Fonction publique : Actualité de la jurisprudence administrative

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Fonction publique : Actualité de la jurisprudence administrative
Voici quelques arrêts récents et marquants de la jurisprudence relative à la fonction publique.
Discipline et mutation

En l’absence de situation de compétence liée, la collectivité recrutant par voie de mutation un agent faisant l’objet d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions n’est pas tenue d’appliquer ladite sanction, qui ne saurait produire d’effets au-delà du ressort de l’autorité territoriale qui l’a prononcée.
Par ailleurs, l’agent sanctionné n’avait commis aucune manœuvre frauduleuse en s’abstenant d’informer la collectivité d’accueil de la sanction disciplinaire prise par son précédent employeur car, à la date du recrutement, cette décision de sanction avait été suspendue par le juge des référés (1).

 

Fonctionnement des commissions administratives paritaires

Une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer qu’à la condition que les membres représentants de l’administration et du personnel aient été convoqués en nombre égal et que le quorum ait été atteint lors de l’ouverture de la séance.
En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire, aucune règle ni principe ne subordonnent la régularité de la consultation à la présence effective en séance d’un nombre égal de représentants de l’administration et de représentants du personnel. La règle de parité ne s’impose donc qu’à la composition des commissions administratives paritaires (2).

 

Mutation dans l’intérêt du service ou sanction déguisée ?

La mutation dans l’intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu’il est établi que l’administration a eu l’intention de sanctionner l’agent et que la décision a porté atteinte à sa situation professionnelle. En l’espèce, Mme B., rédacteur territorial chef, recrutée par le centre communal d’action sociale (Ccas) de Fontaine à compter du 1er    janvier 2002, avait été affectée à la maison d’accueil pour personnes âgées (Mapa) «L’Eglantine» en qualité de directrice. Relevant plusieurs manquements à ses obligations professionnelles, notamment le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité et le fait d’avoir confié la gestion de l’établissement à une per- sonne non habilitée à cet effet, le président du Ccas avait, par un arrêté du 24 septembre 2007, prononcé à l’encontre de Mme B. une sanction d’exclusion d’une journée. Puis, par un arrêté du 12 décembre 2007, celle-ci avait été mutée d’office dans l’intérêt du service au poste de directrice du foyer-logement pour personnes âgées « La Roseraie ». Pour le Conseil d’Etat, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la mutation de Mme B. avait porté atteinte à ses responsabilités professionnelles et que, dès lors, en estimant que la décision prononçant le changement d’affectation de cet agent devait être regardée comme une simple mesure d’organisation du service, le tribunal avait donné aux faits une qualification juridique erronée (3).

 

Durée du préavis à un licenciement d’agent non titulaire

Les articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale prévoient, avant le licenciement d’un agent non titulaire, l’obligation de respecter un préavis d’une durée minimale, variable selon l’ancienneté. Toutefois, estime le Conseil d’Etat, le contrat peut fixer une durée de préavis plus favorable à l’agent, en considération de son ancienneté et de la nature de ses fonctions. Cependant, ce pré- avis ne doit ni avoir une durée excessive faisant obstacle à la possibilité de mettre un terme au contrat dans l’intérêt du service et de licencier l’agent, ni être inférieur à la durée minimale réglementaire (4).

 
Accident de trajet : non-imputabilité au service en raison du comportement de l’agent

Un accident survenu lors d’un trajet entre le lieu de travail et le domicile n’est pas imputable au service dans la mesure où il a pour cause un comportement délibéré de l’agent. Celui-ci a en effet été blessé lors d’une altercation survenue après qu’il a poursuivi et forcé à s’arrêter le véhicule qui l’avait accroché. En l’espèce, alors que M. P. rentrait, le 27 mai 2009, de son lieu de travail à son domicile, sa voiture a été heurtée par un véhicule dont le conducteur a refusé de s’arrêter. M.P. a alors poursuivi le véhicule, l’obligeant par une manœuvre à s’arrêter ; une altercation s’en est suivie et M.P. a été blessé, le véhicule ayant roulé sur son pied droit. Pour rejeter la demande de M.P. tendant à l’annulation de la décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service de cet accident, qui a occasionné à l’intéressé une incapacité temporaire de vingt jours, le tribunal administratif de Lyon a relevé que M. P. avait placé sa propre voiture en travers du chemin du véhicule qui l’avait accroché pour le forcer à s’arrêter, puis s’était mis lui-même devant le véhicule pour l’empêcher de repartir (5).

 

Conditions d’attribution de la Nbi

Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (Nbi) est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent ; le bénéfice de cette bonification, exclusivement attaché à l’exercice effectif des fonctions, ne peut, dès lors, être limité aux fonctionnaires d’un corps ou aux titulaires d’une qualification déterminée ni être soumis à une condition de diplôme. Ainsi, l’arrêté du 6 décembre 1991 fixant la liste des emplois du ministère de l’Education nationale éligibles à la nouvelle bonification indiciaire ne pouvait légalement en subordonner le bénéfice à la détention d’un diplôme spécialisé pour l’enseignement des jeunes handicapés. Par suite, juge le Conseil d’Etat, le recteur ne pouvait refuser le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au motif que Mme A. ne détenait pas un diplôme spécialisé pour l’enseignement des jeunes handicapés (6).

 

Congé maternité et congés annuels

Selon un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 18 mars 2004 (Maria B., C-342/01), une travailleuse a droit au bénéfice de son congé annuel lors d’une période distincte de celle de son congé de maternité et, par suite, à un report de son congé annuel, alors même que le nombre de jours de congé prévu par la législation nationale est plus élevé que celui prévu par le droit communautaire, lorsque l’application des règles de droit interne aboutit à une coïncidence entre ces deux périodes.
Ainsi, eu égard aux nécessités du service public de l’Education nationale, une enseignante ne peut exercer son droit à un congé annuel, d’une durée égale à cinq fois ses obligation hebdomadaires de service, que pendant les périodes de vacance des classes, dont les dates sont arrêtées par le ministre chargé de l’Education. Dès lors, si, conformément au droit de l’Union européenne, elle a droit au bénéfice de son congé annuel lors d’une période distincte de celle de son congé de maternité, elle n’est en droit de prendre un congé annuel en dehors des périodes de vacances des classes que si elle n’est pas en mesure d’exercer ce droit, au cours de l’année concernée, pendant les périodes de vacances des classes précédant ou suivant la période de son congé de maternité (7).

 

Règle de non-renouvellement d’une période d’essai d’un contrat d’engagement d’un agent non titulaire

Une période d’essai ne peut être valablement stipulée lorsque le contrat est renouvelé à son expiration, pour les mêmes fonctions et par le même employeur, celui-ci ayant déjà pu apprécier les capacités professionnelles de l’agent. En l’espèce, par un premier contrat à durée déterminée, Mme B. avait été recrutée en qualité d’assistante d’éducation au collège Cité de Narbonne pour la période du 3 janvier au 31 août 2005, sur le fondement de l’article L.916-1 du Code de l’éducation selon lequel : « Des assistants  d’éducation peuvent être recrutés par les établissements d’enseignement […] pour exercer  des fonctions d’assistance à l’équipe éducative  en lien avec le projet d’établissement, notamment pour l’encadrement et la surveillance des  élèves. […] Les assistants d’éducation sont recrutés  par des contrats d’une durée maximale de trois  ans, renouvelables dans la limite d’une période  d’engagement totale de six ans… » Ce premier contrat prévoyait une période d’essai. Puis il a été renouvelé pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2006. Or le second contrat prévoyait également une nouvelle période d’essai. Mais, le 23 septembre 2005, le chef d’établissement avait décidé de mettre fin à ce contrat à compter du 29 septembre 2005. Pour écarter le moyen tiré de ce que le second contrat à durée déterminée ne pouvait prévoir une nouvelle période d’essai, le tribunal administratif de Montpellier avait estimé qu’il n’existait aucun obstacle à ce qu’une période d’essai soit prévue dans le contrat pro- cédant au renouvellement de l’engagement d’un agent, y compris pour l’exercice des mêmes fonctions. Pour le Conseil d’Etat, en statuant ainsi, alors que le second contrat était passé avec le même établissement pour les mêmes fonctions, le tribunal a commis une erreur de droit ; et, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé (8).
Edoardo MARQUÈS

(1) Conseil d’Etat, 1er mars 2013, Département C, requête n° 361819.
(2) Conseil d’Etat, 1er mars 2013, ministre de la Culture et de la Communication, requête n° 351409.
(3) Conseil d’Etat, 25 février 2013, Mme B., requête n° 348964.
(4) Conseil d’Etat, Mme A., 6 février 2013, requête n° 347622.
(5) Conseil d’Etat, M. P., 6 février 2013, requête n° 355325.
(6) Conseil d’Etat, Mme A., 22 janvier 2013, requête n° 349224.
(7) Conseil d’Etat, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, 26 novembre 2012, requête n° 349896.
(8) Conseil d’Etat, Mme B., 26 novembre 2012, requête n° 347575.

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