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Les affaires en matière d’égalité de traitement dans l’emploi et le travail constituent une source toujours très importante de contentieux devant les juridictions civiles. Au fil des arrêts, rendus au regard des cas d’espèce, la Cour de cassation donne des indications et affine ce régime juridique de l’égalité de traitement. Une nouvelle décision, rendue de façon solennelle, apporte de nouvelles précisions.Michel CHAPUIS
Les faits
La Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance a dénoncé, le 20 juillet 2001, divers accords collectifs nationaux et locaux applicables au sein des entreprises du réseau des caisses d’épargne, dont l’un, du 19 décembre 1985, prévoyait le versement, outre d’un salaire de base, de primes de vacances, familiale et d’expérience, et d’une « gratification de fin d’année treizième mois ».
Aucun accord de substitution n’a été conclu à l’expiration des délais prévus à l’article L. 2261-13 du Code du travail. Cet article dispose : « Lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ce délai. Lorsqu’une stipulation prévoit que la convention ou l’accord dénoncé continue à produire ses effets pendant un délai supérieur à un an, les dispositions du premier alinéa s’appliquent à compter de l’expiration de ce délai. »
Par deux engagements unilatéraux, la Caisse nationale a : • d’une part, fait bénéficier les salariés présents dans l’entreprise à l’expiration des délais prévus à l’article L. 2261-13 du Code du travail des modalités d’évolution de la gratification de fin d’année, devenue un avantage individuel acquis, prévues par l’accord dénoncé ;
• d’autre part, accordé aux salariés engagés postérieurement une prime de treizième mois répondant aux mêmes conditions d’ouverture, de calcul et de règlement.
La procédure
M. X., salarié de la caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin, estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de diverses sommes. Le salarié estimait qu’il avait droit au paiement cumulatif de la gratification de fin d’année et de la prime de treizième mois, au nom du principe d’égalité de traitement. Il a donc formé une demande en paiement d’un rappel de salaire à ce titre.
Les arguments échangés et la décision
Ayant été débouté par la cour d’appel au titre de la gratification de fin d’année (treizième mois), le salarié se pourvoit en cassation et développe plusieurs arguments, notamment « que si la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après la dénonciation d’un accord collectif ne saurait justifier les différences de traitement entre eux à la seule exception de celles résultant pour les salariés engagés avant la dénonciation des avantages individuels acquis par ces derniers lesquels ont pour objet de compenser en l’absence de conclusions d’un accord de substitution, le préjudice qu’ils subissent du fait de la dénonciation de l’accord collectif dont ils tiraient ces avantages »…
Le pourvoi du salarié est rejeté. Pour la Cour de cassation, « le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’employeur fasse bénéficier, par engagement unilatéral, les salariés engagés postérieurement à la dénonciation d’un accord collectif d’avantages identiques à ceux dont bénéficient, au titre des avantages individuels acquis, les salariés engagés antérieurement à la dénonciation de l’accord ». Et, par conséquent, dans cette affaire, « la cour d’appel, qui a constaté, sans dénaturer les bulletins de paie, que le salarié avait effectivement perçu, au mois de décembre de chaque année, la gratification de fin d’année pré- vue par l’accord du 19 décembre 1985, et retenu à bon droit que l’engagement unilatéral pris par la caisse de faire bénéficier les salariés engagés postérieurement à la dénonciation de l’accord collectif d’une prime de treizième mois identique à la gratification de fin d’année payée en tant qu’avantage individuel acquis aux salariés engagés antérieurement à la dénonciation n’avait pas eu pour effet de supprimer ledit avantage, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
La chambre sociale de la Cour de cassation « Dit n’y avoir lieu à renvoi de ces chefs » et « Déboute M. X. de sa demande en paiement d’un rappel de salaire au titre de la rémunération annuelle minimale et de dommages-intérêts et le Syndicat du personnel banque assurances Cgt Auvergne-Limousin de sa demande en paiement de dommages-intérêts (1). »
Par ailleurs, s’agissant de l’accord collectif relatif à la rémunération annuelle minimale, la Cour confirme sa jurisprudence selon laquelle, lorsque les partenaires sociaux ont précisé les éléments de rémunération exclus du minimum conventionnel, il faut s’en tenir stricte- ment à cette définition. En l’espèce, examinant les termes de l’accord instituant une rémunération annuelle minimale conventionnelle, elle constate que les avantages individuels acquis ne font pas partie des éléments exclus de l’assiette de comparaison pour déterminer ladite rémunération. Elle en tire la conséquence que les primes de vacances, familiale et d’expérience dont bénéficient les salariés au titre des avantages individuels acquis doivent être prises en compte pour l’appréciation du respect du salaire minimum conventionnel.
(1) Soc., 24 avril 2013, M. Alain X. et autre, la caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin, n° 12-10.196/12-10.219, arrêt FS-PBRI – publié au Rapport annuel de la Cour de cassation