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Différences de traitement entre des salariés de la même entreprise (Soc. 4 octobre 2017)
Le 1er septembre 2002, la société Ahlstrom La Gère (Isère) a fait l’objet d’une opération de fusion-absorption par la société Ahlstrom Packaging devenue la société Ahlstrom Label Pack devenue Munksjö Label Pack. La société et les quatre syndicats représentatifs au sein de l’entreprise ont signé le 7 novembre 2002 un accord d’entreprise maintenant, mais seulement pour les salariés de l’établissement de La Gère, les conditions de rémunération du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, issues de divers accords conclus antérieurement à la fusion au sein de la société Ahlstrom La Gère. Estimant subir une inégalité de traitement, M. Y… et M. X.., affectés à l’établissement de Stenay (Meuse), ont saisi la juridiction prud’homale.
Pour faire droit à leur demande, l’arrêt retient que l’accord d’entreprise « suite à fusion » motive le maintien des anciens accords par la volonté de la direction, sans autre précision, que l’argument soutenu par le contexte historique ne peut être retenu, aucun nouvel accord d’établissement n’ayant été conclu concernant l’établissement de La Gère postérieurement à la fusion-absorption d’une société distincte, de sorte que les anciens accords ne s’appliquaient qu’aux salariés transférés, que si le site de La Gère est géré au niveau du groupe comme un établissement distinct, la traduction juridique en est qu’il s’est agi d’un établissement distinct jusqu’en juin 1997, d’une société distincte entre juillet 1997 et septembre 2002, et à nouveau d’un établissement distinct à partir de septembre 2002, de sorte que les accords collectifs signés en 1999 doivent être considérés au travers de la nature juridique réelle de l’entité signataire concernée, et non en fonction d’une gestion de groupe dans le cadre d’un contexte historique, qu’en maintenant les anciens accords, avant fusion, à l’ensemble des salariés travaillant sur le nouvel établissement de La Gère, soit ceux transférés mais également ceux embauchés postérieurement, les salariés travaillant au sein de l’établissement de Stenay ont fait l’objet d’une disparité de traitement qu’il convient de rémunérer. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le principe d’égalité de traitement.
Pour le juge, « les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de cette entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».
Différence de traitement lié au transfert de contrats de travail (Soc. 30 novembre 2017)
En application de l’accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la société Aaf La Providence II, attributaire depuis le 1er janvier 2010 du marché de nettoyage du site « Banque de France », a repris à son service différents salariés affectés sur ce site à la suite de la perte du marché par leur employeur.
S’estimant victimes d’une inégalité de traitement en ce que certains salariés de la société Aaf La Providence II, issus d’un transfert antérieur, bénéficiaient d’un treizième mois en raison de la règle imposant le maintien de leur rémunération lors de la reprise du marché, M. X.. et 26 autres salariés affectés sur ce site ont saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir le paiement d’une prime de treizième mois pour la période située entre 2010 et 2014.
Pour condamner la société Aaf La Providence II à payer à chaque salarié une somme à titre de prime de treizième mois, les jugements retiennent que les différents salariés demandeurs accomplissent le même travail pour le même employeur sur le même chantier, s’agissant tant des salariés dont le contrat de travail a été transféré lorsque le marché a fait l’objet d’un changement de prestataire au 1er janvier 2010 que des salariés faisant déjà partie des effectifs de la société Aaf La Providence II à cette date, et que l’employeur ne démontre pas l’existence d’une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération liée à la nécessité de compenser un préjudice spécifique à une catégorie de travailleurs. En statuant ainsi, le conseil de prud’hommes a violé le principe d’égalité de traitement.
Pour le juge, « l’évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement à l’égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle. »
Ainsi, « la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d’une garantie d’emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l’employeur entrant, qui résulte de l’obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d’égalité de traitement. »
Bibliographie
Michel Miné, Le Grand Livre du droit du travail en pratique, 29e édition, Eyrolles, 2018.