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Par une décision du 20 décembre 2017 1, le Conseil d’État précise que, dès lors qu’une administration sollicite l’avis d’un organisme consultatif (en l’occurrence le Chsct), sans y être légalement tenue, au sujet, notamment, d’un projet de réorganisation des services, elle doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières.
En l’espèce, l’irrégularité de la procédure suivie par l’administration devant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Chsct), alors même qu’elle n’était pas tenue de le saisir, entache sa décision d’illégalité. En effet, eu égard à la garantie que constitue le recours à un expert agréé et à l’influence que son rapport pouvait avoir sur les dispositions litigieuses, l’administration, en faisant procéder au vote sans attendre que l’inspection du travail se prononce sur la nomination d’un expert, a empêché le Chsct de disposer des éléments suffisants pour permettre sa consultation. Dans les faits, l’administration des Douanes avait pour projet la suppression du bureau de douane d’Évreux, dont, constate le Conseil d’État : « il n’est pas contesté qu’elle constitue un projet important modifiant les conditions de travail, au sens du 2° de l’article 55 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 », relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique d’État. Cette question a donc été mise à l’ordre du jour du Chsct de la direction régionale de Rouen, dont relevait le bureau d’Évreux.
Réorganisation des services : quel rôle pour le Chsct ?
Or, précise le Conseil d’État, une question ou un projet de réorganisation ne doit être soumis à la consultation du Chsct que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet de disposition en cause. Le Chsct ne doit ainsi être saisi que d’une question ou projet concernant exclusivement la santé, la sécurité ou les conditions de travail. En revanche, lorsqu’une question ou un projet concerne la réorganisation ou le fonctionnement, seul le comité technique doit être obligatoirement consulté, cette instance pouvant, le cas échéant, saisir le Chsct de toute question qu’il juge utile de lui soumettre. En outre, l’administration a toujours la faculté de consulter ce comité. Le Chsct a donc débattu de ce projet d’organisation à plusieurs reprises et notamment lors de sa séance du 9 janvier 2017, au cours de laquelle, après avoir constaté l’existence d’un désaccord sérieux et persistant, l’administration a décidé de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 5-5 du décret du 28 mai 1982 précité. Celui-ci dispose qu’« en cas de désaccord sérieux et persistant entre l’administration et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le chef de service compétent ainsi que le comité d’hygiène et de sécurité compétent peuvent solliciter l’intervention de l’inspection du travail. Les inspecteurs santé et sécurité au travail, peuvent également solliciter cette intervention. Dans le cas d’un désaccord sérieux et persistant, l’inspection du travail n’est saisie que si le recours aux inspecteurs santé et sécurité au travail n’a pas permis de lever le désaccord ».
L’expert aurait dû être consulté avant la décision de réorganisation
L’administration a toutefois, au cours de la même séance et sans attendre que l’inspection du travail se prononce sur la question de la nomination d’un expert, fait procéder à un vote sur le projet envisagé, auquel les représentants du personnel ont refusé de participer.
En outre le Conseil d’État constate que le rapport de l’inspecteur du travail a été remis le 15 mai 2017, soit postérieurement à la publication de l’arrêté du 27 février 2017 du ministre de l’Économie et des Finances portant modification de la liste des bureaux des douanes et droits indirects, arrêté qui fait l’objet du litige. L’inspection recommande ainsi de nommer un expert en vue d’évaluer l’impact de la réorganisation envisagée sur les conditions de travail des agents concernés.
Pour le juge, il en résulte qu’eut égard à la garantie que constitue le recours à un expert agréé et à l’influence que le rapport de ce dernier pouvait avoir sur les dispositions attaquées, le Chsct n’a pas disposé des éléments suffisants pour permettre sa consultation sur le projet en cause. Par suite, l’avis du comité du 9 janvier 2017 a été rendu au terme d’une procédure irrégulière. Dès lors, le Syndicat national des agents des douanes-Cgt obtient gain de cause, puisque le Conseil d’État annule l’article 3 de l’arrêté du 27 février 2017 précité.
Lorsqu’une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’une action disciplinaire dont l’exercice n’était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Tel est le cas de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 qui introduit un délai de prescription de trois ans en matière disciplinaire. Ainsi, en l’espèce, des faits reprochés à un agent dans le cadre d’une procédure disciplinaire initiée en 2015 pouvaient encore être régulièrement invoqués par l’administration dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette loi (soit le 22 avril 2016) alors même qu’ils avaient été commis en 2008 et 2009 2.
1. Conseil d’État, 20 décembre 2017, Syndicat national des agents des douanes-CGT, requête n° 41038.
2. Conseil d’État, 20 décembre 2017, M. B. requête n° 403046.