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Les dispositions de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, ne font pas obstacle à ce qu’un agent public demande à bénéficier de la protection fonctionnelle pour des faits survenus à une date à laquelle il participait à un mouvement de cessation collective et concertée du travail. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État dans une décision du 22 mai 2017 (1). Toutefois, il appartient à cet agent d’établir que les faits dont il a été victime sont en lien avec l’exercice de ses fonctions, au sens de ces mêmes dispositions.
En l’espèce, M. X avait été recruté en 2003, en qualité d’agent non titulaire, pour exercer des fonctions de formation en boucherie au sein du centre de formation des apprentis Nicolas-Albano relevant de la commune de Sète. À la rentrée scolaire de septembre 2012, avec d’autres enseignants, il avait participé à un mouvement de grève qui a duré plu- sieurs semaines. M. X avait sollicité du maire de Sète le bénéfice de la protection fonctionnelle, prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin d’intenter devant l’autorité judiciaire une action en diffamation contre une organisation patronale à l’origine de la publication, le 11 septembre 2012, d’un article de presse relatant le conflit social en cours. Par une décision du 29 mars 2013, le maire de Sète avait refusé d’accorder la protection fonctionnelle à cet agent au titre de la période au cours de laquelle ce dernier était en grève. Par un jugement du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier avait rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision de refus et de la décision rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision. Puis la commune de Sète se pourvoyait en cassation contre l’arrêt du 27 novembre 2015 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à l’appel de M. X, avait annulé ce jugement ainsi que les décisions litigieuses.
Le Conseil d’État, dans sa décision du 22 mai 2017, rejette le pourvoi de la commune de Sète et donne raison à l’agent gréviste. Le Conseil d’État indique, en outre, que la circonstance qu’à la date de la publication de l’article au titre duquel la protection était demandée M. X était gréviste n’était pas, par elle-même, de nature à exclure l’existence d’un lien entre les faits invoqués et les fonctions de l’agent en cause.
Quelques rappels relatifs au régime de la protection fonctionnelle
On rappellera que la protection fonctionnelle ne peut pas être demandée par une autre entité que l’agent lui-même. Ainsi une organisation syndicale ou une association professionnelle ne sont pas fondées à la demander à la place de l’agent en cause.
Pour des raisons de preuves, l’agent qui souhaite demander le bénéfice de la protection fonctionnelle à son employeur doit le faire par écrit en recommandé avec demande d’accusé de réception en présentant les motifs de sa demande, appuyés par tout document (article de presse le mettant en cause, dépôt de plainte contre un tiers pour coups et blessures, etc.).
Il revient à l’autorité ayant pouvoir de nomination, sous le contrôle du juge administratif, d’apprécier les mesures de protection adéquates. Il peut s’agir de prendre en charge les frais d’avocat de l’agent à l’occasion d’un procès contre un tiers, mais pas seulement. Il peut également s’agir d’une réponse de l’administration par voie de presse ou de communiqué visant à protéger la réputation d’un agent, d’un changement d’affectation, avec l’accord de l’agent en vue de ne pas l’exposer davantage à des pressions ou attaques etc.
L’administration ne peut en aucun cas désigner un conseil à l’agent ; tout juste peut-elle proposer une liste d’avocats si l’agent s’estime démuni. S’agissant des frais d’avocat, le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 (2), vient préciser les conditions de prise en charge, par l’employeur, des frais et honoraires exposés par les agents publics ou anciens fonctionnaires ou leurs ayants droit dans le cadre des instances civiles ou pénales. Ce texte s’applique aux demandes de prise en charge de frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales introduites pour des faits survenant à compter du 30 janvier 2017.
En ce qui concerne les agents publics de la fonction publique territoriale, il est important de rappeler que, alors même que l’agent en cause doit demander le bénéfice de la protection fonctionnelle par écrit à l’autorité territoriale (maire, président de conseil départemental, régional etc.), c’est à l’assemblée délibérante (conseil municipal, conseil départemental…) qu’il revient de l’accorder par voie de délibération.
Comme on l’a vu dans l’affaire de M. X tout refus d’accorder le bénéfice d’une protection fonctionnelle peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dans les deux mois qui suivent la réponse de l’employeur. En cas de silence de ce dernier, durant deux mois suivant la demande de l’agent, celui-ci dispose à partir de cette date, d’un délai de recours de deux mois pour saisir le juge administratif.
(1) CE, 22 mai 2017, commune de Sète, requête n° 396453.
(2) Publié au Journal officiel du 29 janvier 2017.