.

Cet agent se pourvoit alors en cassation et demande au Conseil d’Etat d’annuler ce second arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 mars 2014. Le Conseil d’Etat examine alors ensemble les pourvois et tranche dans la même direction : il rejette le pourvoi formé par la commune de Saint-Denis ; et annule l’arrêt n° 12VE00464 de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 mars 2014 en tant qu’il rejette les conclusions de Mme A. tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser les arriérés qu’elle estime lui être dus depuis le 1er janvier 2005 du supplément familial de traitement, de l’indemnité de résidence, du régime indemnitaire créé par la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Denis du 25 février 1993 ainsi que de l’indemnité de risque et de sujétions spéciales prévue par la délibération du 20 mai 2010. Il enjoint ainsi à ladite cour de fixer le montant du préjudice subi par l’agent. La commune de Saint-Denis versera également à Mme A. la somme de 6 000 euros au titre des frais engagés par elle.

 

Les contractuels de la fonction publique doivent être rémunérés sur la base d’un traitement indiciaire

 

Pour arriver à cette solution le Conseil d’Etat précise en premier lieu que les dispositions de l’article 20 du de la loi 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, s’appliquent aux contractuels des collectivités et établissements locaux en application des dispositions de l’article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale auquel elles renvoient.

Or cet article 20 dispose que « les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S’y ajoutent les prestations familiales obligatoires. Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l’agent et de l’échelon auquel il est parvenu, ou de l’emploi auquel il a été nommé. »

Par ailleurs, aux termes de l’article 2 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l’Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d’hospitalisation, « les traitements et soldes soumis aux retenues pour pension des (magistrats, militaires, fonctionnaires et agents de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière) sont calculés en multipliant le centième de la valeur du traitement fixée à l’article 3 ci-dessous par l’indice majoré correspondant à leur grade ou emploi, et échelon ».

On doit en tirer la conclusion que les contractuels affectés à un emploi permanent (même s’ils sont à temps non complet) doivent bénéficier d’une rémunération calculée sur la base d’un traitement indiciaire à laquelle s’ajoutent, le cas échéant, le supplément familial de traite- ment ainsi que l’indemnité de résidence (dont on rappellera qu’ils sont calculés tous les deux par référence à un traitement indiciaire).

 

Les contractuels affectés à un emploi permanent doivent bénéficier du régime indemnitaire institué  par la collectivité

 

S’agissant des primes et indemnités, le Conseil d’Etat rappelle qu’en application des dispositions combinées de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, précitées, les contractuels des collectivités territoriales et établissements publics locaux occupant un emploi permanent ont droit non seulement à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traite- ment mais aussi « aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ».

C’est ainsi que le Conseil d’Etat fait droit à la demande de Mme A. demandant à la commune de Saint- Denis de lui verser, depuis le 1er janvier 2005 (déchéance quadriennale oblige), le montant des primes correspondant au régime indemnitaire créé par la délibération du conseil municipal de Saint-Denis du 25 février 1993 ainsi que celui de l’indemnité de risque et de sujétions spéciales prévue par la délibération du 20 mai 2010, dont bénéficient les fonctionnaires du cadre d’emplois des psychologues territoriaux.

 

En cas d’irrégularités contenues dans le contrat, le juge est tenu de les écarter

 

Enfin, le Conseil d’Etat précise le rôle du juge face au contrat. Il indique ainsi que, dans le cas où l’agent fait valoir, à bon droit, que son contrat méconnaît des dispositions législatives ou réglementaires qui lui étaient applicables et est, par suite, entaché d’irrégularité, le juge administratif, s’il est saisi, est tenu, pour établir l’étendue de ses droits, d’écarter les clauses de son contrat qui sont affectées d’irrégularité.

On notera que dans une précédente décision du 30 mai 2012 (2), le Conseil d’Etat indiquait que « sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au pro- fit de celui-ci ; que, lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents dont relève l’agent contractuel en cause, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement ; qu’en revanche l’intéressé ne saurait prétendre à la mise en œuvre des stipulations illégales de son contrat ».

(1) CE, 30 mars 2016, commune de Saint-Denis et Mme A., requête n° 380616.
(2) CE, 30 mai 2012, Mme Diollot, requête n° 343039.

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