Pour en savoir plus
Le droit interne
L’article L.1111-3 du Code du travail pré- voit : « Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise : les apprentis ; les titulaires d’un contrat initiative-emploi ; […] 4° Les titulaires d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ; […] 6° Les titulaires d’un contrat de professionnalisation jusqu’au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu’à la fin de l’action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée. »
Les faits
Le 4 juin 2010, l’union départementale Cgt des Bouches-du-Rhône a désigné M. L… en qualité de représentant de la section syndicale créée au sein de l’Ams (Association de médiation sociale). L’Ams conteste cette désignation. Elle considère que son effectif est de moins de onze et, a fortiori, de moins de cinquante salariés. En effet, pour déterminer si ces seuils de onze ou de cinquante salariés sont atteints au sein de l’association, il convient, selon l’Ams, d’exclure du calcul de son effectif, conformément à l’article L.1111-3 du Code du travail, les « travailleurs titulaires de contrats aidés ».
Le tribunal d’instance de Marseille, saisi d’une demande de l’Ams tendant à l’annulation de la désignation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, portant sur les dis- positions de l’article L.1111-3 du Code du travail. Le Conseil constitutionnel, le 29 avril 2011, a déclaré l’article L.1111-3 du Code du travail conforme à la Constitution. Devant le tribunal d’instance de Marseille, M. L… et l’union locale des syndicats Cgt des quartiers nord ont fait valoir que les dispositions de l’article L.1111-3 du Code du travail sont contraires au droit de l’Union européenne.
Le 7 juillet 2011, le tribunal d’instance de Marseille a écarté l’application des dispositions de l’article L.1111-3 du Code du travail. Le tribunal a validé la désignation du représentant de la section syndicale, après avoir constaté que, en l’absence d’application des exclusions instituées par l’article L.1111-3 du Code de travail, l’effectif de l’association en cause dépassait largement le seuil de cinquante salariés.
L’Ams a formé un pourvoi devant la Cour de cassation contre ce jugement. La Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’UE (Cjue).
Le droit de l’UE
Deux textes sont ici à mobiliser :
• la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne: « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales. » (art. 27) ;
• la directive n° 2002/14 du 11 mars 2002 établissant un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements.
La décision
Le juge de l’UE vient de répondre à la Cour de cassation dans une importante décision (1). Pour le juge de Luxembourg (Cjue) :
• la directive ayant défini le cadre des per- sonnes à prendre en considération lors du calcul des effectifs de l’entreprise, les Etats ne sauraient exclure dudit calcul une catégorie déterminée de personnes entrant initialement dans ce cadre ;
• une réglementation qui exclut du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée des travailleurs a pour conséquence de soustraire certains employeurs aux obligations prévues par la directive et de priver leurs travailleurs des droits reconnus par celle-ci. En conséquence, elle est de nature à vider lesdits droits de leur substance et ôte ainsi à cette directive son « effet utile » ;
• certes, la promotion de l’emploi, mise en avant par le gouvernement français, constitue un objectif légitime de politique sociale, et les Etats membres disposent d’une large marge d’appréciation. Toutefois, cette marge d’appréciation ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre d’un principe fondamental du droit de l’Union ou d’une disposition de ce même droit ;
• une interprétation de la directive selon laquelle celle-ci permet aux Etats d’exclure du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée de travailleurs pour des motifs tels que ceux mis en avant par le gouvernement français serait incompatible avec l’article 11 de ladite directive, qui prévoit que les Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour être en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 2002/14, en ce qu’elle impliquerait qu’il serait permis aux Etats de se soustraire à cette obligation de résultat claire et précise.
Le juge de Luxembourg (Cjue) décide que la directive n° 2002/14 s’oppose à la dis- position nationale (l’article L.1111-3 du Code du travail) qui exclut les travailleurs titulaires de contrats aidés du calcul des effectifs de l’entreprise dans le cadre de la détermination des seuils légaux de mise en place des institutions représentatives du personnel.
Il convient de tenir compte de cette jurisprudence lors de la rédaction des protocoles d’accord préélectoraux, en attendant la modification de mise en conformité du Code du travail avec le droit de l’UE.
(1) Cjue, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale contre Union locale des syndicats Cgt, Hichem Laboubi, Union départementale Cgt des Bouches-du-Rhône, Confédération générale du travail.
Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, Le Droit du travail en pratique, Eyrolles, Paris, 26e éd., février 2014, 702 pages, 34 euros.