Evaluation du travail : Une nouvelle décision à connaître

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Evaluation du travail : Une nouvelle décision à connaître
La question de l’évaluation du travail est importante pour chaque salarié concerné et également pour les collectifs de travail fragilisés par cette individualisation des situations.
Le droit se construit pour encadrer les pratiques des entreprises notamment en ce qui concerne les critères comportementaux. Michel CHAPUIS

Procédure. Le comité d’établissement Peugeot Citroën de La Garenne-Colombes et le syndicat Symnes Cfdt ont saisi le tribunal de grande ins- tance d’une contestation du nouveau système de notation mis en œuvre en 2012 par la société Peugeot Citroën automobile (Pca). Le syndicat Cgt des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux puis la Fédération des travailleurs de la métallurgie Cgt sont intervenus volontairement à l’instance (arrêt Cassation sociale, 14 décembre 2015, non publié au Bulletin des arrêts – cet arrêt « ne fait pas jurisprudence »).

 

1. Sur l’objet de l’action syndicale en justice

 

Sur l’information et la consultation des irp

* Le syndicat Cgt et la fédération Cgt font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes tendant à constater le défaut d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur la période 2009-2011, et leur allouer des dommages-intérêts alors qu’aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Il en résulte qu’ils peuvent demander les mesures de remise en état destinées à mettre fin à une situation illicite affectant cet intérêt collectif ; le défaut d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel, lorsqu’elle est légalement obligatoire, porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession ; en rejetant les demandes du syndicat et de la fédération Cgt tendant à voir constater le défaut d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel préalablement à la mise en œuvre de dispositifs d’évaluation et de notation au motif que les organisations syndicales ne pourraient qu’accompagner l’action menée par une des institutions représentatives du personnel concernées et non se substituer à celles-ci, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

* Pour la Cour de cassation : « Si, aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d’information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu’elles sont légalement obligatoires, ils n’ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions pour tirer argument d’un défaut de consultation qu’elles n’invoquent pas. » « La cour d’appel a dès lors exactement retenu que l’action des organisations syndicales ne peut que s’associer à l’action menée par une des institutions représentatives du personnel concernées mais ne peut se substituer à elles en se prévalant d’un défaut de consultation dont elles ne font pas état. »

 

Sur la demande de destruction des évaluations déjà réalisées

* Le syndicat Cgt et la fédération Cgt font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes – qui sont, notamment, dire illicites les règles d’évaluation, annuler les évaluations professionnelles réalisées sur ce fondement et en ordonner la destruction, faire interdiction de la mise en œuvre d’un nouveau dispositif sous astreinte et leur allouer des dommages-intérêts alors que les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Il en résulte qu’ils peuvent demander les mesures de remise en état destinées à mettre fin à une situation illicite affectant cet intérêt collectif ; il a été constaté l’illicéité du critère d’évaluation tenant au « comportement éthique » ; si la cour d’appel a pris acte de ce que la société renonce à évaluer la « compétence comportement éthique », elle a jugé, pour ce qui concerne les évaluations déjà réalisées, qu’elles ne relèvent pas de l’intérêt collectif de la profession mais des rapports individuels entre employeurs et salariés ; si la demande concernant le dispositif même d’évaluation est recevable, seul chaque salarié serait recevable à demander individuellement la destruction de son évaluation devant le tribunal compétent ; en statuant ainsi, alors que la destruction des évaluations déjà réalisées sur le fondement d’un critère illicite constituait une mesure de remise en état destinée à mettre fin à une situation illi- cite affectant l’intérêt collectif de la profession, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

* Pour la Cour de cassation : « Si la violation des articles L. 1121-1, L. 1122-2 et L. 1122-3 du code du travail porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par un syndicat, de sorte que l’action de ce dernier aux fins de dire illicites les évaluations réalisées en violation de ces articles est recevable, l’action tendant à la destruction des évaluations des salariés déjà réalisées est un droit exclusivement attaché à la personne des salariés. » « C’est dès lors exactement que la cour d’appel a ainsi statué.»

2. Sur les critères comportementaux

 

* Pour rejeter les demandes du syndicat Cgt et de la fédération de la métallurgie Cgt formées au titre de l’illicéité des dispositifs d’évaluation mis en œuvre dans la période antérieure au 1er janvier 2012, l’arrêt retient que ces organisations syndicales se fondent essentiellement sur le fait que les critères de comportement auraient été vagues et de nature à justifier des évaluations subjectives et qu’elles insistent sur le fait que cette absence de précision aurait été reconnue par la société, qu’elles ont elles-mêmes admis que des critères comportementaux pouvaient être admis dans l’évaluation à condition qu’ils soient en lien avec le travail et non la personnalité du salarié, qu’ils ne soient pas subjectifs et qu’ils soient suffisamment précis pour permettre aux salariés de les intégrer dans une activité concrète et à l’évaluateur de l’apprécier avec la plus grande objectivité possible, que le seul grief fait par les syndicats intervenants est le fait que les critères de comportement auraient été « vagues » et qu’ils ne mettent en exergue à l’appui de cette critique que l’exemple d’un salarié dont ils estiment qu’il n’a pas été noté objectivement, que cette seule critique ne peut suffire à déclarer illicite l’ensemble du système d’évaluation mis en œuvre entre 2009 et 2011, que le fait que la société ait déclaré que ce système était vague et ait proposé ensuite des améliorations ne peut davantage être analysé comme la reconnaissance par l’employeur d’avoir mis en œuvre un système.

 

* Pour la Cour de cassation, « en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme cela lui était demandé, si la méthode d’évaluation reposait sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. »


* Pour rejeter les demandes du comité d’établissement tendant à dire illicites les règles d’évaluation, l’arrêt, après avoir rappelé les finalités du système d’évaluation en insistant sur les nécessités d’une évaluation objective et retenu que le salarié ayant une participation active à cette évaluation sait exactement sur quels points il doit faire porter son effort, retient que l’évaluation ne doit pas être détournée de son objet en devenant une cause de rivalité ou un moyen de sanction dissimulée.

Sur les éléments fournis par les appelants sur l’illégalité de la partie de l’évaluation consacrée à la maîtrise comportementale de la fonction, il sera observé que, contrairement à quelques exemples donnés par le syndicat Cfdt, le système de notation contesté ne s’applique qu’aux cadres, techniciens et agents de maîtrise, que, par ailleurs, l’employeur justifie de ce que des recours internes sont à la disposition du salarié agent de maîtrise lorsqu’il est en désaccord avec le résultat de l’entretien et que le cadre peut solliciter un rendez-vous avec un supérieur hiérarchique de niveau plus élevé, que les critères de compétence comportementale que cite le syndicat Cfdt ne sont pas applicables dans leur ensemble à tous les salariés contrairement à ce que soutiennent les syndicats, mais deux d’entre eux sur les huit recensés ne sont applicables qu’aux seuls collaborateurs encadrants, que le premier juge qui a détaillé les compétences comportementales ainsi que le déroulement du processus d’évaluation en a justement déduit que le dispositif comportait de nombreux postes qui permettaient d’apprécier au mieux les diverses caractéristiques de chaque fonction.

Il s’en déduit que le processus en lui-même répondait aux critères d’objectivité et de sécurité indispensables, étant observé que les exemples développés par les syndicats illustrent non pas une carence du système lui-même mais tout au plus des maladresses ou des mauvaises appréciations des évaluateurs, qui ne sont pas de nature en elles-mêmes à remettre en cause l’en- semble du système d’appréciation mis en place à partir du 1er janvier 2012.

 

• Pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des organisations syndicales qui soutenaient que sont dépourvus de toute objectivité et donc illicites les critères se référant à des standards idéologiques, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

 

Sur ces deux points, la Cour de cassation casse et annule en ce qu’elle constate l’absence d’illégalité et d’illicéité du dispositif d’évaluation de l’arrêt, rendu le 18 février 2014, par la cour d’appel de Versailles et renvoie l’affaire et les parties devant la cour d’appel autrement composée.

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