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Michel CHAPUIS
Reconnaissance d’un établissement distinct
1re affaire – Soc. 19 déc. 2018, SNCF
1) Selon l’article L.2313-4 du Code du travail, en l’absence d’accord conclu, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est fixé compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
Il en résulte qu’un établissement est considéré comme « distinct » lorsqu’il présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service.
2) En application de l’article L.2313-5, relèvent de la compétence du tribunal d’instance, en dernier ressort, à l’exclusion de tout autre recours, les contestations élevées contre la décision de l’autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts. Il appartient en conséquence au tribunal d’instance d’examiner l’ensemble des contestations, qu’elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision de la direction régionale de l’économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et, s’il les dit mal fondées, de confirmer la décision, s’il les accueille partiellement ou totalement, de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative, sur les questions demeurant en litige.
2e affaire – Soc. 14 avril 2019, syndicat autonome des chauffeurs routiers et a. c/ sté Omnitrans
1) L’article L.2313-2 du Code du travail prévoit que le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est déterminé par un accord d’entreprise. Selon l’article L.2313-4, en l’absence d’accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l’employeur.
Il résulte de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu, que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts.
Ayant constaté l’absence de toute tentative de négociation, le tribunal d’ins- tance a retenu exactement que la décision unilatérale de l’employeur devait être annulée, sans que la Direccte n’ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’auraient pas été préalablement engagées, et qu’il a fait injonction à l’employeur d’ouvrir ces négociations.
2) La notification de la décision prise par l’employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste en une information spécifique et préalable à l’organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant la Direccte, conformément à l’article R2313-1. En l’absence d’information préalable régulière, le délai de contestation ne court pas.
3) Les élections organisées par l’employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation de la part des organisations syndicales ayant saisi la Direccte d’une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l’article R.2314-24 de contestation des élections courant à compter de la décision de la Direccte procédant à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
Parité entre les femmes et les hommes
1re affaire – Soc. 17 avril 2019, Ud Cgt du Puy-de-Dôme c/ sté Omnitrans
Pour chaque collège électoral, les listes qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (L. 2314-30).
Dans le cadre des élections des membres du Cse de la sté Omnitrans, l’employeur a indiqué que le 1er collège comportait 92 % de salariés hommes, et 8 % de salariés femmes.
L’Ud Cgt 63 a déposé une liste composée de sept candidats hommes. La liste a obtenu 2 élus, M. C… étant élu en première position, tandis que M. S…, qui figurait en 1re position sur la liste de candidatures, était élu en 2e position après prise en compte des ratures. L’employeur a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de l’élection de M. S… au titre du non-respect des règles sur la représentation des hommes et des femmes. L’Ud Cgt 63 fait grief au jugement de faire droit à cette demande, M. S… figurant en 1re position sur la liste de candidatures.
Pour la Cour de cassation, la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues entraîne l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
Et pour l’application de cette règle, le juge tient compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte le cas échéant de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés.
Et le Ti a constaté que M. S… était 2e et dernier élu sur la liste Ud-Cgt 63 dans l’ordre d’élection après dépouillement du scrutin. Il a exactement décidé que l’élection de ce dernier devait être annulée en raison du non-respect des règles sur la représentation des hommes et des femmes.
2e affaire – Soc. 17 avril 2019, I’Ur Construction-Bois Cfdt Rhône-Alpes
L’association Btp Cfa Rhône-Alpes a organisé les élections des membres du comité d’entreprise. Estimant que les listes déposées par le syndicat Fo et par le syndicat autonome n’assuraient pas une représen- tation équilibrée entre les hommes et les femmes, le syndicat Cfdt et les candidats Cfdt ont saisi le tribunal d’instance pour faire annuler ces listes.
Les syndicats et candidats Cfdt font grief au jugement de déclarer irrecevables et en tout état de cause infondées les demandes en annulation des listes de candidats déposées par le syndicat auto- nome et par le syndicat Fo dans le 2e col- lège (techniciens et agents de maîtrise) concernant les membres titulaires du comité, de dire que l’irrégularité desdites listes n’affecte pas la validité des candidatures de Mme X et M. Y et de rejeter, en conséquence, les demandes d’annulation de leur élection en qualité de membres titulaires du comité.
Pour la Cour de cassation, ayant statué, après qu’il a été procédé aux élections, sur le non-respect éventuel par les listes de candidats des prescriptions légales relatives à la parité entre les hommes et les femmes, le tribunal en a déduit à bon droit que seules les sanctions prévues à l’article L. 2324-23 du Code du travail étaient applicables.
L. 2324-23 : La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions légales applicables entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
Pour la cour, lorsque deux postes sont à pourvoir, l’organisation syndicale est tenue de présenter une liste conforme c’est-à-dire comportant nécessairement deux candidats de sexe différent dont l’un au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré ; lorsque plus de deux postes sont à pourvoir, une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la liste respecte les prescriptions du Code du travail à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré.
Le syndicat autonome n’avait présenté que quatre candidats, et compte tenu de la part respective des hommes et des femmes dans le collège électoral consi- déré, la liste déposée par ce syndicat, comportant trois hommes et une femme, était régulière.
En cas de non-respect par les listes de candidats des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes, la seule sanction prévue par le Code du travail, lorsque le juge statue après qu’il a été procédé aux élections, est l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté et non de la liste elle-même.
3e affaire – Soc. 17 avril 2019, Cgt du Puy-de-Dôme c/ Semerap
L’Ud Cgt a saisi le Ti en annulation de l’élection de M. P…, au motif que la liste Cfe-Cgc ne respectait pas l’obligation de parité.
Pour rejeter la demande, le jugement retient que le non-respect du Code du travail ne peut conduire qu’à l’annulation de l’élection du dernier élu du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. Or, un seul homme a été élu sur la liste Cfe-Cgc, de sorte qu’il n’existe aucune surreprésentation du sexe masculin. Par ailleurs, le non-respect de l’alternance homme-femme ne peut conduire qu’à l’annulation de l’élu dont le positionnement sur la liste ne respecte pas l’alternance. Donc M. P…, premier et seul élu de cette liste, ne peut voir son élection annulée dès lors que son positionnement à lui seul n’est pas contraire aux dispositions précitées.
Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors qu’il constatait qu’un homme était en surnombre sur la liste Cfe-Cgc, ce qui aurait dû le conduire à annuler l’élection de M. P…, seul élu du sexe sur- représenté, le tribunal d’instance a violé les textes.
Par conséquent, lorsqu’un candidat de l’un des deux sexes est en surnombre sur une liste, l’annulation de son élection doit être prononcée même si cela conduit à annuler l’élection du seul élu de la liste.